Il est toujours pleinement gratifiant de se lancer dans un tour du monde. Rien que l’idée en soi est toujours excitante. En 1947, deux étudiants tchèques, Jiří Hanzelka et Miroslav Zikmund se décident à franchir la frontière de leur pays. En astrophysique il est convenu d’appeler ce type de barrière virtuelle, l’horizon des événéments. C’est à dire l’endroit à partir duquel des choses nouvelles peuvent se produire. Durant quatre ans, ils vont effectuer leur périple, au volant d’une Tatra modèle 87. Ils découvriront de nouveaux peuples, de nouveaux modes de vie. Il se trouve que cette anecdote est d’actualité. Car pour la première fois, le constructeur de la marque Tatra, dont l’origine remonte à 1897, exposera son histoire au mois de février, à Paris, sous les ors du salon Rétromobile.
Jiří Hanzelka et Miroslav Zikmund vont s’offrir un bon bol d’air sur une large partie des quatre continents. Quatre et pas cinq contrairement à leur idée initiale qu’ils avaient intitulée « Projet 5 ». Il se sont engagés avant de partir à tourner des films, écrire des articles et participer à des émissions de radio afin de raconter leur virée. Sauf que durant leur absence, à l’instigation de Staline, le régime politique de la Tchécoslovaquie change. En février 1948, le président Bénes cède la place à un pouvoir communiste qui ordonne aux deux aventuriers de revenir au pays. Le succès de la restitution de leur voyage les protégera au point qu’ils reprendront le volant de leur Tatra 87 de 1960 à 1964. Lorsqu’ils protesteront, en 1968 contre l’arrivée des soldats du Pacte de Varsovie, ils seront réduits au silence. Ce qui ne les empêchera pas nous explique-t-on, de défendre tout au long de leur vie les libertés. Et c’est le musée de Zlin qui de nos jours conserve leurs aventures, dont le salon Rétromobile dévoilera nombreuses images à l’appui, un large aperçu.
Ce salon, qui se déroulera du 5 au 9 février à la Porte de Versailles sera également l’occasion de découvrir l’épopée de la marque Tatra, laquelle a inventé, bien avant Volkswagen, le principe du refroidissement par air des moteurs. Aujourd’hui le constructeur Tchèque ne fabrique plus que des camions, mais, dans l’entre-deux guerres notamment, il disposait aussi d’une certaine réputation dans la production de modèles élégants. Hitler avait fait de la Tatra 11, l’un de ses moyens de transport préférés. En 1897 par ailleurs, Tatra ne s’appelait pas encore Tatra mais Nesselsdorf. Il faudra attendre 1920 pour que le changement de marque s’opère. Les heures de gloire pour le constructeur se caractérisent, comme d’une façon générale à l’époque, par des affiches qui vantaient à la fois la solidité et sutout le raffinement de modèles qu’on aurait dit habillés -pour certains- dans l’idée d’une participation mécanique à une soirée de gala. Le changement de régime politique contraignit le constructeur à quitter le monde du luxe et des bagnoles qui faisaient rêver, sauf pour fournir des limousines au parti. Ce qui fait que de nos jours encore, près avoir frôlé la faillite, Tatra ne fournit plus que des camions. Certains étaient si performants d’ailleurs qu’ils s’illustrèrent avec brio durant le Paris-Dakar.
Jiří Hanzelka et Miroslav Zikmund ont vécu jusqu’en 1989 comme des dissidents, un de leurs textes n’ayant pas eu, en 1965, l’heur de plaire à Leonid Brejnev. Auparavant ils avaient publié moult livres, courts et longs métrages sur leurs pérégrinations. Leur fiche Wikipédia nous enseigne qu’ils font toujours l’objet d’une exposition permanente au château de Zlin et qu’incidemment ils ont même donné leur double nom à l’astéroïde 10173. Jiří est décédé en 2003 et aux dernières nouvelles, son partenaire Miroslav (né en 1919) serait toujours vivant. Lorsqu’il se rejoindront par delà les contingences terrestres, gageons que ce sera au volant d’une Tatra à refroidissement par air et adaptée à l’univers céleste.
PHB
Quand on a envie d’en savoir plus et qu’il n’est pas matériellement envisageable d’aller à Rétromobile, il y a un plan B ?