Figurines pour l’Histoire

Anecdotique, cette image n’existe pas telle quelle dans un manuel d’histoire. En trois dimensions, elle est entrée récemment au musée de la Figurine Historique à Compiègne (Oise). Cette maquette ultra-réaliste (dont on voit ici un détail) est frappante en ce qu’elle illustre le jour du dernier vol effectué par le capitaine Georges Guynemer. La réalisation signée de Adrien Desmullier fige une action datée du 11 septembre 1917, à 8h25 précisément. Ce jour-là, la bataille des Flandres débutée en juillet n’est toujours pas terminée. L’action se déroule à Saint-Pol-sur-mer où est stationnée l’escadrille de chasse des Cigognes. Impatient d’en découdre, Georges Guynemer fait décoller son Spad 13, baptisé le « Vieux Charles ». Il n’a que 23 ans. Et se fait abattre peu après le départ au-dessus de Poelkapelle en Belgique. Sa devise, « faire face », restera dans les annales. La maquette ainsi déployée commet l’exploit de nous situer au seuil de cette action, on en sentirait presque le parfum de l’air qui flottait sur le camp à ce moment, effluves de carburant compris.

Et c’est justement ce qui fait tout le charme de ce musée situé en plein centre de Compiègne avec sa collection de 155.000 figurines (pour 45.000 exposées) réparties au sein de multiples champs d’action représentant autant d’arrêts sur image. Nous avons ici affaire aux grandes étapes qui ont caractérisé l’histoire de France et de l’Europe. La réussite de ces mises en scènes fait de nous des témoins, bien plus que ne le feraient des photos, des peintures ou des gravures. Leur réalisme singulier les rend crédibles et c’est ainsi que s’enclenche en nous-mêmes le bruit intérieur d’un projecteur à l’ancienne.

La seule chose que l’on ne sent pas pour le « Retour des cendres » de Napoléon en 1840 depuis Sainte-Hélène, c’est le froid. Il faisait moins dix degrés à Paris ce qui n’avait pas empêché a-t-on rapporté, de convoquer les badauds en masse devant derrière et autour du cortège funèbre, du Pont de Neuilly aux Invalides. Là-encore, mieux que sur une gravure (la photographie existait à peine), la mise en scène à échelle réduite souligne l’apparat dément de celui qui avait mené tant d’Européens à la mort. La notice ne précise pas que le retour des cendres n’était qu’une image. Car le corps ramené par la frégate La Belle Poule (escortée par la corvette La Favorite), hormis quelques prélèvements d’organes était bien à l’intérieur. Certains ont avancé que ce n’était peut-être pas son corps, mais toujours est-il qu’il ne manquait pas de témoins sur le chemin posthume de son come back triomphal. Ce qui fait que la vue de ce char surmonté de cariatides, preuve testimoniale aidant, correspond bien à une affaire réelle, celle que nous restitue si bien l’artiste s’étant attaqué à ce sujet hors normes.

D’événements en événements historiques, l’on finit par prendre goût à au charme pas si désuet de ce musée de la figurine. Car on l’a dit, tout fonctionne et nous interpelle. Tel cavalier du Moyen Âge bien sûr nous replonge dans l’enfance et il est jouissif de se croire à nouveau en armure, muni d’une lance, sur un destrier littéralement enrobé et galopant vers l’adversaire du tournoi ou d’une bataille. Moins ludique mais en revanche tout à fait fascinante en raison de l’actualité est cette représentation de l’opération allemande Barbarossa qui vit en juin 1941 dix-sept divisions blindées (3.780 chars, détail ci-contre) accompagnées de 1.700 avions de combats, lancer sans plus de façons l’invasion de l’Union Soviétique. Mais Hitler avait vu plus gros que son ventre, sous-évalué l’immensité russe, la capacité de résistance de la fédération et les rigueurs de ses hivers. L’affaire fera long feu. Cette action trop ambitieuse se déroulait par ailleurs sur trois fronts,  dont un se situait en Ukraine, ce qui ne manque pas de nous interpeller. Toute leçon d’histoire est bonne à prendre ou à réviser, surtout en ce moment, on en conviendra.

On y découvre de quoi méditer jusqu’à la sortie puisque sur le mur de l’Hôtel de Ville et singulièrement celui de l’office du tourisme, lequel borde le musée, on y trouve nombre d’éclats de munitions datant de la seconde guerre mondiale. Compiègne est une ville malheureusement bien placée pour avoir subi beaucoup de destructions durant les deux derniers grands conflits. Les murs criblés de balles ou de fragments sont également éloquents par rapport au musée que l’on vient de quitter. On en voit aussi beaucoup à Paris, des façades dégradées par les tirs, du boulevard Saint-Michel jusqu’aux Invalides. Elles viennent nous rappeler la chance incroyable que nous avons de vivre dans un pays en paix. À nous les figurines de chair qui aimons tant pester contre un peu tout et rien, à nous d’en prendre conscience et de mieux en soupeser la valeur.

PHB

Musée de la Figurine Historique, 28 place de l’Hôtel de Ville
60200 Compiègne

Photos: ©PHB
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