Dans son édition d’hier, le Figaro faisait état d’un concert des « Quatre saisons », donné cette semaine dans un théâtre de Madrid à l’occasion du tricentenaire de la plus célèbre œuvre de Vivaldi. A priori pas de quoi fouetter un chat sauf que le chef d’orchestre en l’occurrence, s’est fait assister d’un climatologue-physicien. De ce que l’on comprend, le concert est dû à l’initiative du groupe énergéticien EDP. Lequel considérant que le public n’entendait plus les alertes liées aux évolutions climatiques, n’a semble-t-il pas hésité à faire introduire en ce sens des modifications, rien que ça, dans la partition de chaque « saison ». Cela paraît improbable, effarant, mais « l’été » a été rallongé et « l’automne » drastiquement raccourci à quatre minutes contre un peu plus de dix minutes en temps de paix météo. Tant qu’il s’agit de la défense du climat, tout semble autorisé. La profanation s’est notamment traduite, comme le précise le journaliste, par un « inconfort musical » assumé en ces termes par le chef d’orchestre Hachè Costa: « Je suis un musicien délibérément stressant. Avec le public comme avec un enfant, il faut parfois faire preuve d’autorité, dépasser un peu l’assertivité (…) ».
On se pince pour y croire d’autant que ce n’est pas la première fois que les « Quatre saisons » se trouvent malmenées par l’action pro-climatique. Comme le 30 mai 2022, ainsi que le racontait un article de Radio France. Ce jour-là, « dans le cadre de la campagne pour le climat ActNow des Nations unies, l’Orchestre des jeunes de l’Union européenne » devait interpréter « les Quatre Saisons lors d’un concert donné sur l’île de Delos en Grèce et retransmis en direct sur Arte, dans une version recomposée de l’œuvre de Vivaldi réalisée par des musiciens, des climatologues et des informaticiens ». Le texte ne précisait pas dans quel sens la musique de Vivaldi allait être remaniée, mais il détaillait un projet pluridisciplinaire emmené par le chef Jean-Christophe Spinosi, la chercheuse en géopolitique Virginie Raisson-Victor et la présidente du World Human Forum Alexandra Mitsotaki. Pourquoi pas un militaire, un dentiste, un curé ou un académicien, dans ces conditions le bar reste ouvert. Une marchande de quat’saisons, à la rigueur, on aurait au moins saisi un brin d’humour.
Et c’est également Europe 1, en 2019, qui faisait état d’une expérience équivalente à la Philharmonie de l’Elbe à Hambourg, toujours pour les mêmes motifs, c’est-à-dire « rendre audible » la détérioration climatique. Et il a fallu que ce soit sur Vivaldi que cela tombe, tout cela à cause de son titre il est vrai hautement provocateur. Cela donnait des « passages harmonieux (…) devenus chaotiques », après six mois de travail mené par des informaticiens intégrant des données climatiques, avec un son « modifié par des algorithmes ».
En 1971 en écrivant « La maison près de la fontaine », le chanteur de variétés (un genre perdu) Nino Ferrer avait été prévoyant. Certes il évoquait le bonheur des vacances, le bruit des abeilles et les écrevisses pêchées avec Monsieur le curé, mais c’était pour conclure que la fameuse maison avait été remplacée ensuite par une usine et que désormais le coin sentait l’hydrogène sulfuré. La fin était suffisamment pessimiste pour ne pas donner envie cinquante ans plus tard, aux spécialistes de la réécriture morale, de modifier la chanson.
Après Vivaldi en tout cas, on peut craindre pour la composition de la pizza quattro stagioni mais cela ne doit pas être si évident de la rendre conforme. Le mieux serait de la supprimer directement afin de marquer les esprits et de bien faire comprendre que l’heure n’est plus à la rigolade, ni quand il pleut, ni quand il fait beau.
Tout cela afin de préciser que Les Soirées de Paris vont observer une pause d’une semaine afin de réduire notre empreinte carbone. Mais nous reprendrons pleins gaz le 6 novembre. Bonne semaine de Toussaint.
PHB
Je goûte toujours avec plaisir et parfois rire vos articles. Ces experts déjà sucrent les fraises d’hiver avec leurs algues aux rythmes bien gluantes. Leurs descendants risquent de faire pire hélas. On pourrait s’attendre au Massacre du printemps. M’est avis que le sens se perd en tous sens. Va falloir s’accrocher à des parois de plus en plus friables.
Plus de 20 degrés de moyenne aux températures d’octobre, ce n’est pas le massacre du printemps, mais plutôt celui de l’automne…
C’est plutôt « les feuilles mortes » ou « Autumn Leaves » in English qui est en danger..
Les feuilles mortes ne se ramassent plus à la pelle…
D’ailleurs, il n’y a plus d’arbres, ma belle…
Merci au bel article de Philippe, son idée est à travailler pour faire comprendre à tous ceux qui nient qu’on va dans le mur que leurs petites autos y participent grandement surtout quand elles conduisent à des autoroutes inutiles conçues pour aller plus vite… dans le mur.
Pauvre Vivaldi ! Malgré ma sensibilité à la cause écologique et mon affection pour le chef J.C Spinosi, je me demande s’il était bien nécessaire de modifier (massacrer ?) les Quatre Saisons pour nous faire prendre conscience du réchauffement climatique. C’est du même acabit que jouer Molière en costume-cravate pour nous démontrer combien ses textes restent d’actualité, faire chanter les divas de l’opéra en nuisette ou placer une voiture sur la scène de La Flûte enchantée pour mettre Mozart à la sauce « temps modernes ». Vous me direz que certains proposent de la pizza au Nutella : tout fout le camp !