S’il n’a que quelques années d’existence (à peine quatre ans) le Musée départemental de Flandre n’a pas tardé à trouver son public. Situé en plein cœur de la ville de Cassel, au sommet du mont qui porte le même nom, à une cinquantaine de kilomètres de Lille, cette ancienne châtellerie d’une sobre et belle architecture est rapidement devenue un lieu de visite ou de rendez-vous : le dimanche il n’est pas rare d’y entendre parler le flamand.
Cette langue dérivée du néerlandais n’est certes plus pratiquée par les habitants français de la région, mais les Flamands de Belgique aiment à se rendre au sommet du Mont autant pour les collections du musée que pour le magnifique point de vue sur les plaines de la campagne : il ne faut guère se forcer pour y retrouver les images et les couleurs propres aux plus belles œuvres de la peinture ancienne flamande.
Ce succès est d’abord dû à la réussite de la rénovation du bâtiment, et aussi à la qualité des expositions proposées. Nous avons ici même évoqué l’exposition très réussie sur les relations entre Marguerite Yourcenar (dont la maison familiale se trouve à quelques kilomètres ) et la peinture flamande. On pourra cette année sans crainte se rendre à nouveau dans l’établissement pour y découvrir le travail d’un artiste dont le nom est peu connu du grand public, mais dont l’art et la personnalité méritent qu’on s’y attarde. L’Anversois Erasme Quellin (1607-1678) fut l’un de plus proches collaborateurs de Rubens, et lui succédera d’ailleurs en tant que peintre officiel de la ville d’Anvers.
Issu d’une famille bourgeoise, fils d’un sculpteur de renom, il étudia les arts et la philosophie comme il convenait à l’époque. On peut s’étonner que ce “ pictor doctus“ (“peintre érudit“) n’ait pas connu la renommée populaire, mais c’est peut-être, comme l’explique la directrice du musée et commissaire de l’exposition Sandrine Vézilier, parce que son style a pu sembler hybride: : « pas assez baroque pour les Belges, pas assez classique pour les Français ». En réalité, ce peintre humaniste qui maîtrisait parfaitement les règles du baroque, préfigurait sans le savoir la période classique.
On sait par ailleurs que le souci de classification est un défaut bien français : ne faut-il pas simplement se laisser aller à la délectation esthétique, admirer le mouvement de l’Enlèvement d’Europe (venu du Prado), vibrer à la composition d’Achille parmi la famille de Lycomède (venu du Liechtenstein), s’étonner du Portrait d’un jeune garçon avec un faucon et deux chiens (fruit d’une collaboration avec un autre peintre anversois et provenant des collections des musées royaux d’Anvers), ou encore tomber amoureux du portrait de Jeune Femme (collection privée) dont on nous dit qu’elle n’est pas sans rappeler le portrait de l’épouse de Rubens lui même ?
Présentée non de façon chronologique, mais de façon thématique, l’exposition permettra de découvrir un nombre relativement important de Guirlandes de fleurs entourant un sujet en grisaille ; le genre avait été inventé par Rubens et c’est un peu la marque de fabrique de l’un des Brueghel, celui dit “de velours“. Si le rapprochement, dans une même salle, de ces toiles peut paraître au premier abord un peu répétitif, on suivra avec grand intérêt une vidéo pédagogique nous enseignant la symbolique de chaque fleur. Et l’on aperçoit que ces panneaux qui nous semblaient purement décoratifs recèlent des messages subliminaux…
Au total, une bonne cinquantaine de pièces, provenant de collections privées ou des musées les plus divers ont pu être réunies pour cette belle exposition qui, étonnamment, constitue la première grande rétrospective consacrée à cet artiste surdoué, trop peu connu, vraisemblablement victime de la gloire écrasante de son maître Rubens.
Musée de Cassel, Nord, jusqu’au 7 septembre 2014
Merci pour la découverte !