Là où le mode sonde se substitue au mode avion

Forcément avec toute cette actualité oppressante, celle-là est un peu passée inaperçue. Probablement élaborée sous Nixon et expédiée vers l’hyper-espace sous la mandature Carter en 1977, Voyager 2 a répondu « bonjour » aux sollicitations de la Nasa. Cela faisait depuis le printemps qu’elle ne répondait plus. Le message a mis plus de trente heures avant d’arriver, mais vu qu’elle se trouve à plus de dix-huit milliards de kilomètres de la terre on lui pardonne. Il y a des courriers sur Terre qui mettent bien plus de temps. En tout cas il s’agit d’une actualité fascinante. Cet engin fonctionnant toujours avec une électronique de bord pour le moins simpliste par rapport à ce que l’on trouve aujourd’hui dans le moindre téléphone portable. Partie quelques mois plus tôt, la sonde jumelle Voyager 1 taille toujours sa route avec un peu d’avance, soit 22 milliards de kilomètres de son point de départ.

Elles ont vu Jupiter, Saturne et ses lunes et croisent désormais aux confins de l’univers selon l’expression convenue. C’est très grand les confins, un genre d’horizon sans cesse repoussé. Si rien ne détruit ces valeureuses sondes, si elles ne se font pas avaler par un trou noir et même une fois réduites au silence (vers 2025/2026) rien ne s’oppose à la continuité de leur mission première bien à l’abri des aléas terrestres, là où même le fisc est impuissant.

Le monde que traverse actuellement Voyager 2 est pratiquement inimaginable du moins pour un non scientifique. Mais il est bon d’entretenir ce mystère et de savoir qu’aussi loin, très loin, un artefact de ferraille à peine plus élaboré qu’un couscoussier file plein gaz. Là où il n’y a plus aucun réseau, là où le mode sonde se substitue au mode avion.

Sauf que. Si l’on se réfère en effet à la malléabilité de l’espace temps, qui sait si Voyager 2 ou sa sœur ne finiront pas par revenir sur Terre à une époque difficile à prévoir. La logique voudrait qu’elle revienne plus tard qu’aujourd’hui. Mais il y serait piquant qu’elle réapparaisse au moment de son lancement ce qui ferait croire aux ingénieurs à un lancement raté. Et il serait plus cocasse encore qu’elle tombe au beau milieu d’un groupe de chasseurs-cueilleurs il y a quelques milliers d’années. Le grand Stanley Kubrick avait sa petite idée là-dessus. À toutes fins utiles d’ailleurs, elles emportent dans leur soute, un disque d’or contenant différents sons et images caractérisant la vie terrestre, ainsi qu’un petit message aimable du toujours vivant Jimmy Carter.

Mais les Américains ne rêvent plus vraiment à ce genre de choses et tant qu’à penser retour, ils pensent davantage au retour scientifique sur investissement. Pour environ le même coût que Voyager 2 (800 millions de dollars), la sonde Osiris-Rex en revanche, rentre à la maison après avoir été lancée en 2016. Sa récupération est prévue pour 2023. Pour elle aussi l’actualité a un peu passé sous silence le petit exploit consistant à aller prélever de la poussière sur un astéroïde situé à quatre ans de navigation spatiale. Un aspirateur un peu amélioré par rapport à ceux que nous utilisons pour faire le ménage, piloté à distance, a réussi à capter fin octobre des échantillons de sol. L’astéroïde Bénou, géo-croiseur de son état, est paraît-il, un témoin de premier plan quant à la formation du système solaire. D’où l’intérêt de gratter son sol plein d’indices dont se délectent à l’avance ceux qui pourront les analyser. Ce faisant ils lèveront un coin d’un voile de mystère dont on ne connaît pas l’étendue originelle.

Nous nous trouvons en revanche presque sans nouvelles du satellite A1 dit « Astérix » lancé par la France depuis l’Algérie en 1965. Il n’était équipé d’aucun équipement scientifique sauf un répondeur radar et un système de transmission de télémesure. Nous n’en avons gardé qu’un timbre qui immortalisait la première expérience spatiale tricolore. Son altitude élevée fait qu’il ne se désintégrera pas avant plusieurs siècles. Muet, il n’orbite que pour le plaisir et nous fait certes bien moins rêver que les sondes Voyager, parties chercher des « étoiles nouvelles », comme l’écrivait si joliment José Maria de Heredia en 1893. Certes il ne parlait que des caravelles, mais l’idée générale n’a pas vraiment changé.

PHB

 

 

 

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Une réponse à Là où le mode sonde se substitue au mode avion

  1. Joëlle SEGERER dit :

    Qui de meilleur qu’un non-scientifique (ou se déclarant tel) pour parler sciences, un domaine nimbé de rêves.

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