C’est l’histoire d’un portrait de famille, celui de la famille Van Campen. C’est aussi l’histoire d’une extraordinaire enquête scientifique qui est à l’origine de l’exposition de la Fondation Custodia. Nous sommes aux Pays Bas à l’époque de Frans Hals (1582-83/ 1666), un des plus grands portraitistes du siècle d’or hollandais qui, avec Rembrandt, a révolutionné le genre. Gijsbert Claesz Van Campen (1585-1645) est un prospère marchand de draps de Harlem, riche également par son importante progéniture. Celui ci avait commandé un portrait de sa famille à une époque où les portraitistes étaient encore considérés comme des artisans, payés à la figure. La famille était nombreuse, Van Campen avait les moyens.
Des siècles plus tard, en 2016, à Bruxelles, la restauration du tableau de Franz Hals auparavant intitulé « Trois enfants dans une charrette tirée par un bouc » conservé au musée Royal des Beaux Arts laisse apparaitre des « surpeints » le long des bords verticaux de la toile, réalisés au XIXe. Ceux ci avaient dissimulé les fragments d’une jeune fille et divers vêtements. L’élimination de ces repeints a permis de confirmer que ce tableau était une part d’une composition plus vaste et d’établir un lien précis avec deux autres éléments de la toile d’origine « La famille Van Campen dans un paysage » conservé au Toledo Museum of Arts (Ohio États Unis) et un « Portrait de jeune garçon » (collection privée).
Tout concorde y compris la composition du tableau avec la position centrale de l’église au fond, les sens des regards et les attitudes corporelles des personnages.
Ce faisant, cette découverte a permis a permis à la fois l’identification de la famille représentée et l’attribution de l’ensemble à Frans Hals, deux éléments qui s’étaient perdus avec le temps et le découpage du tableau original. Jusque très récemment, le tableau de Tolède était connu comme celui d’une autre famille et attribué à l’artiste Jan Van Braij. La cause de cette erreur : le nom de De Bray se trouve sur la semelle de la chaussure droite de l’enfant assise au premier plan, à l’extrême gauche. Cette inscription est en fait la signature du peintre Salomon de Bray, qui n’a ajouté au groupe que ce seul bébé et ce, en 1928, comme indiqué. Il s’agit donc d’un enfant qui n’était pas né quand Frans Hals termina sa commande.
Pour la première fois depuis 200 ans les 3 parties de cet unique tableau sont donc réunies et présentées ensemble. Nous sommes à la fois heureux que cette joyeuse et belle famille ait retrouvé son identité et son intégrité autant que surpris de nous retrouver au cœur d’une enquête digne d’une police scientifique avec ses imbroglios et rebondissements rocambolesques qui a permis d’aboutir à cette heureuse découverte et ce dénouement des plus plaisants. Il reste encore un dernier petit bout du tableau à trouver. Souhaitons que l’exposition de la Fondation Custodia pourrait aider à mettre la main sur la dernière pièce du puzzle.
Le tableau de la famille Van Campen et l’important travail de recherches et de reconstitution sont présentés dans le cadre de l’exposition « Frans Hals Portraits de famille » qui réunit les 3 autres portraits de famille connus de la main de Hans Hals.
Cette exposition est une occasion unique de découvrir cet artiste pratiquement absent des collections publiques françaises (en dehors du musée du Louvre) et dont le talent novateur fut admiré dès le XVIIème siècle. Elle est accompagnée d’une présentation de dessins préparatoires de portraits de familles d’artistes hollandais et flamands du XVIIe qui vient compléter le propos fort opportunément.
Cette première exposition est présentée -toujours à la Fondation Custodia- concomitamment avec « Enfants du siècle d’or » qui révèle l’intérêt des fondateurs Frits et Jacoba Lugt-Klever pour les portraits d’enfants (ci-contre), étant eux mêmes parents de deux fils et trois filles. Ce sujet d’exposition original peu traité et l’importance des œuvres collectionnées datant de plus de 300 ans, va à l’encontre des idées reçues selon lesquelles il aurait fallu attendre le XXe siècle pour porter sur l’enfance un regard attendri.
Marie-Pierre Sensey
« Frans Hals Portraits de famille »
« Enfants du siècle d’or » œuvres de la collection de la Fondation Custodia jusqu’au 25 août 2019
Ca donne envie d’en savoir plus sur l’enquête ! Merci beaucoup
Article très intéressant. Merci.