Magistrat influent, Hieronymus (Jérôme) van Busleyden n’était pas seulement un notable respecté. À l’aube du XVIe siècle, ce juriste (1470-1517) qui fit beaucoup pour la renommée culturelle et artistique de la ville de Malines (Mechelen dans l’actuelle Belgique), était avant tout un homme de culture, un humaniste qui recevait à sa table des penseurs aussi importants qu’Érasme ou Thomas More. Originaire de la province du Luxembourg, il s’installa en 1507 dans cette cité importante des Flandres, entre Anvers et Bruxelles. La même année, Marguerite d’Autriche, devenue gouvernante générale des Pays-Bas, choisissait Malines comme capitale administrative et judiciaire. La réputation de la ville s’étendit alors dans toute l’Europe. On peut avoir une idée de l’opulence à la fois financière et artistique de cette cité flamande qui accueille aujourd’hui près de 90.000 habitants en visitant l’hôtel particulier de Hieronymus devenu depuis quelques mois l’un des palais-musées les plus attractifs de la région, déjà bien riche en monuments de premier plan (Bruges, Gand, Anvers…).
Une visite même rapide convaincra le voyageur que les rénovateurs n’ont pas lésiné sur les moyens mis en œuvre. Comme tous les bâtiments anciens, le palais de Van Busleyden a bien évidemment subi de nombreuses et profondes modifications au cours des siècles. Mais l’aspect qu’il présente aujourd’hui laisse aisément entrevoir les fastes d’il y a cinq siècles. Les différents jardins qui entourent l’immeuble ont été conçus pour rappeler le goût de la Renaissance pour le « hortus », jardin scientifique dont la vocation n’était pas seulement décorative ou utilitaire, mais souvent spirituelle voire mystique.
Les vastes salles de l’intérieur sont autant de témoignages d’un passé glorieux. On y trouve une fresque peinte démesurée (près de cinq mètres de long) représentant la cérémonie d’ouverture du Parlement de Malines, avec ses 68 dignitaires tous revêtus d’un velours rutilant; une gigantesque tapisserie commandée par Charles-Quint pour commémorer la bataille de Tunis en 1535; plusieurs portraits de Charles-Quint aisément reconnaissable à sa prognathie (la fameuse mâchoire des Habsbourg); un précieux Livre de chœur de 1515 dont la superbe polyphonie est proposée à l’écoute dans une salle obscure conçue comme un auditorium et, bien sûr, un certain nombre de pièces religieuses dont une rare collection d’albâtres.
Mais notre préférence ira à un charmant tableau de facture quelque peu naïve représentant les béguines dans leurs travaux quotidiens (photo ci-contre). Typiques de la société flamande de l’époque, ces béguines constituaient une congrégation religieuse non cléricale et vivaient en communauté. Célibataires ou veuves, n’ayant pas prononcé de vœux perpétuels, elles étaient indépendantes financièrement et formaient une sorte de ville dans la ville (leur organisation a d’ailleurs souvent inspiré les actuelles créations d’habitat participatif).
La dernière des béguines est morte il y a une dizaine d’années à Courtrai, à l’âge de 92 ans, mais les villes flamandes ont à cœur de préserver et entretenir les béguinages, havres de paix et de tranquillité souvent classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Moins connu que le béguinage de Bruges, celui de Malines fondé au XIIIe siècle a pourtant été le plus important des Pays Bas bourguignons avec plus de 1500 béguines.
À une vingtaine de kilomètres, on découvrira un autre béguinage d’intérêt également répertorié par l’Unesco, celui de Lierre (Lier). Cette ville, l’une des plus animées de Flandres, est spécialement fréquentée par les touristes espagnols: c’est là en effet qu’eut lieu en 1496 le mariage entre Philippe le Beau, 18 ans, et Jeanne de Castille, 16 ans, et ce mariage très « glamour » avait été il y a quelques années le sujet d’une série télévisée très populaire en Espagne.
Gérard Goutierre
Merci ! Votre article donne envie d’aller à Mechelen ! Pour ceux qu’intéresserait l’interpénétration de la Bourgogne et de la Flandre, je ne saurais trop conseiller le savant ouvrage de Bart van Loo traduit en français : « les Téméraires » (qui existe en poche) écrit avec simplicité et humour et dont les quelque 700 pages se dévorent comme s’il s’agissait d’un roman.
Quelle belle idée Gérard de nous inviter à emprunter les chemins de traverse de l’histoire de la Bourgogne et de la Flandre. Malines et Lier sont donc maintenant sur ma feuille de route de l’été…
Merci Gérard , très mignonnes tes béguines….et surtout libres !!!!
Merveilleux article !
Mes félicitations à ce journaliste français qui connaît si bien la Flandre !