Dieu du ciel

Outre un accent circonflexe, le jour de Pâques a ceci de commun avec celui de la Pentecôte, de n’être qu’un jour férié, apprécié des amateurs de week-ends à pont. C’est faire bien peu de cas de l’histoire sainte qu’un manuel, paru en 1932,  se chargeait d’expliquer aux enfants. Dans un langage simple, accessible aux adultes du siècle suivant, ce petit guide dépassé à maints égards, expliquait que Pâques correspondait avant tout à la résurrection de Jésus. Sachant qu’au matin du 3e jour de sa crucifixion qui allait donc devenir un jour férié, « un ange descendit du ciel, souleva la pierre du sépulcre » et Jésus reprit goût à l’existence après s’être cru abandonné. Car n’avait-il pas imploré auparavant, « Eli, Eli, lama sabachthani » ce qui en araméen châtié signifiait, « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ». Ce manuel d’histoire pourrait c’est sûr, constituer une bonne série télé, tellement son scénario est riche en rebondissements.

Tout cela apparaît effectivement comme un peu daté dans la mesure où l’on apprenait aux enfants que la création du monde était intervenue cinq mille ans plus tôt. C’était la première époque par laquelle débutait cette histoire sainte et qui postulait que au « commencement rien n’était » et qu’en six jours, Dieu « fit tout ». Le cinquième, les poissons et les oiseaux apparurent et les jours suivants avec un peu de limon traité au souffle divin, il façonna Adam en le dotant d’une âme immortelle. Sans plus de manières il lui préleva une côte afin de créer une femme, l’objectif étant de faire un juste binôme à même de batifoler dans un espace vert, tout bonnement intitulé paradis terrestre. Les deux ayant commis la faute impardonnable de goûter au fruit défendu, c’est toute une réaction en chaîne qui se produisit, dont on a encore pu le 10 avril dernier, mesurer les funestes effets.

Comme le ressort de toute bonne fiction repose sur la contrariété, c’est dire si, encore une fois, cette histoire folle pourrait nourrir de nombreux épisodes d’une série à succès. Si l’on saute quelques pages pour arriver à la quatrième saison, on trouve cette séquence assez sympa relative au décalogue, soit les dix commandements. Ce jour-là, Moïse se trouvait dans le désert lorsqu’au milieu d’un orage terrible le Seigneur apparut pour lui faire part de ses recommandations. Il était notamment question de ne pas convoiter la femme de son prochain. C’est dire à quel point tout cela est un peu tombé en déshérence dans la mesure où en droit, l’intention ne constitue pas un délit. Et que si l’on ne peut plus faire les yeux doux à la femme ou au mari de son prochain, la vie cessera d’être gaie.

Plus l’histoire nous rapproche de la naissance du Christ, plus elle s’enrichit de rebondissements captivants. Si on prend Samson par exemple, lequel avec sa force surhumaine dégomma mille Philistins, avec une simple mâchoire d’âne. Assez contrariés, ces derniers chargèrent Dalila de le séduire afin de découvrir le secret de sa puissance musculaire. Lui ayant arraché l’info par la ruse, comme quoi tout lui venait des cheveux, elle profita de son sommeil pour le tondre. Ce qui fait que par la suite les Philistins purent se venger en crevant les yeux de leur ennemi juré. Néanmoins il s’en remit.

Sexe et violence sont des ingrédients à ne pas oublier pour qui veut raconter une bonne histoire. Dans la sixième saison il est question des sept frères Machabées, suppliciés par Antochius roi de Syrie. Lequel voulait obliger les juifs à adorer leurs idoles. Visiblement, ils n’avaient pas obtempéré. Le souverain put alors laisser libre cours à ses instincts sadiques. Puisqu’il leur fit arracher la peau de la tête, couper la langue, les pieds et les mains en prenant garde de ne point les tuer afin de les achever dans l’eau bouillante devant leur mère. Quand on voit ce que l’on est capable de faire à notre époque, l’homme n’a pas perdu la main.

La septième et dernière saison confirme la bonne endurance des scénaristes et leur capacité à conclure en beauté. C’est le fameux épisode de la naissance de Jésus avec l’intervention de l’ange Gabriel si bien dépeint par les artistes italiens comme Fra Angelico. Il apparut ainsi à Marie pour la prévenir que le Saint-Esprit avait conçu pour elle une grossesse non conventionnelle. C’était un bon stratagème de séduction puisqu’elle lui fit part de son consentement et de sa soumission. Devenu grand, Jésus s’éleva vers le ciel avec le style propre aux grandes productions, non sans avoir béni ses apôtres et délégué deux anges, afin de donner aux douze chargés de mission, une feuille de route consistant à divulguer « les préceptes de bonté et d’amour du divin crucifié ».

Mais rien ne se passa comme prévu, on est un peu sans nouvelles et il faut bien convenir qu’après, l’humanité s’est un peu égarée.

PHB

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3 réponses à Dieu du ciel

  1. Mais depuis il y a bien du nouveau : penchez-vous donc sur le travail d’exégète d’Annick de Souzenelle par exemple, et vous m’en donnerez des nouvelles !

  2. Philippe PERSON dit :

    Cher Philippe,
    je ne suis pas théologien, mais je « crois » que vous commettez une erreur : chez Marie, ce n’est pas la grossesse qui est « non conventionnelle » mais la manière d »être fécondée… Jésus est venu par l’opération du Saint Esprit, oserai-je dire et pas par les spermatozoïdes de Joseph. Ce qui n’implique pas qu’après Marie aurait eu d’autres enfants selon la méthode traditionnelle. Là les experts divergent sur le maintien ou non de la virginité de la Vierge. Si on lit ce qu’on appelle les « évangiles apocryphes », ceux, qui ne sont pas reconnus par l’Eglise, on aura des surprises.
    Elle a cependant porté Jésus pendant neuf mois et accouché à Noël comme une « femme normale ».
    Merci de nous ramener aux questions qu’on se posait quand on allait au catéchisme l’année où au collège on faisait la mythologie antique… et qu’on ne comprenait pas pourquoi Zeus c’était du pipo et Yahvé du vrai…

  3. Debon Claude dit :

    Un vrai régal, cher Philippe. Plus plaisant et certainement plus efficace qu’un cours de laïcité.

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