Nous sommes nombreux à connaître la maison de Giverny et son sublime jardin où Claude Monet s’installe en 1883. Elle attire tous les ans plusieurs centaines de milliers de visiteurs venus du monde entier. Par contre peu de monde sait que le même Claude Monet a vécu 7 ans à partir de 1871 à Argenteuil (Val d’Oise), une période les plus riches de sa vie d’artiste. Puisqu’il réalise sur place 259 œuvres dont 156 sur Argenteuil même. C’est dire l’importance de ce séjour pour le travail artistique du peintre qui côtoie sur place Renoir, Manet, Caillebotte, Sisley, ou encore Jongkind, faisant de la ville un véritable berceau de l’impressionnisme.
La maison rose aux volets verts (comme celle de Giverny) est située à 300 mètres de la Seine et à quelques pas de la gare. En effet l’arrivée du chemin de fer facilite l’accès aux bords de Seine des parisiens, suscitant un engouement qui donnera naissance à «la colonie parisienne», soit un ensemble de maisons de villégiature cossues situées autour de la gare. Un phénomène que connaîtront aussi d’autres villes des bords de Seine comme Bougival, Chatou, ou encore l’île de la Jatte.
Il peint les berges fleuries de la Seine (les coquelicots à Argenteuil) mais aussi et surtout la Seine. À l’instar de Daubigny et avec le soutien de Caillebotte, il construit en 1871 son bateau-atelier qui lui permettra de peindre au plus près de l’eau les voiliers de course participant aux célèbres régates d’Argenteuil. Une pièce de la maison est consacrée à une reconstitution et une évocation de ce bateau. Il est également fasciné par le tout récent pont ferroviaire (1853) qu’il peindra huit fois entre 1873 et 1874. Mais cette campagne encore bucolique va basculer inévitablement dans l’ère industrielle et c’est aussi cette histoire que Monet peint, l’histoire de la transformation de ce qui était un bourg agricole réputé pour ses asperges, ses vignes et ses figues en une véritable ville.
En 2005, la Ville rachète la bâtisse pour la préserver puis entame une réfection des extérieurs et du jardin. Une rénovation qui a voulu valoriser l’authenticité à la recherche de « l’esprit du lieu », étant avant tout une maison d’artiste. Le mobilier participe à la reconstitution d’un intérieur bourgeois mais modeste de la fin du XIXe. Une succession de trompe-l’œil et de fenêtres invitent à la découverte de l’œuvre du peintre de façon ludique et vivante.
Le jardin a lui aussi fait l’objet d’une reconstitution minutieuse à partir des peintures de l’artiste («Camille Monet dans le jardin à Argenteuil», «Camille Monet et un enfant au jardin», «Les glaïeuls») car c’est sans aucun doute là que va naître la passion de l’artiste pour le jardin, une passion qu’il développera par la suite à Giverny après un petit détour par Vétheuil, puis Poissy. En effet dès 1878 il quitte cet univers de plus en plus pollué et urbain, non sans avoir peint sa série sur la gare Saint-Lazare (1877).
En conservant l’architecture d’origine et la configuration de la maison typique du XIXe les concepteurs offrent -en l’absence d’œuvres originales- une expérience de visite unique grâce à une scénographie qui s’appuie sur des dispositifs numériques. Ces derniers permettent de faire vivre les tableaux de Monet tout en découvrant l’histoire d’Argenteuil et du mouvement impressionniste. Ce lieu a vocation à devenir une étape incontournable des circuits impressionnistes à 10 minutes en train de Paris Saint-Lazare.
Difficile par ailleurs de quitter Argenteuil sans faire un détour par les ruines de l’ancienne abbaye qui apparaît dans les textes à la fin du VIIe siècle (697). Dédiée à Sainte-Marie, l’abbaye est remarquable à plus d’un titre d’abord parce qu’elle est alors occupée par une communauté féminine qui en fait, à partir de 1003, un ensemble riche et prospère grâce à la production de vin. D’autre part la communauté comptait parmi les moniales la célèbre Héloïse qui à l’âge de 17 ans va vivre une folle passion pour son professeur Abélard, une histoire à la fois romanesque et cruelle qui fera d’eux les amants les plus célèbres du Moyen-Âge.
Les restes de la crypte, de la salle capitulaire et du cloître ont été mis au jour lors des fouilles menées entre 1989 et 1994. Les vestiges, inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, sont aujourd’hui en cours de classement. L’ancienne usine attenante aux jardins a été réhabilitée pour accueillir les expositions temporaires de la ville.
Marie-Pierre Sensey
Une municipalité soucieuse de son patrimoine, voici qui méritait d’être souligné. Merci pour votre bien intéressant article.