L’heure était tardive, l’avenue presque déserte. Clichy n’est pas Paris. Projeter d’y héler un taxi relève d’une gageure. Le front barré d’un double pli de contrariété, les sourcils en chapeau chinois, elle regardait les rares voitures filer dans un sens ou dans un autre sans y détecter le moindre tacos en maraude. Sa silhouette élégante se découpait dans la nuit. Elle avait pris position au pied d’un réverbère afin de ne pas prendre le risque de ne pas être repérée. Sa montre lui indiquait que le temps passait. « Comment se disait-elle, font les vrais parisiens« , elle dont le nom avait pris souche bien loin de Paris, sur les bords de la Méditerranée.
Dans la même situation, le vrai parisien (ou la vraie parisienne) ne laisse pas à ses pieds le temps de prendre racine. Il peut au choix se servir de son téléphone pour appeler un taxi et profiter du temps d’attente pour s’en griller une voire deux. Ou encore marcher d’un pas vif et certain vers la Porte de Clichy où il sait par instinct et expérience que l’on y trouve le bon taxi des familles, bavard, aimant écouter Rires & Chansons à fond, tout en téléphonant à ses proches. Mais elle n’avait pas cette aisance. C’était de surcroît un jour de semaine avec la perspective de se lever tôt le lendemain matin et donc aucune envie de perdre un temps qui serait par exemple plus utile au démaquillage, avant d’aller se coucher.
C’est alors que puisant dans ses propres capacités face aux adversités courantes, elle inclina légèrement la tête et pris contact avec … Saint-Antoine de Padoue, rien moins que le descendant de Charlemagne, le contemporain de François d’Assise et incidemment le custode (1) de Limoges. Des références de tout premier choix qui frisaient même la surqualification pour un bête problème de taxi.
On ne sait si l’affaire fut traitée en direct ou par un conseiller de permanence du saint cabinet, toujours est-il que moins de deux minutes plus tard, une voiture dont la lumière sommitale indiquait qu’elle était disponible pour une course, s’arrêta aux pieds de l’implorante. Après lui avoir indiqué l’adresse où elle voulait être déposée, elle demanda au chauffeur juste avant qu’il ne démarre, comment était-il arrivé si vite. Et celui-ci de lui répliquer avec une sincérité toute spontanée qu’il n’en avait « aucune idée » en précisant qu’il avait juste ressenti une «brutale envie de prendre le volant». Mais elle en revanche, ne trouvait en aucune façon la situation anormale. Le contraire l’eût davantage déçue.
PHB
Comment personne n’y a-t-il pensé? C’est cela qu’il nous faudrait, pendant que le tacos arrive : une « appli » délivrant une bonne histoire de circonstance à déguster. Merci pour cet apéritif littéraire (sous-entendu, nous attendons le plat de résistance…).
Excellent…
Dernier taxi, un soir de décembre…
Il y a quelques semaines, je me suis retrouvée à attendre le taxi, à Orléans! Ma voiture venait de disparaître, happée par la galaxie, sans doute!! Volée, envolée, disparue… Après avoir refait le chemin à l’envers……, et pendant une heure, erré dans le parking souterrain bien désert, je suis rentrée en taxi, dans le soir; je n’ai guère hésité, et enfoncée dans cette luxueuse voiture, aux senteurs de cuirs et d’Eau Sauvage, je me mise à discuter avec un taxi driver charmant! Il me fallait au moins ça pour me faire oublier toutes les catastrophes s’abattant sur moi, depuis peu!… Ma Twingo a disparu, tant pis, il y a plus grave!! Et je voulais justement la changer et prendre une hybride peu gourmande et très HQE!!
C’est une bonne idée, m’a t-on dit, après que j’ai reposé la revue spécialisée vivement consultée!
Moralité: une belle rencontre peut naître de ce qui pourrait vous pourrir la minute présente! Voir et revoir « Paris » de Woody et son Taxi magique… Swing et artistes, un régal……
Tschüsssssss
Annnnnnnnn