Tandis que la France célèbre le quatre-centième anniversaire de la naissance de Molière, à Versailles on fête depuis 26 ans en juin «Le mois Molière». Un ensemble de spectacles et manifestations créées par le Maire actuel François de Mazières à l’époque où il était adjoint à la culture. Pourquoi célébrer ainsi Molière à Versailles ? Tout simplement parce que c’est dans ce qui n’était encore qu’un relais de chasse, que le jeune Louis XIV lui a donné sa chance en lui permettant de jouer pour la première fois en 1663 «L’impromptu de Versailles» une pièce peu jouée, si révélatrice de la vie de la troupe de Molière de l’époque et de la vie de la cour en général et qui sera suivie de beaucoup d’autres.
Cet hommage prend cette année une dimension particulière car il s’inscrit aussi dans le cadre d’un ensemble d’aménagement urbain. À l’emplacement de l’ancienne gare routière et en face de la gare de Versailles Château Rive gauche a été créé un bosquet au sens du 17e (1) où vient d’être inaugurée la statue de Molière créé par Xavier Veilhan qui n’est pas non plus un inconnu à Versailles puisqu’il avait été invité à intervenir dans des espaces du Château et du Parc à l’invitation de Jean-Jacques Aillagon en 2009, soit il y a 13 ans. Tout le monde se souvient de son fameux carrosse. La statue s’inspire de celle qui se trouve dans le hall de la Comédie Française et qui est signée Jean-Jacques Caffieri (1777).
Avec cette nouvelle «statue floue» (photo ci-dessous) l’artiste poursuit son travail de déconstruction des formes. Pour ce faire il a choisi d’utiliser le bronze, -un matériau noble, historique et académique utilisé depuis l’antiquité- coulé a la Fonderie Pierre de Coubertin de Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Par une volonté de contraste avec ce choix de matériau classique, il a renoncé au piédestal et à son caractère surplombant. La figure, assise au niveau du public devrait permettre ainsi une meilleure appropriation physique par le public. «D’une certaine manière cela vient honorer la proximité que Molière entretenait jadis avec son public», est-il mentionné.
Avec Molière en son bosquet, place aux festivités. Pendant tout le mois de juin, la ville va vibrer de plus de 300 représentations dans 60 lieux différents dont la prestigieuse Grande Écurie ou le Potager du Roi réunissant 1000 comédiens et musiciens et 100 000 spectateurs. Parmi ce foisonnement citons quelques créations du «mois Molière» : «Le Montespan» une adaptation signée Étienne Launay du roman de Jean Teulé consacré au plus célèbre «cocu imaginaire» du siècle de Louis XIV. Citons aussi l’adaptation de Thomas Le Douarec du «Misanthrope» dans une mise en scène à la fois baroque et contemporaine. Mais le mois Molière est beaucoup plus qu’un festival de plus. Dans l’esprit de ses fondateurs c’est un projet culturel global qui rassemble les énergies des habitants avec la mobilisation des bénévoles. C’est un soutien au spectacle vivant avec l’accueil en résidence de plus de onze compagnies professionnelles qui viennent nourrir la programmation. Ce sont aussi des spectacles et des animations pour les scolaires, des concerts à l’auditorium Claude Debussy, du cinéma et les rencontres «Molière sans frontières» au théâtre Montansier.
Marie-Pierre Sensey
Le mois Molière pendant tout le mois de juin
Programme détaillé sur www.moismoliere.com
(1) Les bosquets de Lenôtre sont des petits jardins clos par des treillages ou des palissades de verdure auxquels on accède par des allées discrètes. Les bosquets font tout le charme des célèbres jardins signés Le Nôtre. Souvent ornés d’une œuvre d’art, ils apportaient la surprise et servaient de véritables salons de plein air. Le paysagiste Nicolas Gilsoul -le concepteur- tout en reprenant les codes du bosquet classique, a voulu apporter sa touche personnelle et contemporaine en introduisant des brumisateurs dissimulés dans les charmilles et -clin d’œil suprême- a planté autour de la statue de Molière les fameux «arbres à perruques» appelés aussi «Cotinus coggygria».
Photos: ©MPS