Depuis sa sortie le 11 juin, si l’on s’en réfère à la seule affiche promotionnelle, le film Black Coal a essuyé un bombardement intensif de critiques élogieuses de la part de beaucoup de journaux. En regardant la moyenne des appréciations du public sur Allociné, la tendance est plus mesurée de même que le nombre réel de journaux éperdus d’enthousiasme. Mais sur le dernier placard publicitaire dans les pages d’un des magazines sous le choc, Black Coal est une œuvre majeure qui entre autres coups de chapeau « va illuminer vos vies » ….
Les compliments habituels s’enchaînent, impérieux : « un coup de cœur absolu », « une claque », « un polar envoûtant » …
Pourtant en ce dimanche 21 juin au MK2 Gambetta, la salle était presque vide et une spectatrice s’est levée avant la fin, peut-être excédée par un film qui peinait à conclure.
Ce serait exagéré pourtant que de tomber dans une approche par trop oppositionnelle. Black Coal n’est pas si mal. Des bouts de corps humains sont retrouvés régulièrement dans des wagons à charbon (coal) et un flic mène l’enquête. Ce flic est présenté comme un homme assez rude, primaire, qui à l’occasion grimpe les femmes sans ménagement. Le monde qu’il côtoie est à l’unisson. Diao Yi’nan, le réalisateur, nous dépeint par exemple une patinoire (normalement un endroit relativement glamour où l’on flirte) comme un endroit où l’on pourrait aussi bien abattre des chevaux.
Sous sa peau de canasson mal débourré justement, l’inspecteur Zhang mène l’enquête dans cette Mandchourie sinistre. La neige qui tapisse les rues rend un effet jaunasse sous les éclairages au néon. Flic puis ex-flic, le réalisateur nous laisse comprendre que Zhang, son personnage, est plus subtil qu’il n’en a l’air. Il apparaît bientôt évident qu’il va résoudre l’énigme et retrouver le type qui dissémine ses cadavres en pièces détachées dans des wagons de charbon.
Le défaut de ce film est de tomber dans le surenchérissement du genre série noire. L’histoire est cafardeuse à se pendre et, sauf un petit clin d’œil cinéphilique à Truffaut (Tirez sur le Pianiste), on peine à trouver de quoi sourire. D’ailleurs « Tirez sur le pianiste » était tiré d’un roman de David Goodis un des maîtres du polar sombre mais, dans le livre comme dans le film de Truffaut il y a toujours moyen, comme dans la vraie vie, de se détendre trente secondes, soit parce que c’est joli soit parce que c’est drôle.
Avec Black Coal, Diao Yi’nan fait aussi bien que Melville en son temps avec « L’armée des ombres », film assommoir sur la résistance qui nous démontrait sans voie de sortie possible et avec une bande son aussi gaie qu’une sonnerie aux morts joué à la mandoline que la vie c’est moche et re-moche.
Disons que pour apprécier cet assez long métrage, très homogène dans son genre, il faut sinon du recul, au moins des dispositions que selon l’heure du jour, le vol des toucans et le cours du merlu, on n’a pas toujours. Mais avec un peu de fortune conjoncturelle on peut apparemment en ressortir satisfait.
PHB
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