Ce poignard sûrement bien pratique pour dissuader les fâcheux, a été offert en 2007 par Mouammar Kadhafi chef de l’État libyen, à Nicolas Sarkozy chef de l’État français. En retour on s’en souvient sans doute, le second a manifesté toute sa gratitude au premier avec un largage de bombes à domicile qui devait se terminer en lynchage fatal. Ce n’est pas ici, l’une des moindres surprises de l’exposition « Les canons de l’élégance », qui vient de débuter au musée de l’Armée. L’idée générale est de montrer que dans toute bataille, le style n’est pas qu’un accessoire, qu’il s’agisse du vêtement ou de l’arme que l’on porte à sa ceinture. « Plus on se croit beau, mieux on se bat », disait le général François du Barail (1820-1902), ce qui signifie qu’il vaut mieux éviter le vieux jogging orange à bandes blanches latérales avant de monter à l’assaut. Quitte à faire la guerre en effet, mieux vaut un bel uniforme et tant pis si cela fait une bien meilleure cible face aux snipers du camp adverse.
On se promène sans déplaisir dans cette exposition parce qu’elle est instructive. Avec deux cents pièces d’uniforme, d’armement ou d’équipement du XVIe siècle à nos jours, on comprend mieux la nécessité d’un certain apparat, d’un certain prestige, allant de pair avec le monde militaire. On n’y voit pas que des uniformes français d’ailleurs et chacun peut ainsi comparer le « goût » des différentes armées européennes comme cet habit assez strict mais recherché du 3e bataillon finnois de tirailleurs ayant appartenu à Alexandre II. Armes de luxe finement ouvragées, épaulettes flottantes, vestes à brandebourgs, plumet rouge crânement fixé sur le képi, tous ces objets hautement codifiés selon les échelons hiérarchiques, servaient à afficher la puissance d’un royaume ou d’un État et aussi à récompenser les comportements sous le feu de l’ennemi. « Napoléon », nous rappelle-t-on, disait que l’on devenait « l’homme de son uniforme ». Le futur empereur avait le sens de la panoplie, un peu trop poussé d’ailleurs, si l’on a en mémoire les images de son sacre.
Sauf lorsqu’elle défile le 14 juillet, l’armée tend de nos jours à habiller soldats et officiers avec plus de rigueur et de modestie. Les fripes militaires, davantage pratiques, ont fait les beaux jours de la jeunesse émancipée à la fin des années soixante. Treillis, cantines et besaces ont participé à une certaine contre-culture quelque peu délavée depuis.
Les grands couturiers ont de leur côté su s’en approprier les codes et de fait, l’une des pièces les plus inattendues de cette exposition, est la présentation d’une chatoyante robe (ci-contre) du toujours génial Jean-Paul Gaultier. On frémit à l’idée baroque qui consisterait envoyer un commando de mannequins squelettiques à l’assaut d’un fortin ennemi, mais on éprouve plus sérieusement une crainte rétrospective à ces « tambours » qui tombaient en premier sous la mitraille de l’adversaire. Cependant, lorsque l’on observe justement, un magnifique habit de tambour des Coldstream Guards, vers 1890, impossible de ne pas être saisi par l’élégance du costume. Mourir en haillons serait sans doute une calamité venant accroître une destinée tragique. Au combat, il vaut mieux également éviter la tenue de tous les jours comme le costume cravate ou le tailleur-pantalon. Cela est réservé aux guerres civiles, incontestablement les plus moches et qui n’ont précisément rien à faire au musée de l’Armée.
PHB
Cher Philippe, vous avez la forme ce matin !
Je vous mets la note maximale, celle que j’aurais mise à « Généraux à vendre » de Francis Blanche !
Je ne connaissais pas la phrase de la vieille baderne de Du Barail, un Versaillais qui n’a pas été très élégant avec le peuple parisien… Elle est magnifique. Encore merci pour votre curiosité.
Hier, je devais allé à une soirée à la Monnaie de Paris où sont exposées des oeuvres de Kiki Smith. Je crois qu’elles vous inspireront un aussi bel article
Dans la même démarche, il convient de faire le voyage au musée du Fort de La Pompelle à Reims. La superbe collection de casques teutons devrait ravir les esthètes