Sitges, un coup de cœur catalan

À 40 km de Barcelone, Sitges, 32.000 habitants, est une heureuse surprise. On s’attendait à une banale station de bord de mer, envahie de touristes nourris au tempo de la fête. Rien de tel en février. Une ville calme mais vivante avec ses nombreux petits commerces. Et une ville de toute beauté composée d’un entrelacs de ruelles étroites qui s’étendent jusqu’à la mer. Rappelons qu’aux XVIIIe et XIXe siècles, des centaines d’habitants de Sitges émigrèrent vers les colonies espagnoles du Nouveau monde pour y chercher fortune. Ils exportaient chaussures, vins, et alcools produits localement et importaient café, cacao, sucre, coton, tabac… À leur retour à Sitges, la prospérité des « Américains » -comme on les appelait- leur permettait de se faire construire de splendides demeures. On peut admirer ces belles villas néoclassique, Art nouveau ou moderniste en suivant l’itinéraire des « Américains » de Sitges. Au-delà de leur résidence, les « Américains » ont participé au développement économique de la Catalogne en investissant dans ses infrastructures et ont joué un rôle de premier plan dans la transformation de Sitges. C’est ainsi que le modeste village de pêcheurs est devenu une station balnéaire bourgeoise.

Ses atouts prédisposaient à son développement touristique. Sitges dispose de nombreuses plages qui s’étalent sur toute la baie (6 km). Au-delà ce sont 17 km de côtes avec des calanques et criques sauvages. Et, sur ses hauteurs, le somptueux parc naturel montagneux du Garraf dessine une toile de fond verdoyante entrecoupée de rochers et parcourue de sentiers avec vue sur la mer. La ville elle-même, regorge de charme avec ses villas des «Américains», ses maisons de pêcheurs et son quartier historique. Tapi derrière l’emblématique église S. Bartolomeu et S. Tecla (XVIIe, ci-dessus), il témoigne du passé médiéval de Sitges. Les amateurs d’art ne seront pas en reste. À côté de l’église, trois musées s’élèvent face à la mer: le musée Cau Ferrat, le musée Maricel et palais Maricel. Cau Ferrat est le plus intéressant.

Sitges a connu un développement artistique important à la fin du XIXe s. grâce à Santiago Rusinol, chef de file du mouvement moderne catalan. Peintre et écrivain, esthète et collectionneur, Santiago Rusinol (1861-1931) était le fils d’un riche industriel catalan. Après quelques années de bohème artistique à Montmartre, il décida de s’établir à Sitges en 1891, captivé par la lumière du beau village. Il acheta deux maisons de pêcheur qu’il fit relier et transformer pour qu’elles soient à la fois sa résidence, son atelier et un écrin pour sa collection d’art. Ainsi naquit Cau Ferrat (« le nid du fer forgé »). Le premier étage, immense pièce où repose sa collection d’objets anciens en fer forgé servait également à accueillir les Festivals modernistes (Festes Modernistes) organisés avec ses amis. Ces festivals qui réunissaient les meilleurs artistes catalans (peintes, écrivains, musiciens) et des intellectuels duraient plusieurs jours avec lectures, concerts et échanges fructueux sur les tendances artistiques.

Collectionneur d’objets anciens en fer forgé et de tableaux dans sa jeunesse, Rusinol diversifia ses collections tout au long de sa vie. Sa participation à des fouilles archéologiques en Espagne lui permit d’acquérir des pièces romaines. Il acheta également une importante collection d’objets en verre des XVIIIe et XIXe s ainsi que des céramiques du XIVe au XIXe, des estampes japonaises, etc. Ainsi, petit à petit, sa maison-atelier se transforma en véritable musée. À sa mort en 1931, il légua maison et collections à la ville de Sitges où le musée Cau Ferrat (ci-dessus) ouvrit dès 1933. Rusinol était un collectionneur averti et c’est un véritable bonheur de se promener dans sa maison (toujours dans son état d’origine) dont toutes les salles, de la cuisine à la chambre à coucher, sont tapissées de pièces de qualité au coude à coude. Parmi les tableaux : des œuvres de Rusinol et de ses amis catalans, excellents peintres, mais aussi de Picasso, deux tableaux du Greco, des estampes japonaises (Hokusai, Hiroshige) … Au premier étage, les objets antiques en fer forgé rivalisent de beauté avec les objets en verre plus modernes. Et, partout, les détails architecturaux relèvent de la même exigence et curiosité artistiques !

Contigus au Cau Ferrat, le musée et le palais Maricel ont été fondés par Charles Deering, industriel philanthrope et collectionneur américain. Invité par Rusinol à visiter Cau Ferrat en 1909, il tomba sous son charme à tel point qu’il proposa à Rusinol de lui racheter maison et collection. Rusinol refusa catégoriquement. Qu’à cela ne tienne ! En 1910, Deering racheta des maisons et l’ancien hôpital de Sitges contigus à Cau Ferrat, et, sous la supervision de son ami et architecte Miguel Utrillo (ancien compagnon de Suzanne Valadon et père putatif de son fils, Maurice Utrillo) les transforma en résidence et abri pour ses collections. Mais lorsqu’il retourna aux États-Unis, Deering ne légua pas ses collections à la ville de Sitges, il repartit avec elles !

Lottie Brickert

Photos: ©Lottie Brickert
(ci-dessus: passage entre le musée du Cau Ferrat et le palais Maricel)
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6 réponses à Sitges, un coup de cœur catalan

  1. Jacques Ibanès dit :

    Comme toujours à la lecture des découvertes de Lottie, je n’ai qu’une envie : aller y voir !

  2. Marie-Hélène Fauveau dit :

    Merci
    belle visite à prévoir effectivement !

  3. Kristine dit :

    Merci Lottie pour cette belle découverte que j’inscris pour ma prochaine visite en terre Catalane.
    Malgré les inconvenients de son attractivité la Catalogne reste un bel écrin pour de nombreux joyaux.

  4. Marie-Catherine Grégoire dit :

    Merci Lottie de partager ton coup de coeur catalan . Je note cette belle découverte j’ espère pour un prochain voyage européen..

  5. Daniel dit :

    Merci Lottie toujours intéressant de te lire !

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