Au temps des postillons

Il y deux sortes de boîtes aux lettres, les jaunes qui jalonnent encore les rues de nos villes et celles de nos maisons qui attendent la livraison du courrier. L’une est pour les envois, l’autre pour la réception. La corbeille est chez nous, dans la cuisine ou dans le salon. Une boîte mail de notre méta monde en revanche, contient tout. La réception, les envois, la corbeille et même un dossier pour les indésirables, ceux qui ne devraient pas y être mais qui y sont quand même. Étrangement un courriel expédié vers un autre pays est toujours consultable. Il est à la fois parti, arrivé et resté. C’est le progrès et c’est le type de réflexion qui vient à l’esprit lorsque l’on visite le musée de la Poste boulevard de Vaugirard à Paris. On y voit des boîtes aux lettres pour tous les goûts, les anciennes, les modernes, les artistiques comme celle de l’artiste Marcel Duchamp avec ses « missives lascives » et aussi différents réceptacles du monde entier. De leur côté, celles vouées au transport international, toutes de bleue recouvertes, font encore rêver, le temps que deux cents millions de mails (en une minute) soient diffusés à travers le globe.

C’est bien là tout l’intérêt que d’arrêter le temps alors que la moitié du musée de la Poste est dehors avec de vrais bureaux, de vrais guichets et des vrais gens pour continuer le transport de choses variées.

Nichés dans les villes, transformés en logement restaurant ou boîte de nuit, les relais de Poste n’existent plus que par des plaques commémoratives accrochées çà et là. Cela fait un bail qu’ils ne voient plus passer les postillons à cheval. Le premier objet qui surprend le visiteur du musée d’ailleurs, ce sont les bottes du postillon. Énormes, elles pesaient trois kilogrammes chacune et à les voir on a l’impression d’être face à une réalité dite augmentée. Très rigides elles avaient la particularité d’être fixées en permanence à la selle afin de protéger le cavalier en cas de chute. Plus tard durant la Révolution, outre le fait que les semaines comptaient dix jours, il fallait aussi  que les postiers comptent avec le changement du nom des villes. Comme quoi le wokisme, cette tendance à effacer tout ce qui ne convient plus, ne date pas d’hier, s’il en fallait la démonstration.

Progressivement le visiteur remonte le cours de l’Histoire et les débuts de l’autre révolution, industrielle cette fois, avec le transport du courrier par chemin de fer. Comme il s’agissait d’être toujours plus efficace et plus rapide, il y eut un homme en 1842, François Donat-Blumstein, pour organiser le tri au sein même des wagons. En 2023 ce sont les ordinateurs qui s’occupent du dispatching de nos mails. Dieu seul sait s’il faudra revenir un jour en mode manuel sur la question du tri. Et réapprendre à nos cerveaux ce dont l’informatique nous soulage perfidement, de façon à ce que l’on se consacre à autre chose, mais à quoi. Un petit film de Tati assez drôle, est projeté sur place pour nous rappeler tous les aspects du métier de facteur, dont le tamponnage. Il s’agit de « L’école des facteurs » sorti en 1947 (1).

La Poste a évidemment eu son côté prestigieux avec l’essor de l’aviation. Le musée ne s’est pas privé de mettre en avant ses héros de l’aéropostale comme Mermoz et ses industriels géniaux (autant que monomaniaques) comme Latécoère. Ces aventuriers qui partaient depuis Toulouse afin de gagner l’Afrique puis l’Amérique tout en distribuant des lettres d’amour, méritaient bien tout un espace pour eux. Pas aussi grand que celui des timbres qui occupent tout un étage mais le monde du timbre et de l’oblitération ne peut souffrir une surface mesquine, en symétrique inverse du territoire qu’ils occupent sur une enveloppe.

Le plus dingue dans les trente glorieuses, c’est que le toujours-plus-loin toujours-plus-vite a conduit des ingénieurs à se demander si le transport du courrier ne serait pas encore plus efficace en fusée. Déjà en 1944, les Allemands avaient mis du courrier de prisonniers dans leurs engins destructeurs  V1, en direction de Manchester (Angleterre). Au début des années soixante le ministère des Postes et télécommunications avait donc étudié la question pour des destinations plus ou moins lointaines comme la Corse ou l’Afrique. Il y eut même un essai avec une micro-fusée lâchée d’un avion, laquelle partit rejoindre le sol à toute blinde en moins d’une minute. L’expérience s’est vite arrêtée, pudiquement pour des « raisons économiques ».

Mais comme tout ne peut pas être mis en pièce jointe dans un mail, par exemple un lot de chaussettes, il faudra bien réétudier la question des fusées avec une place spécifique en soute pour le jour où il faudra en expédier aux premiers colons transis de froid sur la planète Mars.

PHB

Musée de la Poste, 34 boulevard de Vaugirard 75015 Paris

(1) Visionner « L’école des facteurs » de Jacques Tati
Photos: ©PHB

 

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