Peu après la mort de Mozart, en 1791, sa veuve reçoit la visite de Casanova. L’aventurier vénitien est si courbatu qu’il admet ne pas pouvoir se pencher suffisamment pour baiser les mains de Constanze. Il est venu avec sa chienne Finette très heureuse de faire la connaissance approfondie du chien (un fox) des Mozart. Si bien que quelque temps plus tard, Casanova apprendra à la jeune femme que Finette a mis bas et que l’on spécule déjà sur les chiots concernés vu leur filiation avec le musicien prodige. Cette amusante anecdote figure dans un livre intitulé « La redoutable veuve Mozart » à paraître le 5 septembre. Il a été écrit par Isabelle Duquesnoy, spécialiste du sujet au point qu’au début de son ouvrage, figure un compliment de Geneviève Geffray, ex-conservateur en chef de la Fondation internationale Mozarteum de Salzbourg. Un certification inédite qui découle de la « profonde culture » de l’auteur est-il écrit.
Il s’agit-là d’un ouvrage romancé qui prête la parole à Constanze Mozart, laquelle s’adresse en permanence à son fils Carl, l’un de ses deux enfants survivants sur les six qu’elle a mis au monde. Elle est restée veuve 51 ans, utilisant toute son énergie à entretenir la gloire de son turbulent autant que génial époux, mais surtout à se sortir de la misère dans laquelle ils vivaient. Le cadavre lourdement endetté de Mozart est encore tiède que l’on veut de surcroît lui retirer son fils de 7 ans. La raison en est que les mœurs de l’époque visaient à éviter qu’une éducation exclusivement féminine pût transformer un jeune garçon en homosexuel. Terrible aberration contre laquelle elle se battra avec succès. Les temps étaient ainsi faits d’ailleurs que lorsqu’un diplomate danois insistera pour l’épouser, il lui jurera qu’il ne l’importunera jamais avec la « bagatelle« . Cette promesse avait une cause: il était gay, entiché de Mozart. Épouser Constanze et l’aider dans ces conditions était une façon pour lui de se rapprocher au plus près de sa passion pour Wolfgang.
Très bien écrit, ce roman qui se lit d’un trait, émeut autant qu’il enseigne, du moins pour ceux qui ne possèdent pas parfaitement le sujet. Du détail à l’essentiel, de l’anecdote au dramatique, le livre nous permet à la fois de revisiter Mozart et de découvrir le caractère exceptionnel de cette femme qui dormit longtemps avec le masque mortuaire de son époux glissé sous les draps. Elle ira jusqu’à gratter la terre d’une fosse pour les pauvres dans le but de récupérer les restes de son mari défunt. On apprend aussi quel personnage finira l’écriture du fameux Requiem. Süβmayer était un élève de Mozart lequel l’appelait sans plus de façons « Trou du cul ». D’autre part, le Requiem avait été commandé de façon anonyme par le comte Walseeg réputé pour acheter « de belles musiques » à de « bons compositeurs » afin de faire croire à ses invités que les musiques de ses concerts privés étaient de lui. Du moins est-ce ce que l’on retient des dialogues créés par Isabelle Duquesnoy.
L’auteur nous fait généreusement partager sa culture, nous entraînant dans les pas de Beethoven, ce « casseur de piano » (selon Constanze). Elle nous dit que si Schubert avait suivi l’enterrement de Beethoven, c’est qu’il était secrètement ravi de la place ainsi libérée. Elle nous révèle également comment un jour Constanze a fait revenir Mozart par le plafond d’un château, au cours d’une séance de spiritisme organisée par sa grande et riche amie Martha.
Elle l’appelait affectueusement Wolfi et lui Stanzi. Constanze s’est, à sa façon, employée à faire durer son couple et à lui redonner la dignité, la reconnaissance et l’aisance qu’ils n’avaient jamais eues quand ils étaient ensemble. Mieux, elle a inventé nous dit-on le système de la propriété intellectuelle et créa un festival dédié au grand musicien. Mais à la base il y eut d’abord l’accablement d’une mort précoce. Ils avaient été mariés durant presque dix ans. Au registre du livre d’or, peu après le décès, elle écrivit: « Oh, que puis-je être unie à toi pour toujours. Ton épouse éperdue de douleur, Constanze Mozart née Weber, Vienne 5 décembre 1791« .
Et puis il y a cette anecdote plaisante autant que touchante sur la mort de Haydn. Constanze était là tandis qu’autour veillait la garde napoléonienne. Elle l’appelait « Papa Haydn ». Il vivait avec un perroquet qui sursautait à chaque coup de canon. Toujours est-il qu’en ce dernier jour, celui qui avait une grande affection pour Mozart, se plaignit de fortes douleurs à la tête. Haydn réclama sa perruque, sa canne et son tricorne ce qui fit croire à Constanze qu’il allait mieux. Mais il tourna son visage vers elle pour lui dire: « Hélas mon fiacre est là, révérence…« . Magnifiques mots de la fin. Isabelle Duquesnoy nous détaille que deux jours après le décès de Joseph Haydn, c’est l’armée française qui organisa une première fois les obsèques le 2 juin 1809. On y joua le célèbre Requiem de son mari, celui-là même qu’avait achevé « Trou du cul ». Au fond tout se tenait.
PHB
« La redoutable veuve Mozart » Isabelle Duquesnoy
Éditions de la Martinière dès le 5 septembre 20 euros
Savoureux!
J’ai lu et adoré ce livre.
L’auteure possède une écriture fluide, elle ne manque pas d’humour, ce qui est rare chez les historiens.
Un régal, merci de me l’avoir fait connaître !