Dans nos riantes contrées d’Europe, il semblerait que ce soit l’Église apostolique et romaine qui ait commencé à accoler une attribution aux différents jours du calendrier. Au fur et à mesure, celui-ci s’est enrichi de noms de saints, en plus des dates carillonnées, si bien qu’il y en eu un pour chacun d’eux. Le Concile de Trente (1545-1563) invita les parents à y choisir le prénom de tout nouveau-né, avant son baptême. Nonobstant la séparation de l’Église et de l’État, le calendrier du facteur, émanation de la légitimité républicaine, continue d’en tenir compte. Il ajoute les manifestations nationales, avec drapeaux, dépôt de gerbes et vin d’honneur à l’Hôtel de ville : 11 novembre (la victoire), 8 mai (l’armistice), 27 avril (les déportés), 10 mai (les esclaves). Seules les personnes atteintes d’Alzheimer sont dispensées du devoir de mémoire. Viennent ensuite les réjouissances programmées comme le 14 juillet, la fête des mères le dernier dimanche de mai (grâce au gouvernement de Vichy), la fête des voisins le 31 du même mois, pour le vivre ensemble, la fête des pères à l’initiative des briquets Flaminaire, le troisième dimanche de juin, ou la fête de la musique le 21 juin, pour le pire et le meilleur.
La fête des rois, galette sous le bras, intervient le 7 janvier, celle des amoureux, la Saint-Valentin le 14 février, la fête à la citrouille pour faire la nique à la Toussaint, celle de Noël le 25 décembre, doublonnant pour certains enfants avec la Saint-Nicolas, le 6. Et le 31 au soir, fête à la con sur les Champs-Élysées.
Chaque année, l’Institut de France produit sa liste des commémorations officielles. Critère de sélection, la date de l’évènement retenu, soustraite du millésime de l’année à venir, doit donner un chiffre rond. En vertu du vieil adage: le chiffre rond attire le couillon. En 2011, le cinquantenaire de la mort de Louis Ferdinand Céline sur l’inventaire avait soulevé une vive émotion, la nuance existant entre «commémoration» et «célébration» ayant échappé à beaucoup. Le président Sarkozy avait risqué cette remarque audacieuse: «on peut aimer Céline sans être antisémite, comme on peut aimer Proust sans être homosexuel.»
Puis les 28 journées d’appel à la générosité publique, dont le Journal officiel publie l’énumération, du Téléthon à la collecte des marmites de l’Armée du salut. Aux jours dits, sébile à la main, des nuées de bénévoles guetteront leurs proies, la ménagère devant la boulangerie, l’automobiliste au feu rouge, le badaud à la sortie du bistrot, le paroissien à celle de la messe. Un papillon auto adhésif témoignera de notre bon cœur et nous évitera une seconde sollicitation. Les bénévoles ont d’ailleurs leur journée, le 5 décembre. Lundi de Pentecôte ? Il est dédié à la Solidarité intergénérationnelle, pour dégager des fonds de secours après la canicule meurtrière de 2003. Son positionnement si fumeux l’a fait renvoyer, depuis 2008, aux conventions collectives. Le 1er mai, c’est journée du travail et du brin de muguet. Elle est chômée. Le 8 mars, journée des Droits de la femme, le 10 décembre, des Droits de l’homme, le 20 novembre, des Droits de l’enfant, droits soumis à la relativité.
Le 22 mars est la journée de l’eau, mais le 22 avril, de la terre. Le 14 juillet ouvre la journée du feu, mais uniquement pour les habitants d’Obernai. En outre, il faut compter avec les deux jours de passage, à l’heure d’été et à l’heure d’hiver, avec cette question récurrente: «Je l’avance ou je la recule, la pendule?» Il y a les jours sans : le 31 mai, sans tabac, le 22 septembre, sans voiture, le 6 février, sans téléphone mobile, le 20 octobre, sans violence … On la distingue du 3 novembre, journée de la gentillesse.
Le 31 juillet, journée du grand chassé-croisé des vacances, au bon goût de bouchon.
La médecine constitue un remarquable filon. Le 7 avril, journée (mondiale) de la santé. Et plein d’autres jours, journées de la maladie: le 1er décembre, journée du SIDA, le 7 mai, journée des orphelins du SIDA, le 14 novembre, journée du diabète, le 20 septembre, de la prostate (dont les femmes sont exclues), le 18 octobre, de la ménopause (et là, c’est l’inverse), le 29 janvier, des lépreux, 24 mars, des tubards. Si le 14 février est la journée du cancer, on peut ensuite détailler, le 22 mai, de la peau, le 19 octobre, du sein, le 17 novembre, de l’utérus, le 1er avril, du colon…et tutti quanti…
Le 13 octobre voit la promotion de la santé mentale positive, mais le 27 constate l’existence de la dépression. Le 28 février englobe l’ensemble des maladies rares, avec toutefois une mention spéciale, le 20 mai, pour le redoutable syndrome de Williams et Beuren (maladie associant notamment un déficit intellectuel et une malformation du cœur ndlr). En matière de spécifications quotidiennes, l’imagination des différentes institutions représentatives semble inépuisable. Rien ne leur échappe. Si le 26 septembre constitue la journée de la contraception, on célèbre la nuit de l’orgasme le 21 décembre, sous le prétexte qu’elle est la plus longue de l’année. Comme si la recherche d’une telle émotion n’était que nocturne…
Jean-Paul Demarez
Merci pour cette perspective : je ne me rendais pas compte que la vie était à ce point une fête !
Mais ma date préférée reste quand même celle-ci :
https://www.youtube.com/watch?v=zPDJQYq9y0E
Réjouissant ! Merci pour cet article remarquablement documenté…
Subtile deuxième degré ! Merci
« Des nuées de bénévoles guetteront leurs proies … Les bénévoles ont d’ailleurs (sic) leur journée » … Sympathique impression de se sentir considéré du haut de tant de suffisance …
Sans doute un « subtil (au masculin !) deuxième degré » qui m’aura échappé …
Un lecteur assidu des Soirées de Paris, ce qui ne l’empêche pas (nul n’est parfait) d’être bénévole aux Restos du Coeur (et réciproquement).