Guignol persiste et signe

Le mercredi 11 avril 1917, Guillaume Apollinaire écrit à son ami Pablo Picasso qu’il est allé la veille au Guignol des Buttes-Chaumont. Implanté là depuis 1892, le lieu est à ce moment dirigé par un certain Cony dont le patronyme, descendance aidant, personnifiera le lieu jusqu’en 2008 . Notamment un Gaston Cony à qui Apollinaire a d’ailleurs adressé  un texte évoquant le Guignol des Buttes-Chaumont. L’attrait du poète pour ce genre particulier ne s’est jamais démenti depuis qu’il en a découvert les charmes à Lyon (puis en Wallonie) en compagnie de sa mère et de son frère. La baraque de ce haut lieu du 19e arrondissement parisien étant toujours là, il convenait d’aller y effectuer un petit pèlerinage. On y donnait les « Les trois petits cochons », une sorte de drame immobilier diminué des angoisses du crédit à taux variable.

Y aller oui, à cette petite réserve près qu’il faut être accompagné d’au moins un enfant pour assister au spectacle. Sauf si l’on précise les motifs légitimes du déplacement ce qui était bien le cas. Les premiers rangs sont fort justement réservés aux petits. À peine entrés ils  sont d’autant plus excités qu’ils ont (enfin) la permission officielle de hurler leur enthousiasme débridé dès l’entrée. Le show n’est pas tellement long mais il est tout de même entrecoupé d’un entracte avec chariot à confiseries.

L’époque n’a achevé ni Guignol, ni les trois petits cochons. Dans le texte, la seule concession faite à la modernité est cet échange entre les deux cochons les moins raisonnables lesquels évoquent « un tuto sur Youtube » afin de construire leur maison, qui en paille, qui en bois. Les très jeunes spectateurs connaissent en tout cas leur partition par cœur, ils font partie du jeu et interagissent à merveille avec les marionnettes. Grâce à son ancienneté, c’est Guignol qui mène la partie. Et la toujours célèbre marionnette ne manque pas une occasion d’interroger les enfants, lesquels vocifèrent leur réponse comme si leur goûter en dépendait. Leur jubilation à renseigner Guignol sur la position cachée de tel ou tel personnage fait plaisir à voir. Et la nôtre est double puisque le spectacle est donc aussi bien sur scène que dans la salle.

Même attendue, l’apparition du loup constitue un point d’orgue. Ses grandes dents font tellement sensation que sauf erreur d’interprétation toujours possible, il y a eu, ce mercredi 9 octobre, deux exfiltrations par la sortie de secours. Pourtant la représentation, en bonhomie, nous épargne toute violence. Et l’on peut se douter (avec l’âge surtout) que la fin ne sera pas tragique. Mais on a presque eu chaud.

S’ajoute au plaisir global un cadre assez chaleureux avec un rideau rouge encadré par deux lustres et des fauteuils confortables. Les décors sont bien faits avec même une petite touche de surréalisme, par exemple quand un groupe de champignons (ci-contre) nous offre une chorégraphie enchanteresse. Que n’aurait pas déniée Apollinaire lequel avait donc créé un texte pour le compte de Gaston Cony, dans le cadre patriotique et tragique de 14-18, où l’on jouait Guignol à la guerre, sur le front et jusqu’aux Buttes-Chaumont. PHB

 

Le Guignol de Paris aux Buttes-Chaumont

Pour en savoir davantage sur la relation entre Apollinaire, Guignol et le théâtre de marionnettes, voir la revue Que Vlo-Ve? des mois de juillet-septembre 1995

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3 réponses à Guignol persiste et signe

  1. Marie J dit :

    Réjouissant. Avec une photo de Philippe dans la salle de spectacle, ç’aurait été encore mieux !!!!

  2. Je peux certifier, par expérience, que les enfants du guignol du Jardin du Ranelagh hurlent tout autant que ceux des Buttes Chaumont!

  3. Tristan Felix dit :

    Les 400 coups!

    Tristan Félix, 4 ans presque et demi.

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