Le Clos de Vougeot : « Jamais en vain, toujours en vin »

Au-dessus de la route qui mène de Dijon à Beaune, au cœur de la prestigieuse Côte de Nuits, on ne peut le manquer. Le château du Clos de Vougeot surgit, souverain, au milieu d’un clos de vignes de 50 hectares, soit la plus grande zone bourguignonne classée Grand cru. S’il ne possède aujourd’hui plus de vignes et ne commercialise plus de vin, le château se visite. En février, alors que la Bourgogne sommeille en attendant que la vigne se réveille, la visite du château sans aucun touriste laisse une impression intense. Depuis le cellier du XIIe s, ce sont 9 siècles d’Histoire que l’on traverse dans les arômes d’un des crus les plus prisés au monde. L’histoire du Clos de Vougeot commence en 1098, quand, à quelques kilomètres de l’actuel château, Robert de Molesmes, fonde l’Abbaye de Cîteaux, berceau de l’Ordre Cistercien. Pour les moines convers, il s’agit de concilier deux exigences de la règle de Saint Benoît: vivre du travail de ses mains et dans l’enceinte du monastère. Si les moines doivent faire vœu d’obéissance, pauvreté et chasteté, l’abstinence vinicole n’est, dieu merci, pas requise. Pas de monastère sans vin. Dans une région aux sols propices à la viticulture, le choix est donc tout fait.

Grâce au don de terres contigües venus de fidèles, les possessions de l’abbaye de Cîteaux sur le territoire du Vougeot s’étoffent et donnent naissance à un domaine spécifiquement viticole. Pour procéder à la vinification, le cellier du Clos de Vougeot est édifié en 1170, premier bâtiment du château toujours sur pied. À la même époque, on trouve mention d’un mur (le clos) entourant le domaine. Sa longueur actuelle est de 3,3 kilomètres. La cuverie est bâtie en 1477 et deux de ses pressoirs sont montés en 1478 et 1489, les deux autres datant du XVIIIe s. D’une taille impressionnante, ils forment un ensemble unique au monde qu’on ne se lasse pas d’admirer. Au XVIe, Dom Loisier, 48ème abbé de Cîteaux, soucieux d’art de vivre et du confort de son logis fait élever, à côté des austères bâtiments médiévaux d’origine, une élégante aile Renaissance. Le Château est créé dans sa forme actuelle. Un domaine viticole de 50 hectares «Le Clos de Vougeot» lui est attaché. Telle fut la genèse du Clos de Vougeot.

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes viticoles et monacaux possible jusqu’à la Révolution où les biens du clergé sont saisis. Après la Restauration, le banquier Ouvrard, achète le Château qui sera ensuite repris par son fils. Nouveau coup dur en 1875, quand le phylloxéra attaque le vignoble bourguignon. Le Clos de Vougeot peine ensuite à trouver preneur jusqu’à ce que 15 négociants de la région se portent acquéreurs. Ce sera le début du morcellement du clos ainsi que sa désolidarisation du château. Château qui est sauvé de la ruine par Léon Bocquet, son propriétaire de 1889 à 1913. Aujourd’hui, ce sont 82 producteurs propriétaires qui se partagent ce domaine prestigieux. Quant au château, on ne pouvait rêver mieux pour lui que de devenir la propriété de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.

La mission de la Confrérie, créée en 1934, est de valoriser les produits de Bourgogne, avant tout son vin et sa table, et de perpétuer ses fêtes et traditions, le tout dans une joyeuse convivialité. Ses Chapitres réunissent plusieurs fois par an des milliers de personnalités du monde entier et de tous horizons qui participent au château du Clos de Vougeot à des événements festifs élégamment arrosés. La confrérie regroupe aujourd’hui 12.000 membres et 75 sous-commanderies dans le monde entier. Le grand public n’est pas en reste: La Saint-Vincent, célébrée chaque année dans un village viticole bourguignon différent, voit la fête battre son plein. Et presque son trop-plein car cette année ce sont 70.000 visiteurs qui y ont participé ! Une occasion de plus pour le Chapitre de la Saint-Vincent de festoyer dans l’ample cellier cistercien du château autour d’un banquet gastronomique bourguignon composé de six services.

Autant dire que la lecture de son poétique Escriteau (ou menu) a de quoi mettre nos sens organoleptiques en émoi comme on peut en juger par les extraits suivants. «Première assiette : La tourte vigneronne à la mode de Vougeot humidifiée d’un Bourgogne aligoté 2015 alerte et fringant. Deuxième assiette : Le soufflé de perche Cardinal escorté d’un Puligny-Montrachet 1er Cru La Garenne 2015 bien racé. Entremets: Les œufs en meurette à la lie de Gevrey-Chambertin accompagnés d’un Côte de Nuits Village 2017 Tasteviné frais et bouqueté. Dorure : L’étuvée de porcelet fermier à la Tuber Uncinatum dite truffe de Bourgogne arrosée d’un Ladoix 1er Cru Clou d’Orge 2015 distingué et velouté.» Nous ferons, chers lecteurs, l’impasse sur l’Issue de table (fromage) et le Boutehors (dernier plat) pour passer directement au café. «Le café noir, le vieux Marc et la liqueur de Prunelle de Bourgogne, fort idoines à stimuler les vapeurs subtiles du cerveau». Un Escriteau qui illustre judicieusement la devise des Chevaliers du Tastevin: « Jamais en vain, toujours en vin ».

Lottie Brickert

Photos: ©LottieBrickert
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4 réponses à Le Clos de Vougeot : « Jamais en vain, toujours en vin »

  1. demarez dit :

    superbe!

  2. Walter R dit :

    Article intéressant et instructif, avec un final goûteux et… long en bouche.
    Merci Lottie !

  3. Walter R dit :

    Reporting de visite savoureusement instructif, avec un final délicieusement long en bouche. Merci pour cette découverte !

  4. Kristine dit :

    Quel beau décor ! Quelle belle mise en bouche ! Quelle sublimation !
    On s’ennivre à te lire , merci Lottie .

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