« Rügen », depuis des années ce nom était ancré dans ma tête comme celui d’un petit Eden à découvrir. Interrogé, un ami berlinois m’avait ri au nez. « Rügen en août, un Eden ? Mais c’est la baignoire de Berlin! ». D’un mot, le mythe était détruit mais pas l’envie d’y aller. Au nord-est de l’Allemagne, Rügen est la plus grande île (900 km²) et le point le plus septentrional du pays. Les pieds dans la Baltique, l’île zieute les côtes suédoises au nord et tutoie celles de la Pologne à l’est. Plages de sable immaculé, falaises uniques, parcs naturels, campagne bucolique… la nature est reine à Rügen. Dès le début du XIXe, un prince local conscient de ses attraits y avait fait venir une clientèle privilégiée. Puis, des stations balnéaires avaient été créées, une mini-ligne de train à vapeur installée, des parcs mis en valeur. Assoupie pendant la période communiste, Rügen a connu un nouvel essor après la chute du mur. Aujourd’hui, l’île attire un million de visiteurs par an, surtout des allemands.
Rügen la baignoire de Berlin ? Oui l’île est très fréquentée en été. Ses plages sont envahies et ses routes encombrées. On passe beaucoup de temps en voiture car l’île est grande. Mais le spectacle qu’elle offre n’en est pas moins un enchantement. Des champs de blé doré à perte de vue qui dansent sur les collines. Des forêts de pins et de hêtres le long des côtes. Des maisons traditionnelles à toit de chaume entourées de grandes prairies où paissent des chevaux. Et des sites d’intérêt dont description suit.
Tout au nord, les deux vieux phares du Cap Arkona attirent les foules. Les mollets acérés qui graviront leurs centaines de marches seront récompensés par une vue extatique sur l’île et les côtes suédoises en face. Du Cap Arkona à Lohme, 30 km plus bas, la route est bordée de plages de sable, souvent prises d’assaut. Au nord-est de l’île, le petit village tranquille de Lohme, parsemé de roses trémières, est pittoresque avec ses villas-hôtels stylées qui s’étalonnent au-dessus de son petit port. Au coucher du soleil, la terrasse sur pilotis de son bar sans chichi est the place to be pour siroter un cocktail en regardant le soleil fondre sur l’horizon dans le ciel devenu rouge vif.
Lohme jouxte le parc National de Jasmund. C’est dans ce parc que se trouve le site naturel le plus connu de l’île, immortalisé par le peintre Caspar David Friedrich en 1818: les falaises de craie de Rügen. L’une d’elles, le Königstuhl (chaise du Roi) domine la côte du haut de ses 117 m. Pour les touristes ne souhaitant pas faire d’efforts, une promenade-passerelle a été suspendue au-dessus d’elle enlevant de la magie au lieu. Mieux vaut découvrir les falaises en empruntant depuis Sassnitz le sentier de randonnée de 8 km qui se déploie en hauteur. Il traverse une magnifique forêt de hêtres primaire et offre de beaux points de vue sur les parois de craie dorée et la mer.
À la sortie de Sassnitz, deux sites ont une histoire politique singulière. Le nouveau port de Neu Mukran a été construit pendant les années 1980 pour que les chargements des trains puissent atteindre l’URSS sans passer par la Pologne, peu sûre politiquement au temps de Solidarnosc. Quant à la station de Prora, qui consiste en une barre d’immeuble gigantesque étendue sur plus de 4 km le long d’une belle plage, c’est un projet conçu par les Nazis en 1936. Il s’agissait d’offrir à 20.000 ouvriers méritants des vacances dignes d’un club-med avec logement, restaurants, fêtes… La guerre a éclaté et le projet a été arrêté. Siège de la police et caserne sous la RDA jusqu’en 1990, la barre d’immeuble abandonnée a été rachetée par des promoteurs en 2000 pour abriter des appartements de luxe!
Rien à voir avec les élégantes stations balnéaires Belle époque de Binz et Sellin, proches de Prora. Leurs villas anciennes aux balcons chantournées bordent la mer dont les plages sont jalonnées de StrandKorb. Ces cabines de plages en osier -emblématiques de la Baltique- permettent de se protéger du vent. Binz et Sellin jouxtent la péninsule de Mönchgut, où flirtent petits ports et campagne bucolique avec hameaux de carte postale émaillés de maisons colorées au toit de chaume.
Les voyageurs rebutés par les distances et la circulation automobile rejoindront Hiddensee, à l’ouest de Rügen, en ferry. Cette petite île de toute beauté de 19 km2 embobinera les amoureux de la nature. Ici, tous les déplacements se font à vélo, en carriole à chevaux, à pied ou à cheval sur le peu de routes existantes. D’immenses plages de sable blanc s’étirent le long des côtes, voisinant avec des prés salés, des forêts de pins et des falaises. Seuls trois villages viennent semer un peu de zizanie dans cet Eden de tranquillité.
On quitte Rügen en passant par Stralsund, la ville juste en face sur le continent, relié par un pont. Stralsund, grand port de la Baltique était un membre influent de la Ligue hanséatique. La ville, très bien conservée et classée au patrimoine de l’Unesco, mérite elle aussi une visite approfondie.
Lottie Brickert
Ce descriptif donne vraiment envie d’y aller ! Mais quid du sur tourisme et ses effets pervers ? Difficile de rendre compte de la beauté d’un site et d’éviter les « syntagmes figés »…
Les journées grises de l’automne réveillent la nostalgie du temps des vacances… Mais même à Rügen, les plages de sable fin ne sont plus écrasées de soleil, et les Strandkörbe ont été remisés. Restent les souvenirs d’une belle découverte, merci de nous les faire partager.
Merci pour ce commentaire de la ville de Rügen et de ses alentours, ça donne vraiment envie d’y aller.
Merci pour cette promenade découverte d’une région qui m’était totalement inconnue. La Baltique devient par ton écriture « hype ».