Cinémas, théâtres, librairies, musées, galeries, hôtels des ventes, courses hippiques… le baisser de rideau est général, sauf les éditeurs de journaux qui ne parlent plus que de la chose maudite (ci-contre) et de ses conséquences planétaires. Un vent mauvais souffle sur l’Europe. Les libertés sont sous cloche. Le robinet culturel est cadenassé. Confinée, l’inspiration moisit. Sauf à produire ce qu’il est convenu d’appeler du jus de crâne, à prendre le risque de lasser nos lecteurs avec de la matière défraîchie, de la dissertation sèche, il est devenu réaliste de suspendre pour un temps la parution des Soirées de Paris. En attente d’un retour à meilleure fortune dont l’échéance, à cette heure, est pour le moins floue.
L’on peut se rappeler Vittorio Gassman dans l’extraordinaire « Fanfaron » (Dino Risi 1962) qui errait au mois d’août dans une Rome désertée à la recherche d’une distraction et de cigarettes. Mais lui pouvait le faire, sans ministre ni policier pour l’entraver dans ses joyeuses divagations. « Liberté j’écris ton nom » avait très justement postulé Paul Éluard durant l’Occupation.« Si la contrariété ne m’étouffait pas, je pousserais bien un cri » maugréait de son côté quelques années plus tard et dans un registre certes moins poétique, l’insubmersible Achille Talon .
Mais justement, suite à une suspension de ce qui fait sauf erreur, la première valeur d’une démocratie, nous en sommes réduits à remplir des sauf-conduits « sur l’honneur » pour aller chercher le pain, sortir le chien ou visiter un parent dépendant. Une disposition extravagante qu’il est bien difficile de déglutir sans hoqueter. Encore que semble-t-il, beaucoup acceptent le confinement avec une philosophie déconcertante. C’est leur droit d’expression le plus absolu. Cependant que le vrai civisme devrait se dispenser de menaces.
La seule chose amusante dans cette affaire réside dans la permission d’aller faire, selon la doxa officielle, un peu de sport dans le périmètre du « pâté de maison ». Car le pâté de maison n’a jamais fait l’objet de mesures scientifiques comme pour le mètre ou le kilogramme. Parce qu’intrinsèquement il s’évalue à l’estime, au doigt mouillé, à la parisienne. Si l’on accorde à cette définition à connotation charcutière -mais injurieuse pour le moindre notaire épris de science cadastrale- une définition trop large, le risque est de devoir payer une amende salée (de 135 à 375 euros). Laquelle donnera au fameux pâté de maison la valeur d’un petit panier de truffes, hélas virtuel. Hier le ministère des sports se hasardait à recommander de ne pas dépasser 1 à 2 kilomètres en courant et toujours à moins de 500 mètres du domicile.
À une époque inhabituelle, les volets se ferment donc sur Les Soirées de Paris, comme ceux d’une maison de vacances à la fin de l’été. Si l’étau se desserre, au moindre filet d’air (pur), nous reprendrons les publications, comme des sous-mariniers après une longue plongée. D’ici-là, plein cap sur les abysses, poste restante.
« C’était un temps béni nous étions sur les plages
Va-t’en de bon matin pieds nus et sans chapeau » (Apollinaire dans « Les Saisons »).
PHB
Bien compris mon cher Philippe Bonnet mais c’est toujours un plaisir sans mélange de vous lire le matin. Tant pis. Patience et longueur de confinement. … Merci en tous cas d’exister – ce qui vous occupe naturellement beaucoup- et de reprendre bientôt avec votre talent
Bien au contraire, Les Soirées de Paris devraient continuer leur parution, il me semble. Ce serait là un lien de moins de coupé entre chacune et chacun. Dommage !
PS : Si l’étau se desserre, et non se dessert !
Le confinement m’égare, merci Yves Brocard, à bientôt. PHB
Cher Philippe, souhaitons-le le plus court possible, nous serons d’autant plus heureux de nous retrouver. J’espère donc vous relire très vite. D’ici là prenez tous bien soin de vous pour être à l’heure au rendez-vous. Confinement vôtre,
Bonjour,
merci pour vos publications de qualité.
Prenons ce temps d’arrêt forcé comme une parenthèse, nous apprendrons peut-être à vivre autrement, après. Cette pause permet à beaucoup de se retrouver ; pouvons-nous vivre ensemble 24h/24 sans que l’on soit en vacances, sans avoir l’esprit tranquille, sans connaître la date de retour à la « vie normale » et à son rythme saccadé, celui-là même qui nous fait nous sentir indispensables et importants. Parmi les informations livrées en continu, démêlons le vrai du faux, raisonnons, pour éviter le doute et la culpabilité. Impossible aujourd’hui d’imaginer ouvrir sa porte un matin, sortir après la permission des autorités et se dire : « Tout est réglé enfin, l’air est sain à nouveau, le risque est nul. » Retrouverons-nous notre insouciance et nos plaisirs furtifs ?
