À peine de retour et déjà la ville et sa fureur vous insupportent ? Pour retrouver un petit goût de campagne, rien de tel qu’une balade dans l’ancien village de Charonne. Rattaché à Paris en 1860, il est depuis intégré au 20e arrondissement. Si Charonne, situé sur la colline de Belleville, était auparavant couvert de vignes, il n’y en a plus trace mais il offre tant d’autres saveurs ! Notre plongée dans le Paris d’autrefois commence au métro Alexandre Dumas et nous mène à la porte de Bagnolet. Au métro Alexandre Dumas, la rue de Bagnolet conduit à la Cité Aubry (première à gauche). Elle abrite un charmant jardin partagé puis débouche dans la Villa Riberolle. Cette belle impasse pavée qui s’étire, nostalgique, jusqu’au mur d’enceinte du cimetière du Père Lachaise est un véritable coup de cœur. Bordée d’anciens ateliers industriels du XIXe siècle, la Villa est aujourd’hui occupée par des artistes, des studios de danse ainsi que par trois restaurants élégants et chers, inédits dans un tel endroit. Ce choix est peut-être motivé par les herbes folles, les ateliers de guingois et les pavés inégaux qui créent une atmosphère digne d’un décor de film !
On traverse ensuite la rue de Bagnolet pour s’engager dans la rue Monte-Cristo. Au n°9, ne pas manquer l’Espace Monte-Cristo, antenne parisienne de la fondation Villa Datris, dédiée à la sculpture contemporaine. Elle sera l’objet d’un prochain article. L’espace est magnifique et ses expositions, toujours de grande qualité, sont gratuites. Toujours sur la rue de Monte-Cristo, l’église St-Jean Bosco (image d’ouverture) se voit de loin avec sa tour-phare, inspirée par les églises de Perret. L’intérieur, resté dans son jus 1930, est magnifique. L’ensemble du mobilier, chaises, confessionnaux, chaire et orgue est typique de l’art déco de même que la statuaire, les peintures, mosaïque et vitraux.
Puis la rue Monte-Cristo croise la rue de Terre-Neuve. Le carré délimité par les rues de Terre-neuve, Planchat, des Haies et des Vignoles regorge de passages et d’impasses étroits avec petites maisons et jardinets, vieux ateliers et autres curiosités qui sont un témoignage vivant du vieux village de Charonne. La plupart des passages, qui sont aujourd’hui fermés par des grilles ajourées, pour assurer la tranquillité de leurs habitants, valent le coup d’œil. Les impasses sont ouvertes. Ce carré est à parcourir de long en large pour bien s’imprégner de son atmosphère campagnarde.
Après quoi, cap à l’est pour rejoindre la rue Saint-Blaise, qu’on remonte sur la gauche. Cette pittoresque rue pavée (photo ci-contre), autrefois cœur du village de Charonne, est devenue tendance avec ses petites maisons transformées en bistrots avec terrasse, en friperies et boutiques de déco. Mais elle a toujours un côté provincial souligné par la petite église surélevée qui la domine en bout de rue, Saint-Germain-de-Charonne. Pour la petite Histoire, c’est la seule église de Paris avec Saint-Pierre de Montmartre, à être toujours flanquée de son ancien cimetière paroissial. Et c’est là que Georges Lautner a tourné la scène finale des « Tontons Flingueurs ».
Un peu plus loin, au 148 rue de Bagnolet se trouve le beau jardin Debrousse qui abrite le pavillon de l’Ermitage de style Louis XV. C’est ce qui reste de l’immense parc du château de Bagnolet, alors possession de la Duchesse d’Orléans. En continuant à remonter la rue de Bagnolet, on aboutit à la Place de la Porte de Bagnolet. Encore quelques marches à gravir rue Casel pour aboutir au bouquet final de notre promenade, la bien-nommée «Campagne à Paris» perchée sur une butte. On se croirait vraiment loin de Paris dans cet entrelac de ruelles calmes, parsemées de petites maisons aux jardins fleuris, qui dessine un décor résolument champêtre. Au printemps avec les arbres en fleurs, c’est un émerveillement ! La plupart des maisons ont été construites dans les années 1920 et l’îlot est d’autant plus attachant que la variété architecturale y est grande.
Si vos mollets sont suffisamment acérés, vous pouvez parcourir la rue de Bagnolet en sens inverse en marquant quelques arrêts pour découvrir d’autres singularités. Ainsi l’ancienne gare de la Petite Ceinture, la Flèche d’or, au 102 rue de Bagnolet. Son nom provient du train qui a effectué la liaison entre Paris et Londres de 1926 à 1972. Dans les années 1990, la Flèche d’or était devenue une des salles de concert les plus branchées de Paris. Elle a fermé ses portes en 2016 et est aujourd’hui un lieu culturel et de solidarité. Plus bas, à l’angle du 81 rue de Bagnolet, la rue de Lesseps attire l’œil avec ses élégantes maisons en briques. Au bout de la rue, des plantes « indigènes » poussent dans un jardin naturel. Loin de la fureur de la rue, on est surpris de tomber sur un petit bois de chênes, érables champêtres, merisiers et noisetiers, ombrageant des plantes de sous-bois. Et, adossé à la colline du cimetière du Père-Lachaise, un escalier conduit à la promenade haute, une terrasse avec vue panoramique sur le jardin.
C’est sur ces senteurs boisées que se termine notre promenade dans l’ancien village de Charonne.
Lottie Brickert
Cette belle évocation montre bien que le voyage dépend du voyageur ! Et que l’on peut se dépayser (ou se repayser), sans courir aux antipodes…
Encore un grand merci Lottie de nous partager tes jolies trouvailles, je connaissais un peu ce quartier mais pas ce petit bois , perle rare qui me donne bien envie d’aller y faire un tour … Mais pas assez matinale …Pas assez courageuse … Je vais attendre que les grandes chaleurs passent ..
À bientôt
Pour pas que vous soyez déçus (suivant un commentaire d’un lecteur qui a suivi ma promenade pas-à-pas), il ne faut pas s’attendre à un bois de la taille de celui de Vincennes !