Tenerife, l’ile des conquistadors

Nombreux sont ceux pour qui l’île canarienne de Tenerife est synonyme de «Sea, Sun and Farniente». C’est méconnaître le nord de l’ile. Le Teide, le volcan qui culmine au centre de Tenerife à 3.718 m, soit le pic le plus élevé d’Espagne, est venu opportunément couper l’île de 2.000 km2 en deux. Le sud, avec son soleil permanent et ses plages de sable concentre les usines à touristes. Le nord a été doté d’un climat plus tempéré, de montagnes volcaniques, de vignes et de bananeraies qui dévalent les collines, de falaises noires qui tombent à pic dans la mer, et, de villes magnifiques à l’architecture bien préservée, fondées par les conquistadors. Ainsi San Cristobal de Laguna (dite La Laguna,ci-dessus) dont l’architecture a servi fréquemment de modèle en Amérique latine. La conquête des Canaries a commencé par celle de l’île de Lanzarote au début du XIVe s. Mais ce n’est pas avant 1495 que les conquistadors ont, au nom des Rois catholiques, conquis Tenerife, où vivaient des Guanches. Ce peuple, sans doute d’origine berbère, se serait établi aux Canaries vers le VIe s. av. J.C. à Tenerife, les Guanches ont opposé une résistance farouche aux assauts sanglants menée par Alonso Fernández de Lugo et son millier de soldats. Tenerife sera la dernière île des Canaries conquise.

Après leur conquête, les Canaries deviennent le passage obligé pour prendre possession du Nouveau Monde. De nombreux Espagnols viennent ainsi coloniser les Canaries et y introduisent de nouvelles cultures telles la canne à sucre et la vigne. Le sucre et le vin, produits aux Canaries seront expédiés en Amérique, échappant à des taxes prélevées sur le continent espagnol. Et les Canaries deviendront le cœur stratégique du trafic commercial qui s’établira avec le Nouveau monde. Il en résultera une vague d’émigration sans précédent pendant près de cinq siècles. Dès le XVIe s. des îliens iront s’établir en Amérique pour profiter des nouvelles opportunités. Mais fin XVIIIe, c’est la funeste crise des exportations agricoles canariennes qui les poussera à s’établir en Amérique et notamment à Cuba, Porto Rico, en République dominicaine et au Venezuela.

Tout au long de l’histoire, des liens culturels existeront entre les Canaries et l’Amérique latine. En parcourant les quartiers historiques des villes coloniales du Nord de Tenerife comme Icod de los Vinos, La Orotava ou La Laguna, on a vraiment l’impression de se trouver dans des villes coloniales d’Amérique latine. Et on pourrait penser que leur architecture a été influencée par celle des villes du Nouveau monde. Mais c’est l’inverse! Ce sont des familles des Canaries qui ont participé comme colons à la naissance de Montevideo, de San Antonio du Texas et de San Bernardo (Louisiane). Des villes comme la vieille Havane, Lima ou Carthagène des Indes ont même été complètement inspirées de La Laguna, la ville la mieux préservée de Tenerife, une merveille architecturale.

La Laguna a été inscrite au Patrimoine de l’UNESCO en 1999 en tant qu’«exemple unique de ville coloniale non fortifiée». Bâtie selon un plan quadrillé, elle a été la première «cité-territoire» idéale, conçue selon des principes philosophiques. Ses larges rues sont toujours bordées de magnifiques églises, couvents  (ci-contre) et édifices publics et privés du XVIe au XVIIIe siècle classés.

Si La laguna a été édifiée pour être la capitale de Tenerife, Santa Cruz, distante de 10 km, devait être son port. Petit à petit, Santa Cruz (210 000 habitants) a gagné en importance et est devenue la capitale de l’île en 1821. Certes Santa Cruz n’a pas le charme historique de La Laguna (156.000 habitants) mais elle ne manque pas d’attraits avec ses places ombragées, ses parcs foisonnants, ses musées, ses ramblas constellées de sculptures. Deux constructions d’architectes de renommée internationale sont venues récemment lui ajouter une touche contemporaine : l’auditorium en forme de vague de l’Espagnol Calatrava et le musée d’art contemporain, TEA, des Suisses Herzog et de Meuron qui englobe la bibliothèque municipale.

D’autres villes historiques méritent une visite. La Orotava, à 9 kilomètres de Puerto de la Cruz est l’une des plus belles de l’île, avec de somptueuses demeures aux balcons ouvragés et de vieilles églises typiques. Puerto de la Cruz, abondamment fleurie, est plaisante avec ses maisons aux couleurs vives si l’on évite les environs des plages est et ouest, usines à touristes. Son quartier des pêcheurs, le barrio de la Ranilla, restauré récemment est très agréable avec ses terrasses un rien tendance.

Les charmants villages de Garachico, San Juan de La Rambla (ci-contre), Buenavista del Norte et Taganana sont parmi nos préférés. Ajoutons les marches dans le parc national du Teide -avec ascension du volcan pour les courageux- ou dans les montagnes Anaga, les baignades dans les bassins naturels du bord de mer, les fêtes du printemps,… les distractions sont multiples dans le nord de Tenerife. Un endroit idéal pour ne pas bronzer idiot.

Lottie Brickert

 

 

Photos: ©Lottie Brickert
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Une réponse à Tenerife, l’ile des conquistadors

  1. Raymond W dit :

    Venir à bout des Guanches après des assauts sanglants… puis édifier des « cités idéales » (La Laguna) selon « des principes philosophiques »…, en ces temps-là, on était pas à une contradiction près.
    Merci Lottie pour cette invitation à découvrir cette « autre » Canarie, apparemment loin des flux touristiques

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