Le train qui s’éloigne. Un homme reste à quai. Derrière la vitre d’un compartiment Marion se tient debout. Deux minutes auparavant, après 60 minutes de film, l’homme d’à peine trente ans a cédé à la supplique de la jeune fille. Ils se sont embrassés. Dans le film elle n’a que quatorze ans soit un an de moins que l’actrice. Elle est sa belle fille. Il est son beau père qui donne le titre à ce long métrage sorti en 1981. Est-ce que Bertrand Blier qui a fait de la transgression une des marques de fabrique de sa filmographie pourrait encore réaliser la même chose? Cela n’a rien d’évident et ce doute est certainement emblématique d’une époque qui n’entend plus rien ne laisser passer. De surcroît il était produit par Alain Sarde et une chaîne de télévision publique. Qui ne ne prendrait probablement pas le même risque aujourd’hui. Blier a dit, en marge du DVD, que l’affiche retenue, davantage provocante, n’était pas celle qu’il avait choisie.
L’habitude d’emprunter à nouveau les chemins conduisant vers les salles obscures n’étant pas encore revenue, celui-là a été ressorti d’une étagère. Il raconte en détail l’histoire d’un jeune homme paumé (Patrick Dewaere), qui gagne difficilement sa vie en jouant du piano dans les salles de restaurants. Il vit avec sa compagne (Nicole Garcia) et sa belle fille, (Ariel Besse). Quand la première décède d’un accident, il convient avec le père génétique (Maurice Ronet), de continuer à vivre avec la très jeune Marion. Laquelle en vient très vite à lui déclarer qu’elle l’aime et qu’elle le désire. La précocité de la seconde, dépasse la faiblesse du premier qui tente de résister autant qu’il le peut. Et puis il y a ce jour où il l’accompagne à la gare, cédant à ses avances dans la lumière blafarde d’un compartiment de train. Ce n’est qu’un baiser, tout en pudeur quoique profond.
Bertrand Blier décline donc ici une transgression qui passerait difficilement les portes d’une société de production aujourd’hui. Car l’intrigue n’a pas lieu entre adultes consentants. Quand bien même la maturité de Marion, sa lucidité sur les sentiments qu’elle éprouve pour son beau père, produit une inversion des responsabilités. La société contemporaine ne saurait le tolérer. peut-être à raison, on ne sait pas. L’interrogation reste et restera vertigineuse. Le personnage de Rémi n’est quoiqu’il en soit pas étanche. Il est adulte mais avant tout humain. Et cet humain-là n’est pas étanche, face aux arguments (conçus par Blier) d’une logique implacable dits par une adolescente très sûre d’elle. « Beau père » est un beau film traité avec une pudeur extrême. C’est une œuvre qui n’a cure des normes, des conventions, de la morale. En 2020 on discute de la valeur du consentement. Ce qui est hors normes dans cette histoire, c’est qu’il appartient à l’homme et non la jeune fille de consentir à une histoire d’amour pleine et entière. De surcroît il s’agit d’une belle histoire d’amour, même si l’un est dépassé, l’autre pas.
Le personnage interprété par Dewaere n’a rien d’un manipulateur pervers. Rémi est simplement confronté à une épreuve imprévue. Sa vie est telle une bille de flipper qui rebondit de plot en plot. Consciente que des années doivent passer avant de profiter d’une liberté légale, Marion l’encourage ensuite à vivre une autre histoire dans les bras d’une adulte, une vraie. Et il consent là encore, sous la condition imposée par Marion, qu’ils continueront à se voir. Il se trouve que la pianiste (Nathalie Baye) est elle-même mère d’une petite fille qui regarde arriver ce nouveau beau père avec des yeux de prédatrice. Dans ce film, il n’est guère question d’égalité hommes-femmes. Quel qu’en soit leur âge, c’est la gent féminine qui domine, éclairant les errances des hommes. Telle semble être la démonstration d’un cinéaste qui a toujours mené ses pas hors des sentiers battus. En prenant ses risques. PHB
Autre assez beau film infaisable aujourd’hui pour des tas de raisons, Noces blanches…
Exact. Avec le massif mais subtil Bruno Cremer
Vraiment beau et vrai pour notre actualité, meme si je trouverais bien plus hors des sentiers battus que le rôle de cette personne âgée respect d’une nouvelle liaison p resque famili avec un mineur serait une femme….pour quand ce film? Jaja