Autant dire que le Bauhaus a eu une vie mouvementée. Ce qui ne l’a pas empêché de devenir l’un des mouvements artistiques qui a le plus marqué le XXe siècle et qui « façonne » toujours notre monde aujourd’hui. L’école du Bauhaus a été fondée à Weimar (Thuringe) en 1919 par un architecte visionnaire de génie, Walter Gropius. Jugée trop libérale par la ville de Weimar, l’école s’est installée à Dessau (Saxe-Anhalt) en 1926 dans un bâtiment iconique du mouvement. Elle a été fermée par les nazis en 1932 à cause de ses idéaux prétendument bolchéviques. Bombardé pendant la guerre, puis boudé par la RDA, le bâtiment du Bauhaus, in fine restauré en 1976, est ouvert au public. Une occasion unique de bien s’imprégner de ce courant révolutionnaire. Dont acte. « Bauhaus » dans un quartier périphérique de Dessau, les lettres se détachent sur un bâtiment moderne qui semble banal aujourd’hui.
Ce bâtiment, construit en un an, représentait en 1926 une véritable œuvre d’avant-garde symbolique du mouvement moderniste en architecture. Avant-gardiste par sa conception et son esprit: une composition asymétrique simple de forme géométrique au toit plat réunissant quatre volumes de différentes hauteurs et fonctions. Et, une façade en verre ou mur-rideau qui autorisait transparence et lumière à l’intérieur des ateliers. C’était si extraordinaire que les habitants de Dessau se massaient sur le trottoir pour regarder les étudiants travailler dans les ateliers d’artisanat.
Car au Bauhaus, les étudiants en architecture, design et arts décoratifs devaient suivre une formation pratique en artisanat pour se familiariser avec les matériaux et les procédés modernes et innovants. Et fini l’académisme! Les étudiants jouissaient d’une liberté totale pour ne pas entraver leur créativité. Abolir les frontières entre les beaux-arts, l’artisanat et l’industrie; créer des logements et objets fonctionnels, accessibles au plus grand nombre, tel était le credo de Gropius.
Ces ateliers ont produit des prototypes pour l’industrialisation. Et, ils ont participé à l’ameublement et à la décoration du bâtiment du Bauhaus comme on peut le constater pendant sa visite. Ici, tout a été pensé dans les moindres détails, de l’architecture aux poignées de porte, luminaires ou couleurs des murs. Le concept d’art total -suivant lequel architecture, arts plastiques et artisanat forment un tout- a été appliqué. Un tout qui inclut la danse pour l’étude du corps en mouvement dans l’espace, comme en témoignent les réalisations du scénographe et décorateur Schlemmer visibles dans le bâtiment.
Tout n’était pas parfait dans le monde avant-gardiste du Bauhaus. Avec le mur-rideau, les ateliers étaient étouffants en été et glaciaux en hiver et professeurs et étudiants se plaignaient de sa transparence portant atteinte à l’intimité. Si les étudiantes représentaient le tiers des effectifs -à une époque où il était mal vu d’être une femme artiste- l’égalité des sexes, pourtant prônée par le mouvement, était loin d’être acquise. Les femmes étaient tenues à l’écart des ateliers les plus prestigieux et dirigées de préférence vers l’atelier de tissage. Certaines ont tout de même réussi à s’imposer.
Le directeur et les maîtres (professeurs) étaient logés à quelques minutes de l’école. La ville de Dessau avait chargé Gropius de construire trois maisons jumelées identiques (ci-contre) pour les maîtres et une pour le directeur. Elles ont abrité une colonie d’artistes parmi les plus célèbres du XXe siècle: Ise et Walter Gropius, le couple Kandinsky, Joseph et Anni Alberts, rare femme du Bauhaus à avoir connu le succès de son vivant, Paul Klee, Lyonel Feininger, Oskar Schlemmer, Lucia et Laszlo Moholi-Nagy… Après-guerre, les maisons bombardées ont été reconstruites et défigurées puis restaurées récemment. Entourées de pins, elles séduisent avec leurs volumes géométriques modernistes et leur blancheur éclatante. Trois des maisons, dont l’aménagement n’est pas conforme à l’original mais gardant l’esprit du Bauhaus, se visitent. La suite des pièces et leur aménagement avaient été conçus après analyse des processus de travail quotidien. Il fallait rationaliser l’espace à une époque où on manquait de logements et où les domestiques se faisaient rares. Et aussi répondre à l’exigence d’exposition maximale à la lumière des surfaces de travail et de ventilation des pièces, concevoir des meubles peu encombrants et favoriser l’emploi d’appareils ménagers modernes.
L’exploration du Bauhaus et des maisons de maître vous laissera sans doute sur les genoux. Mais la visite n’est pas terminée ! Reste à découvrir d’autres réalisations de Gropius et le nouveau musée (2019), situées plus loin; visites comprises dans le billet d’entrée valable 72 heures. Il n’en faut pas moins pour bien se plonger dans l’histoire de ce courant révolutionnaire. On peut même louer une chambre, meublée dans le style Bauhaus, dans l’aile des anciens logements étudiants et déjeuner dans le restaurant de l’ancien réfectoire. Une façon idéale de vivre l’expérience Bauhaus jusqu’au bout.
Lottie Brickert
Merci pour cet excellent rappel de l’Histoire du Bauhaus .
Comme je voudrais y aller !!!
Mais quelle bonne idée,je vais me programmer une petite balade par là bas!