Chaque épisode de sécheresse vient nous rappeler la valeur de l’eau. Sauf que nous sommes de plus en nombreux à en avoir besoin. Et c’est ce qui peut venir à l’esprit du visiteur se disant un samedi du mois d’août qu’il y a toujours quelque chose à découvrir ou redécouvrir au Musée des Arts et Métiers. Car en effet, tout au bout du premier couloir du 2e étage, est reconstitué le laboratoire de Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794). Et la courte notice en proue ne manque pas d’interpeller eu égard à l’actualité météo. Vu que vers 1787, au moyen des deux balances de précision dont il dispose en tant que titulaire d’une charge de fermier général, il pèse sans plus de façon un peu d’hydrogène et d’oxygène. En les recomposant dans le même ballon grâce une étincelle, il obtient quelques gouttes d’eau. C’est d’ailleurs lui qui a baptisé les deux gaz et comme nous savons aujourd’hui liquéfier l’air (grâce à Georges Claude en 1902), il est possible de se dire que l’on trouvera toujours une solution si l’on continue de tout gâcher.
Antoine Laurent Lavoisier avait beau être génial, bien accompagné par son épouse Marie-Anne Pierrette (âgée de 13 ans au moment des noces) qui participait aux expériences, les animateurs de la Terreur ne retinrent que l’association du nom Lavoisier à dévaluation des assignats. De toute façon tout prétexte était bon à prendre et avec nombre de ses pairs fermier généraux, il fut guillotiné.
Le monde des sciences et techniques fascine et le musée nous donne en l’occurrence une bonne idée des avancées obtenues. Ainsi le cyclotron de Frédéric Joliot-Curie qu’il fit construire en 1937 dès son arrivée au Collège de France (mais il n’en était pas l’inventeur), surprend surtout le visiteur par sa taille, celle d’un modeste circuit d’enfant pour train électrique. Mais c’était tout de même avec cet anneau que l’on accélérait les particules invisibles jusqu’à ce que leur impact finisse par dénoncer leur existence et leurs caractéristiques. À noter que l’on parle toujours d’accélérateur de particules tant il semble évident qu’un ralentisseur ne servirait à rien. Quand on parle de progrès, c’est toujours pied au plancher. Et le modèle qui nous est donné à voir nous laisse songeur puisque le dernier modèle mis au point par l’homme en Europe fait 27 kilomètres, on y collisionne les hadrons dans un froid extrême qui n’existe même pas dans l’espace. Par prudence il a été enfoui sous terre au cas où l’on perdrait le contrôle d’un télescopage. Celui de Joliot-Curie, de format prêt à emporter dans un break, est moins inquiétant.
Dans certains cas néanmoins, le progrès se manifeste par la miniaturisation. En témoigne ce super-ordinateur de la taille et de la forme d’une grosse essoreuse, le Cray-Two, mis au point en 1985. Il était présenté comme le plus puissant du monde, mais une simple tablette de nos jours fait mieux. Mais comme tout à tendance à se dilater les nouvelles super-machines qui nous permettront d’évoluer dans des mondes virtuels (ce qui ne fait pas forcément rêver) devraient, une fois juxtaposées, nécessiter beaucoup de place. Ce rapport dimension/puissance rend au passage hommage à notre cerveau qui se débrouille pas si mal malgré son volume notamment dans le domaine de l’art et de la poésie.
À ce propos d’ailleurs l’un des clous du musée, n’est autre que l’avion de Clément Ader qu’il fit décoller d’une cinquantaine de centimètres sur une cinquantaine de mètres le 9 octobre 1890. Le tout en complet cravate car cet industriel qui avait débuté dans le vélo avait la réputation de détester le laisser-aller. C’est lui avait inventé le mot avion et le mot faillit bien disparaître sans l’intervention de deux hommes la même année 1910. D’une part le général Roques, inspecteur permanent de l’aéronautique (1) qui publiera la décision suivante « Dorénavant, tous les aéroplanes militaires seront appelés avions en l’honneur de Clément Ader » et aussi bien sûr Guillaume Apollinaire qui débuta son poème fort justement appelé « l’Avion » en ces termes: « Français, qu’avez-vous fait d’Ader l’aérien ?/Il lui restait un mot, il n’en reste plus rien./Quand il eut assemblé les membres de l’ascèse/Comme ils étaient sans nom dans la langue française/Ader devint poète et nomma l’avion. »
Comme quoi la science mécanique n’est pas incompatible avec une certaine grâce et même ce peut même être son objectif. Et dans cet esprit, le local du musée dévolu aux automates est vraiment remarquable. On ne manquera pas de s’attarder devant la joueuse de tympanon (genre de cithare) programmée au 18e siècle pour jouer jusqu’à huit airs, dont «l’Aria de la bergère», extrait de « l’Armide de Gluck », une fois le ressort délicatement remonté. C’était juste fait pour séduire et c’est en cela que le système est reposant.
PHB