On aimerait bien en savoir davantage sur ce portrait, mais la notice n’indique pas autre chose que « buste de jeune femme, bois peint du 15e siècle, école florentine, époque des Médicis ». Oui on aimerait bien le savoir autant que sa modernité précoce, sa beauté, ce regard étonnant, laissent bouche bée. Mais le travail iconographique du « Dictionnaire des œuvres de tous les temps et de tous les pays » par le tandem d’éditeurs Laffont-Bompiani, laisse souvent perplexe. Cette image accompagne un texte sur l’histoire des papes où il est certes question des Médicis et de Florence, mais la pertinence de ce buste féminin apparaît comme aléatoire au contraire sur la page d’à côté, d’un indiscutable portrait de Jean VII en mosaïque. C’est en tout cas une belle surprise parmi beaucoup d’autres que l’on trouve au hasard des cinq gros volumes de cette édition des années soixante.
À quoi bon pourrait on dire risquer une hernie discale en emportant ce qui apparaît davantage comme une encyclopédie puisque l’on trouve en principe tout ce que l’on veut sur Internet. Mais justement, lorsque l’on sollicite le plus connu des moteurs de recherche, l’opération consistant à retrouver le fameux bois peint, fait chou blanc. Ou presque puisque le site geneanet.org propose quand même une image comparable d’un buste de jeune femme mais en en noir et blanc, possiblement abrité au Louvre. C’est tout le bénéfice qu’il y a à feuilleter ce super dictionnaire que de trouver des choses au hasard. À vrai dire toutes les œuvres (littéraires et artistiques) de tous les temps ne s’y trouvent pas (comme les Ménines de Vélasquez), mais avec un peu moins de vingt mille articles il y a de quoi se distraire les jours de pluie et même quand il fait beau si l’on se réfère à cette année 2020 pas comme les autres. Les prochaines mesures de résidence surveillée peuvent bien intervenir, avec une somme pareille, on a de quoi tenir.
Pratiquement n’importe quel sondage effectué au hasard des pages rapporte sa moisson de culture. Admettons les « Enseignements de l’ancienne Égypte » où il est fait œuvre des textes savants écrits à ce sujet. On y découvre mille choses comme « les règles et conseils de morale pratique à observer dans la vie de tous les jours ». On y apprend que le bon Ptahhotep (5e dynastie) recommandait aux hommes d’éviter les femmes et particulièrement celles qui, en l’absence de leur mari, se répétaient « je suis belle ». Un tel méfait méritait la mort selon son auteur qui par ailleurs avisait également les jeunes gens de se tenir à l’écart des jeunes filles de leur âge et de ne pas boire de la bière. Comment en arrive-t-on à cet article ? Mais par l’illustration justement même si, on l’a dit, la perfection de sa distribution laisse à désirer.
Et celle qui accompagne le texte est assez remarquable. Elle figure un musicien jouant de la harpe, l’instrument étant surmonté d’une effigie possiblement féminine. Là encore on aimerait bien en savoir davantage sur cette peinture. Mais il n’y pas de notice. La culture iconographique manquait décidément aux deux éditeurs. C’est là qu’Internet vient à la rescousse du lecteur frustré. On y apprend via le site de la Réunion des musées nationaux (Rmn), que l’image retenue par le dictionnaire n’est en réalité qu’un détail (1). Dans la vraie vie le musicien ne joue pas tout seul mais devant le dieu Rê-Horakhty, ce qui change un peu la donne. Cependant il faut quitter le site de la Rmn pour apprendre encore sur un autre site web, que Rê-Horakhty était un dieu du soleil. Et pour savoir tout ça finalement, il a donc fallu donc partir d’une vieille édition du Laffont-Bompiani (ayant appartenu à un lycée parisien) et de requête en requête, compléter les renseignements qui manquaient. Ce sont là les agréables conséquences de la curiosité. Rien de fastidieux en effet et cela accélère sensiblement l’heure de l’apéritif tellement nous sommes absorbés.
Le cinquième volume se détache des quatre précédents puisqu’il recense, lui, les œuvres contemporaines (art et écriture) soit grosso modo celles s’étalant entre la fin du 19e siècle et jusqu’en 1968. L’iconographie continue là encore sa mission de séduction sans que l’on comprenne pourquoi par exemple, se trouve un très beau collage (ci-contre) de Lajos Kassák (1887-1967), peintre et écrivain hongrois. Le jeu est de trouver à quel article l’image correspond mais rien n’a été prévu pour guider le lecteur, à peine quelques indices. Ce n’est pas bien grave, d’ici au 20 janvier, on a tout le temps.
PHB
(1) Voir l’image entière du musicien d’Amon
À savoir que le nouveau dictionnaire des œuvres de tous les temps et de tous les pays, édité par le seul Robert Laffont, a gagné un volume supplémentaire (avec un index…) et qu’il compte 21.000 œuvres. Mais on trouve facilement les vieilles éditions (comme celle traitée aujourd’hui) sur le marché de l’occasion.
Photos effectuées à partir de l’édition 1962/1968, crédit: PHB
Cher Philippe, pouvez-vous vérifier si Augusto Agero, peintre et sculpteur qui a connu Apollinaire (et réciproquement), est recensé quelque part dans le L.-B.? Quand j’avais travaillé sur lui il y a quelques années, il n’y était pas. Un chercheur espagnol, Juan José Gil Sanchez, va publier un ouvrage sur lui. Ce serait le sommet de sa résurrection que de le voir figurer dans le célèbre ouvrage. Merci, Claude Debon
Chère Claude,
J’ai effectué quelques sondages avec le nom de certaines de ses oeuvres dans le volume 5 de 1968, mais je n’ai rien trouvé. Il faudrait voir dans une édition plus récente, maintenant que les librairies vont ouvrir, je regarderai… PHB
Bonjour Philippe,
Ceci n’a rien à voir avec votre « livraison » du jour mais je viens de repérer une information susceptible de vous intéresser car il s’agit d’Apollinaire : https://www.franceculture.fr/litterature/document-rare-apollinaire-interprete-le-voyageur-en-1913
Bonjour Laetitia, j’avais vu passer cette information, mais je vous remercie. PHB