« L’innocent paradis, plein de plaisirs furtifs, Est-il déjà plus loin que l’Inde et que la Chine ? — Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs Et l’animer encore d’une voix argentine, L’innocent paradis plein de plaisirs furtifs ? »C. Baudelaire
PS : je pense que vous avez voulu écrire « si l’étau se desserre ».
Bien cordialement,
La Clef
Je suis rempli de tristesse de ne plus lire, pour un temps, vos merveilleuses publications qui ne font qu’enrichir ma culture personnelle.
J’espère vous revoir très vite car votre style d’écriture est exceptionnel, passionnant et qui est consacré très souvent à des sujets et à des thèmes que nous connaissons peu ou pas du tout.
A très vite Cher Philippe Bonnet et prenez-soin de vous…
Toutes mes amitiés
Merci cher Alain André Reby. Sachez cependant que je n’attendrai pas la fin des ennuis pour réactiver la parution. Le temps de trouver une parade éditoriale, admettons une semaine. Bien à vous. PHB
Cher rédacteur en chef,
voulez-vous dire que vous n’envisagez la suspension-punition que pour une semaine?
Alors qu’on nous annonce que le confinement sans confit pourrait bien durer six semaines…
Où en sommes-nous? Nous ne savonsplus du tout.
Take care of yourself!
Chers amis lecteurs,
car vous êtes tous mes amis, à commencer par ceux qui ont provoqué en moi des énervements surjoués, et dont je me repends…
Je donnais à l’instant un coup d’oeil au premier texte de Philippe, le 29 octobre 2010…
Il terminait sa première chronique par l’annonce : « d’une Toussaint au champagne »
Je vous souhaite donc à tous, vous mes amis, une Toussaint au champagne.
Si on peut l’organiser, ce serait une belle occasion de nous mieux connaître…
Pour ma part, comme Philippe, cette période me paraît plus que bizarre et la résultante d’une mauvaise route collective que nous avons empruntée après la mort du « communisme », entre hédonisme numérique et épuisement de la planète…
Peut-être par paresse citoyenne, avons nous laissé des politiques incompétents et plus très honnêtes prendre des décisions à notre place. Des mauvaises décisions qu’ils faisaient valider par des médias mielleux et à leur botte. Aujourd’hui nous n’avons plus un mot à dire derrière nos masques honteux. Si, on peut applaudir à heure fixe les infirmières ! Alors Clap Clap !
Nous en voilà là, Philippe ne nous consolera plus…
Moi, pour ma part, tous les matins, je lirai en repartant chronologiquement de ce 29 octobre 2010 quelques chroniques. J’espère que Philippe sera de retour avant que j’en sois arrivé à ce 20 mars 2020 de malheur !
Sinon, pour terminer positivement, pensez à la VOD pour aider les petits producteurs
de films qui ne sortiront pas en salles. Le 25 mars sort en VOD, chez Shellac, « Fernand Deligny, vagabond efficace » de Richard Copans. C’est un documentaire magnifique sur un éducateur qui consacra sa vie aux enfants attardés, très attardés.
Dans le film, on découvrira l’importance qu’il a eue pour Truffaut et ses Quatre Cents Coups.
J’en fais la recension dans le Monde Diplo d’avril qui risque de ne pas être très rigolo
Portez–vous bien, mes amis…
J’ai hâte qu’on se retrouve tous dans le bel écrin des Soirées. Encore merci, cher Philippe…
Merci cher Philippe de ce temps suspendu, qui permettra aux retardataires, dont je suis, de remonter le temps et de lire enfin l’intégralité des chroniques. Que de belles Soirées en perspectives…
C’est avec tristesse que j’ai lu cette nouvelle de la suspension, tel le temps et tels les vols Air France, de vos billets si délicieux.
Je crois, comme un autre abonné, que nous avons, plus que jamais, besoin de cet air frais que nous apportent vos articles .
Revenez nous vite, je vous en prie.
Catherine
Bonjour Philippe, pour le pâté de maison, les 500 mètres et le kilomètre, j’ai un endroit … mais l’accès en est en ce moment interdit aux touristes comme toi … ou moi 🙂 … bonne plongée, merci pour ces moments …
PS : ça fait quand même quelque chose de commenter après le romantique Monsieur Marchesseau et Monsieur Person qui se repend d’énervements surjoués …
La nouvelle dérogation parue ce matin, 25 mars, autorise 1 heure de déplacement seul ou avec nos compagnons de confinement, dans un rayon de 1km. Voilà qui nous ouvre de plus vastes horizons! A bientôt, à l’air LIBRE, et avec les Soirées de Paris, avec la tête pleine de tous les livres qu’on a enfin lus et de tous les films qu’on n’avait pas vus depuis si longtemps. C’est le bon coté des choses, profitons en! Que le confinement vous soit le plus agréable possible!
De Enzo Ferrari:
« Nous naissons sans le demander,
nous mourons, sans le vouloir »
La voiture rouge, jaune dans sa jeunesse, roulant à + de 200km/h, nous emmenait loin.
Bien que le temps nous soit compté
Bien à vous