La villa Anne-Marie avec ses dépendances, l’ancienne grange, la fontaine, le four à pain et la magnanerie, sont logés au fond de la vallée bien loin du village. «Ici, vous serez tranquilles». Des pièces vides pour symboliser l’absence, le départ. Et une salle de classe (ci-contre) avec des pupitres d’enfants, des dessins d’enfants. Et des photos de visages d’enfants, innocents et joyeux comme peuvent l’être les enfants, et de leur institutrice aussi et de ceux qui avaient choisi de faire de ce lieu un refuge. À Izieu le temps s’est arrêté le 6 avril 1944 jour de la rafle nazie de la colonie des enfants réfugiés de l’Hérault. 44 enfants et 5 adultes. Ce qui était leur refuge les a conduit directement aux camps d’extermination. «Les enfants furent jetés sur des camions comme des colis et Monsieur Zlatin reçut des coups de crosse. Les pauvres petits chantèrent en partant «Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine». (1)
C’est en 1987 après le procès Barbie -dont la responsabilité a été mise en lumière dans la rafle- que l’espace est devenu lieu de mémoire grâce notamment aux archives conservées par Sabine Zlatin. L’association du musée mémorial des enfants d’Izieu acquiert le lieu. Le site est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1991. Depuis 1993 il est l’un des 3 lieux de mémoire nationale des victimes des persécutions antisémites commis avec la complicité de l’État français.
À proximité à Nantua le musée de la résistance et de la déportation de l’Ain nous rappelle lui aussi les heures les plus sombres de notre histoire : traversé par la ligne de démarcation, le département est en partie amputé. Le pays de Geix subit l’occupation allemande dès l’été 1940. En 1942 ils envahissent l’ensemble du département et cèdent le Bugey à leurs alliés italiens. Puis vient le temps des maquis formés par les réfractaires du STO qui trouvent refuge dans les forêts alentour et qui marqueront les esprits avec leur défilé du 11 novembre 1943 à Oyonnax. Logé dans l’ancienne prison et rénové en 2017 le musée a su grâce à une rénovation et une scénographie remarquables habiter l’esprit des lieux pour nous raconter cette histoire. On ne dira jamais assez les trésors cachés des petits musées.
Une note réjouissante pour terminer ce voyage dans l’Ain, celle d’une histoire d’amour sculptée dans la dentelle de pierre au temps du gothique flamboyant. Pour cela il faut remonter le temps de quelques siècles. C’est l’histoire de Marguerite d’Autriche (1480-1530) bien née au pedigree impressionnant : fille de l’empereur Maximilien de Habsbourg, petit fille du dernier Grand Duc de Bourgogne Charles le Téméraire et tante de Charles Quint. Cette belle naissance est à double tranchant car elle fait d’elle monnaie d’échange et instrument politique de son père. Au fil des tractations diplomatiques de la Renaissance, elle sera mariée à 3 ans au Dauphin de la couronne de France, Charles, avant d’être répudiée. Elle épouse en secondes noces le Prince Juan de Castille Infant d’Espagne qui meurt prématurément. Elle connaitra enfin l’amour dans les bras du jeune Duc Philibert le Beau, duc de Savoie. Cette troisième alliance est destinée à garantir le passage des troupes impériales vers l’Italie. Quand il décède trois ans plus tard elle n’a que 24 ans et une vie déjà bien remplie.
Pour conjurer le sort et surmonter sa souffrance, contre l’avis de son entourage et grâce à l’appui du pape Jules II, elle entreprend à Bourg en Bresse le chantier monumental de Brou qui sera à la fois nécropole royale, monastère et résidence princière (ci-contre). Devenue Régente des Pays Bas en 1506, c’est de là bas qu’elle pilote l’avancement des travaux qui sera avant l’heure un chantier européen : le bâtiment qui est un des plus beaux témoignages du gothique flamboyant de la Renaissance fait travailler des architectes, artistes et artisans venus de Flandre et de toute l’Europe.
Fait exceptionnel, Marguerite repose toujours 5 siècles plus tard aux côtés de son époux dans la nef de la cathédrale. L’emblème du couple, les initiales «P» et «M» unis par un lac d’amour ont inscrit leur amour dans la pierre. C’est sans doute pour cette raison mais aussi pour la splendeur des toitures en tuiles vernissées et celle de la façade de la cathédrale et pour ses trois cloîtres exceptionnels, que l’ensemble est élu en 2014 à l’occasion des journées du patrimoine «Monument préféré des français».
Marie-Pierre Sensey
«Couleurs d’amour» spectacles son et lumières sur les façades de la cathédrale du théâtre et de l’hôtel de ville de Bourg en Bresse jusqu’au 17 septembre
«Oeuvres déconfinées» Expo temporaire du monastère royal de Brou jusqu’au 20 septembre
Musée de la résistance et de la déportation de Nantua. Expo «Tiens ta langue» jusqu’au 30 avril 2021
À Nantua le Restaurant «L’embarcadère » sert les incontournables quenelles sauce Nantua et à Bourg en Bresse «La table d’Arthur» offre la meilleure volaille de Bresse qui soit.
(1) Témoignage d’Eugène Perticoz, voisin
Ni tampon Jex, ni Geix un patronyme du Cantal , mais au pays de Gex .
C’est bon pour le Scrabble.
Cela n’enlève rien à votre excellent article .
Merci