Sur un des murs de l’hôpital Saint-Louis, le message ne date pas d’hier. Il se décolle par squames. L’histoire de ce plus vieil établissement parisien après l’Hôtel Dieu offre une résonance opportune avec l’actualité, puisqu’il a été conçu en fonction des nombreuses épidémies qui frappaient alors la cité. Rien qu’en 1562, les registres de l’Hôtel Dieu dénombraient 68.000 morts de la peste. Comme Paris ne comptait que cet hôpital, le bon roi Henri décida le 19 mai 1607 de fonder sur la rive droite l’hôpital Saint-Louis. Ainsi que le précise Raymond Sabouraud dans une histoire de l’établissement rédigée en 1937 pour le compte des Laboratoires Ciba, l’édit signé par le roi a été conservé dans son intégralité. Cet homme qui était non seulement un dermatologue mais aussi un sculpteur renommé, mourut avant de voir son récit publié.
Ayant suivi les cours d’Émile Roux à L’Institut Pasteur, Raymond Sabouraud voyait à peu près de quoi il s’agissait sur la question générale de la prophylaxie. Il explique qu’il avait fallu plusieurs épidémies de natures diverses en l’espace de dix ans pour que l’autorité royale se décidât à prendre les choses en main. La notion de contagion était connue mais faute de place il fallait bien mélanger les patients. C’était d’ailleurs une autre vision du confinement, puis qu’en les concentrant, on pouvait s’en débarrasser tout en préservant ceux qui n’étaient pas atteints. « On pourrait presque dire, soulignait en effet Raymond Sabouraud, qu’un hôpital ainsi compris n’avait qu’un but effectif, celui de capter les malades venus du dehors et d’en finir avec la maladie par leur mort ». Un peu « radical mais efficace » si l’on se rapporte à une fameuse réplique des « Tontons Flingueurs » à propos de la dynamite.
Mais ce sont bien les épidémies qui accélérèrent le financement de la construction de l’hôpital Saint-Louis comme quoi l’histoire ne se répète pas elle bégaie. Ainsi qu’il a été écrit quelquefois sur maints sujets. La vocation des bâtiments conçus par Claude Vellefaux était d’être intermittente, en cas d’afflux anormal de malades, ou encore lors de l’incendie d’une branche de l’Hôtel Dieu qui devait se produire bien plus tard, en 1772. Bref la ville était prête en cas de panique, même s’il avait fallu bien plus de dix jours pour édifier le complexe.
L’hôpital Saint-Louis appartient à ce qu’il reste de ce qui fut autrefois, un patrimoine immobilier voué à la santé, bien plus important. Les normes libérales ont eu la peau des petits et moyens hôpitaux parisiens qui filtraient si bien les petites urgences. Un phénomène qui n’a pas été stoppé puisque en ce moment même un tiers de l’Hôtel Dieu est destiné à être privatisé (« valorisé » dans le jargon des communicants) et celui du Val de Grâce, vidé, dépérit dans une inertie coupable, au milieu de son joli parc. À Saint-Louis, Lariboisière, Sainte-Anne ou encore la Salpétrière cependant, il est non seulement possible de s’y faire soigner par un personnel que l’on ne cessera jamais de respecter, mais il est également loisible pour le convalescent ou le simple promeneur de profiter d’un environnement boisé et architectural remarquable. Le charme y est permanent tandis que l’histoire tend ses embuscades à chaque croisement.
À l’instar de cette tout à fait émouvante chapelle de l’hôpital Saint-Louis qui fut construite avant même les locaux destinés aux patients. Elle a été construite entre 1606 et 1610, alors que le périmètre hospitalier, disposé en équerre, y compris les combles et les annexes, a été achevé en 1612. Et c’est dans cette chapelle (ci-contre), qui devait également servir de paroisse aux habitants du voisinage, que fut célébré l’office mortuaire de Henri IV assassiné par François Ravaillac le 14 mai 1610. Des cloches avaient été commandées au maître fondeur Le Moyne. Elles étaient mentionnées « bien sonnantes et accordantes l’une avec l’autre », comme il est rappelé dans le livre de Raymond Sabouraud. À cette époque déjà on pratiquait l’art campanaire avec beaucoup de sérieux. Les cloches ne sonnaient jamais pour rien, elles délivraient tout à la fois les réjouissances et le glas. L’airain les protégeait de la langue de bois.
PHB
L ´ airain les protégeait de la langue de bois.
Ah ?
Merci d’avoir repéré l’erreur de conjugaison. PHB
Où est l’erreur de conjugaison? Mais non, cher M. Philippe, votre orthographe, comme on le disait à une certaine époque, est naturellement excellente. Continuez à nous écrire.
claude
Merci cher Claude. Il se trouve que l’erreur a été corrigée grâce à’ l’intervention de M.Derigny. PHB
Avec l’orthographe on en oublie le fond, merci pour cet article très intéressant. L’histoire de nos hôpitaux est passionnante. A la Salpêtriere le pavillon des folles est un endroit poignant à visiter.
Sous le titre « Le Bal des Folles », l’écrivaine Victoria Mas nous fait entrer dans cet univers, à travers le destin de trois femmes. A lire d’un trait pour découvrir ce qu’à l’époque on appelait des folles…
je l’ai lu, c’est un livre très bien documenté et très bien écrit. En effet il se lit d’une traite. Et quand on connait le lieu, cela donne le décor en prime! A lire+++
A propos d’hopitaux parisiens, êtes-vous au courant du tragique projet pesant sur l’Hôtel-Dieu déjà en grande partie fermé? Comme elle le fait partout, la mairesse veut le livrer au privé qui veut y construire hôtel, centre commercial,etc. Les evénements actuels vont-ils y mettre un frein? Pas sûr si Mrs Hidalgo est réélue…:
https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/lhotel-dieu-le-plus-vieil-hopital-de-paris-souvre-aux-start-ups-et-aux-commerces-1131009
Joli article, avec le décalage nécessaire ; toutefois, son paragraphe central débute par : « Mais ce sont bien les épidémies qui accélérèrent le financement de la construction de l’histoire Saint-Louis comme quoi l’histoire ne se répète pas elle bégaie. » Je pense qu’il y a, même si elle bégaie, une histoire de trop ! 🙂 / FML
Merci Frédéric Maurel, grâce à vous c’est corrigé. PHB
à propos de l’auteur
en cherchant l’ouvrage commenté, j’ai trouvé sur un site de livres d’occasion le signalement de cet ouvrage
Dr Raymond Sabouraud
Sur les pas de Montaigne
Denoël 1937
Merci à vous! PHB