Si Bruxelles est avant tout connu pour son style architectural Art nouveau, dont Victor Horta et Paul Hanka sont les dignes représentants, quelques pépites moins courues méritent elles aussi l’attention. Sur l’avenue Tervueren de Bruxelles, une immense et luxueuse propriété, entièrement revêtue de marbre encadré de cornières de bronze, attire immanquablement le regard. C’est le palais Stoclet, du nom du banquier belge commanditaire de cet ouvrage auquel il avait alloué un budget illimité. Une construction aux lignes épurées, unique en son genre, conçue entre 1905 et 1911 par le grand architecte de la Sécession Viennoise, Joseph Hoffmann.
Véritable œuvre d’avant-garde, le palais annonce l’Art déco et le Mouvement moderniste en architecture. Le palais Stoclet a été conçu suivant le concept d’art total (Gesamtkunstwerk) propre à la Wiener Werktsätte, l’atelier viennois d’art décoratifs le plus «hype» alors. Qu’il s’agisse d’architecture intérieure ou extérieure, de décoration, de mobilier, d’objets fonctionnels et de jardins, tout était pensé dans les moindres détails, des poignées de porte aux massifs de fleurs, et réalisé dans une continuité artistique par des artistes réputés. Ainsi c’est une fresque en mosaïque de Klimt, qui rappelle Le baiser, qui décore la salle à manger et le mobilier du Palais a été conçu par Hoffmann et Mose. Hélas, si le coup d’œil que l’on peut jeter depuis l’avenue Tervueren sur cette merveille architecturale donne envie d’en connaître plus, on restera sur sa faim. Le palais ne se visite pas. Un panneau indiquant «propriété privée» est apposé à l’entrée du jardin et un gardien veille sur la terrasse. Une bataille juridique oppose en effet les héritiers Stoclet à la Région bruxelloise qui voudrait ouvrir à la visite cet édifice classé et reconnu par l’UNESCO comme « chef-d’œuvre du génie créateur de la « Sécession viennoise ».
Dès sa création, le palais Stoclet a inspiré de nombreux architectes en Belgique. Ainsi la villa Empain, avec notamment son extérieur aux lignes épurées recouvert de granit poli et cornières en laiton doré. De style Art déco, elle a été construite au début des années 1930 par l’architecte Michel Polak sur commande du Baron Louis Empain. Si le nom du baron Empain n’est pas sans évoquer l’affaire d’enlèvement d’Édouard-Jean Empain qui a défrayé la chronique en 1978, précisons ici que ce dernier était le neveu de Louis Empain.
Le Baron Louis Empain n’a vécu que brièvement dans la villa qu’il avait fait construire sur l’actuelle avenue Franklin Roosevelt. Dès 1937, il offre la villa à l’État belge pour créer un musée des Arts déco alors qu’en pleine crise de mysticisme, il se dessaisit d’une partie de ses biens. Pendant la guerre, la villa est occupée par les Allemands puis devient ambassade d’URSS par la suite. Ce qui -noblesse oblige- n’est pas du goût du baron, qui décide de la récupérer en 1964 pour la revendre quelques années plus tard. Classée en 2007, la villa, aujourd’hui propriété de la fondation Boghossian, est un centre artistique. Il ne reste de l’aménagement d’origine de la villa sur deux niveaux qu’une seule salle de bain. Au rez-de-chaussée, le salon intime est devenu une salle de restaurant de style art déco avec bar à l’américaine. À l’extérieur, devant le salon vide, la grande piscine, l’une des premières privées en Belgique, est la pièce phare du jardin qui l’entoure.
Loin des fastes du Palais Stoclet, de la Villa Empain et des quartiers huppés, c’est, sur la place de l’Yser, un édifice d’un tout autre genre qui attire l’attention en raison de sa couleur rouge vif.
Il s’agit de la taverne-hôtel «5th Avenue». Sur sa façade, décorée de photos de stars, on peut lire Open rooms. Et pour cause, 5th Avenue est un hôtel de passe ou bar montant. Car l’aurait-on oublié, si la Belgique condamne le racolage et le proxénétisme, elle tolère les maisons closes. On trouve la trace de « 5th Avenue » dans certains guides où la maison est décrite comme un endroit «accueillant» où aller boire un verre dans une ambiance jazzy, entouré de belles jeunes femmes. Sur la carte des cocktails, un encart encourage les clients à utiliser les chambres de l’hôtel pour une nuit ou juste pour quelques heures. Chambre à décoration coloniale, avec jacuzzi, ou encore couverte de miroirs, les cinq chambres sont décorées pour répondre aux fantasmes des visiteurs. Ici encore, la maison, qui a fermé en 2020 en raison du covid, ne se visite plus.
Lottie Brickert
Oui,le palais Stoclet est une merveille qui,malheureusement, ne se visite pas et c’est sans doute le chef-d’oeuvre architectural et décoratif(car il y a à l’intérieur des frises,des mosaïques, de Klimt,Jungnickel,etc…)de la Secession viennoise qui se trouve à Bruxelles et non à Vienne!A noter que la villa Cavrois à Croix s’en inspire un peu,Mallet-Stevens ayant d’ailleurs des liens familiaux avec les Stoclet.Il reste cependant à Bruxelles beaucoup d’autres batiments de l’époque art nouveau qui valent la visite,ceux de Horta bien sur,et notamment la maison Solvay qui est resté dans son état d’origine,ou ceux d’autres architectes dont Hankar.
Merci Lottie, car malgré les merveilles que tu évoques et qu’aucune photo n’illustre (et pour cause 🙂 une nouvelle fois tu nous les montres et nous embarques par la justesse de tes mots !
Un banquier, une villa d’un luxe inouï, un budget illimité…. ça me rappelle quelque chose…. mais quoi ?…..
Si je te suis avec Brel du temps où Bruxelles Bruxellait, tu n’as pas vu que les faubourgs..
Des fritches ndustriels de Molenbeek qui retrouvent une jeunesse au palais f »art déco qui reste fermé Bruxelles laisse encore sûrement bien des pepites à découvrir .
Encore un grand merci Lottie pour nous partager tes riches approches de visites
Lottie de de nous partager tes riches approches de visite