En juillet 2018, se tient à l’Elysée une réunion de crise destinée à désamorcer l’affaire Benalla. Du nom de ce collaborateur du palais qui s’est fait prendre à jouer les policiers en malmenant un manifestant le premier mai. Alexandre Benalla est un jeune homme qui s’est adroitement faufilé en politique, d’abord au Parti socialiste, puis au sein de la toute jeune République en marche. Sa spécialité est la sécurité rapprochée. Son caractère serviable, une certaine efficacité, ont fait qu’une fois élu, Emmanuel Macron l’a pris avec lui, au sein de son cabinet. Tout allait pour le mieux jusqu’à ce qu’une vidéo devenue célèbre, signée Taha Bouhafs, surprenne le personnage en train de faire ce qu’il n’aurait pas dû. Dès lors tout s’est enrayé. Et en ce mois de juillet 2018 les collaborateurs du chef de l’État mettent au point les éléments de langage. On comprend que « dérive personnelle » ou « affaire d’été pas affaire d’État » font partie des locutions retenues.
Pour simplifier une fraction, il faut diviser le numérateur et le dénominateur par le même nombre. En revanche, pour comprendre de A à Z l’affaire Alexandre Benalla, il fallait une bonne BD, signée par la journaliste même qui a révélé le sujet en juillet 2018, Ariane Chemin. Son flair ne l’a pas trompée. L’article à sa signature qui va mettre le feu aux poudres est publié sur Internet le 18 juillet, à 20h09 exactement. C’est le début d’un feuilleton invraisemblable qui va passionner les Français. Comme il est dit dans le résumé de la quatrième de couverture, pour Emmanuel Macron qui venait à peine de toucher les dividendes d’une coupe du monde de football victorieuse au début d’un quinquennat sans trop d’anicroches, c’est aussi « le début des emmerdes ».
Il y avait de quoi s’y perdre à chaque nouveau développement, chaque mensonge, chaque nouvelle introduction d’un nouveau personnage (et ils étaient nombreux). C’est là tout l’intérêt de cette bande dessinée qui vient de paraître au Seuil. Grâce au dessin de Julien Solé et également grâce à la collaboration d’un autre journaliste François Krug, le lecteur s’y retrouve, quoique stupéfait, à chaque virage. Comme il s’en vante lors d’un enregistrement dévoilé plus tard par Mediapart, Alexandre Benalla lui-même estime qu’à 26 ans, « il n’y a pas grand monde » qui peut provoquer « deux commissions d’enquête parlementaire » et bloquer « le fonctionnement du Parlement ». On peut rajouter, nous détaille l’album, un certain nombre de mutations et de départs en cascade au plus haut niveau de l’État, comme notamment, celui du ministre de l’intérieur Gérard Collomb « très agacé de la gestion de l’affaire par l’Élysée ».
Le talent des auteurs est d’avoir fait d’une affaire complexe, un story-board presque limpide. « Presque », car il subsiste toujours des mystères , des coïncidences troublantes, pointés ici où là. Au mois de février 2019, la Commission des lois du Sénat avait rendu publique une impressionnante chronologie des faits, une sorte d’autopsie in vivo du dossier et listé « dix dysfonctionnements majeurs » dont des « faits dissimulés à la justice ». Mais son rapport n’était pas fait pour distraire le gogo. Les médias avaient dû en faire une synthèse.
Transformée en scénario, l’histoire débute par la cérémonie de la cour du Louvre, lors de laquelle, en 2017, Emmanuel Macron prend ses fonctions de nouveau président. Dans l’ombre, mais la caméra le montre deux fois, on voit Benalla qui officie en coulisses de ce moment solennel. Et puis le livre reprend depuis le début l’ascension étonnante d’un de ces hommes en marge du pouvoir auxquels les médias ne s’intéressent logiquement pas. L’affaire qui nous est racontée ici, dresse en creux le portrait d’un jeune homme ambitieux, malin, sachant faire montre à la fois de modestie et de culot. On y découvre de nombreux personnages allant du « barbouze » au « technocrate », lesquels n’imaginaient pas qu’ils tiendraient un rôle dans un film dont l’acteur principal était, sans le savoir tout de suite, le réalisateur.
Là encore, la bande dessinée fait la preuve de sa capacité didactique, dans un genre journalistique et donc non-fictionnel qui a déjà fait ses preuves.
PHB
« Benalla & Moi » /Le Seuil. 18,90 euros.
Tout fait ventre pour qui a faim
La macronnerie a produit un ectoplasme pas particulièrement ragoûtant
La bd est peut être bien faite
Le sujet est malheureusement sans grand intérêt
Sans grand intérêt ?
Dans une démocratie, avec une affaire pareille, le chef de l’Etat, élu avec un quart du corps électoral et croyant qu’avec une telle marge le pays était à lui, aurait démissionné ou aurait été démis.
Malheureusement, on est en France… et on trouve ça « sans intérêt »…