En 1998 une partie de la gare de Limoges-Bénédictins a été calcinée par un incendie majeur. Elle a été remarquablement rénovée depuis. Et c’est tant mieux. Parce que les habitants de Limoges y tiennent beaucoup et que d’une façon générale, la plupart de ceux qui ont eu l’occasion de la découvrir à l’occasion d’un déplacement en Haute-Vienne ou d’y prendre l’heure à son campanile, restent marqués par le souvenir de sa masse imposante et de son style disons pluriel, fourré à l’Art-déco. Cette gare qui a vu passer le premier train vraiment rapide d’avant le TGV, soit le fameux Capitole, vient d’être désignée la plus belle de France. Depuis quatre ans en effet que ce singulier « beauty contest » est organisé par la SNCF, c’est la première fois que celle de Metz est détrônée, mais il faut dire qu’elle n’était plus en lice. Ce qui a permis à l’édifice de Limoges de gagner cette année devant Saint-Brieuc et Troyes.
Les sites ferroviaires font-ils encore rêver? Sans doute, dans la mesure où ils ont chacun leur architecture singulière, leur charme et leurs histoires parfois tragiques, comme celui de Pithiviers (Loiret) lequel est devenu récemment un lieu de mémoire de la déportation. Certains de ces lieux de transit ont heureusement conservé les fresques de leurs débuts. C’est le cas à La Rochelle dans le genre assez logique de la marine à voile, à la gare de Lyon avec sa longue peinture murale illustrant les grandes étapes de Paris à Menton, ou encore à la gare de l’Est avec le fameux « Départ des Poilus ». C’est ainsi que la mémoire de l’histoire des chemins de fer salue encore les voyageurs de loin, du moins lorsqu’ils n’ont pas le regard happé par l’écran de leur téléphone.
En gare de Bordeaux Saint-Jean il y a cette immense carte murale (peinte) qui occupe toute une partie intérieure du bâtiment. Elle est là depuis 1929 au moment-même où était inaugurée celle de Limoges. Elle avait été commandée par la Compagnie du Midi au peintre Malbec l’année précédente. D’une surface de soixante-quinze mètres carrés, elle a été restaurée il y a deux ans. Et si cette carte géante fait un peu plus rêver qu’ailleurs, c’est qu’elle comporte les traversées océaniques qu’il était possible d’envisager à partir de Bordeaux. Vers le Maroc, le Congo, l’Amérique du Sud, les Caraïbes, le Canada, les États Unis: pour celui qui venait de poser ses malles sur le quai de la gare de Bordeaux, ces perspectives si tentantes pouvaient lui donner envie de changer de vie, de voir plus loin que la Garonne et la Gironde. Sauf erreur c’est de là que les personnages interprétés par Philippe Noiret et Michel Serrault dans « Pile ou face » (un film de Robert Enrico sorti en 1980) embarquaient sur un cargo pour les îles lointaines.
Avec le déploiement des réseaux TGV, certaines gares ont été purement et simplement remplacées par de l’architecture moderne. La gare de Rennes y a perdu son âme au passage mais elle n’est pas la seule si l’on songe par exemple à celle de Liège en Belgique. Dans certains cas, il y a eu des décisions encourageant le progrès tout en préservant le patrimoine local. À Lille, Mâcon, Orange ou Montpellier, on a ainsi vu sortir du sol des édifices futuristes plus ou moins proches du centre. Mais la gare historique s’en trouvait épargnée. Chacun pouvant choisir son style ou son lieu de départ, il n’y avait rien à déplorer, soustraction faite des folles sommes d’argent public mobilisées pour l’occasion.
On aurait tort par parenthèse de passer sous silence les petites gares de province qui sentent encore le passage des vieilles locomotives diesel. Ces vieux bâtiments que la fureur du monde n’atteint toujours pas. Quoique beaucoup sont devenus un peu fantomatiques. Automatisation aidant, les guichets ont disparu, aucun fonctionnaire à casquette n’étant plus là pour siffler les départs et les arrivées. Le voyageur s’y sent bien seul et plus encore quand il constate, comme à Guéthary (Pays-Basque), que la pièce autrefois dévolue à l’accueil et à la vente de billets est devenue un commerce ordinaire. Via une simple pancarte, l’usager est invité à acheter son ticket à bord. À ce niveau de baisse de service, l’invisibilité du client guette.
C’est ce qui est arrivé du reste à la gare de Coteaux, tout en bas de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Depuis 2006, elle est devenue un lieu d’accueil des seniors. Le voyageur peut bien prendre froid sur les quais ou chercher un professionnel du rail à qui parler, tout cela est sans importance. Elle a pourtant une sacrée gueule, juchée bien haut sur ses fondations avec les trains (tramways désormais) qui lui passent entre les jambes. Ce sont des gares dites « à cheval » comme on en trouve par exemple à Paris sur le Pont Mirabeau où à Grenelle. Les stations de banlieue ne fascinent guère les foules. C’est de là que les yeux encore ensablés l’on part travailler. C’est là encore que l’on revient après une journée au bureau. On y fumait le matin, on y fumait le soir. Les volutes de tabac et la vapeur des locomotives mêlées, adoucissaient le décor et bien davantage les jours de brouillard.
PHB
Il faut vite se dépêcher d’en profiter avant que les soi-disant artistes contemporains s’amènent pour y prendre le train en marche et les défigurer avec l’assentiment des services culturels !
De plus M. Lombard , 2023 fêtera les 30 ans des
Centres d’Art contemporain appelé désormais
d’Interet National ! Votre espoir risque fort d’être vain!
Merci pour cet éloge des Gares! Limoges que je connais
Un peu eut comme Préfet Morizot le père de Berthe.
Et la gare de Limoges, elle-même finalement « à cheval » puisque des voies passent dessous.
Elle fut aussi la gare de très nombreux conscrits qui venaient à Limoges « faire leur 3 jours » et en repartaient aptes ou pas aptes, mais avec un souvenir partagé, sans avoir goûté les fresques art-déco d’un charme certain, presque bienveillant.