À Odense, sous les combles du First Hotel, un bâtiment du 19ème siècle de briques rouges et menuiseries extérieures blanches –la signature visuelle de la plupart des bâtiments de cette époque à Odense et dans une bonne partie du Danemark- on se prendrait bien pour «la princesse aux petits pois», celle qui a passé une nuit impossible perchée sur 20 épaisseurs de matelas à cause d’un petit pois malencontreusement coincé où il ne fallait pas, une réaction révélatrice de sa délicatesse et de sa sensibilité, des qualités jugées dignes d’une authentique princesse. A moins qu’on ne se reconnaisse plutôt dans « le vilain petit canard » celui qui, rejeté de tous, finit par se transformer en un cygne majestueux. Une fable sur l’intolérance, l’exclusion et aussi le « bien grandir » et l’apprentissage de la confiance en soi.
Odense (200 000 habitants) troisième ville du Danemark et capitale de la « Fionie » appelée aussi « le jardin du Danemark », bâtie sur l’emplacement d’une ancienne forteresse Viking, est aussi la ville natale de Hans Christian Andersen, l’auteur de ces contes à la portée universelle qui après 200 ans continuent d’enchanter petits et grands.
Celui qui a fait de sa propre vie un conte de fée est né le 2 avril 1805 dans une modeste demeure de la Hans Jensens Straede dans une pauvreté extrême. Dans le centre historique, sa maison natale et celle où il a passé son enfance, en témoignent. La famille s’entasse dans neuf mètres carrés, y compris l’atelier du père qui est cordonnier et va mourir prématurement. « La petite marchande d’allumettes » n’est rien d’autre que l’histoire d’une petite mendiante qui meurt de froid dans la rue. La vie est rude, mais H.C. Andersen développe très jeune une imagination vive et les objets de son environnement proche sont des prétextes à l’invention de petits scénarios qui subliment son quotidien. Les années à Odense seront celles de la découverte de sa vocation précoce et des premiers apprentissages. Car le jeune Andersen qui partage les jeux du prince héréditaire le futur Frédérik VII dans le parc du château d’Odense où sa mère est blanchisseuse, a décidé de défier le destin. Malgré ses origines modestes il va bénéficier d’une éducation de qualité et ses talents de conteur vont être remarqués et encouragés et lui ouvriront les portes des grandes familles et des cours d’Europe…et du succès.
Le musée H.C. Andersen nous rappelle l’importance de l’œuvre dont nous ne connaissons en France que quelques uns des 156 contes de fées recensés. Il a aussi écrit des poèmes, des pièces de théâtre, des romans, des autobiographies. Il réalisait par ailleurs des « papiers découpés » (c-contre) complètement inconnus chez nous dont le musée possède des originaux en grand nombre.
La ville a su conserver et réhabiliter les petites maisons du centre ville ancien repeintes de couleurs vives et qui sont accessibles uniquement en vélo ou à pied. À tel point qu’on finit par être surpris de trouver des voitures après des journées entières passées loin du bruit et de la pollution. Bien que la cohabitation avec les vélos qui sont nombreux et roulent vite ne soit pas toujours de tout repos pour le touriste français fraîchement débarqué de l’avion, mais au moins, il n’y a pas de trottinettes.
La promenade/jardin le long du fleuve rythmée par les sculptures des principaux personnages et animaux des contes de fées participe de l’enchantement. Le cachet et l’agrément de l’ensemble ont attiré les bars, les restaurants et les commerces qui vont avec. Car dès le printemps et les premiers rayons du soleil, tous profitent des jardins, des terrasses et des longues soirées en extérieur. Au delà du pèlerinage des passionnés dont le nombre est proportionnel à la renommée internationale d’H.C. Andersen, la ville s’inscrit naturellement dans un concept de tourisme vert et éco-responsable où il fait bon vivre. Les équipements ont su éviter l’écueil du « Disneyland » pour garder un caractère authentique. Des investissements importants sont en cours : le nouveau musée H.C. Andersen « Eventyrhuset» (la maison des contes de fées) dont le projet a été confié à l’architecte japonais Kenzo Kuma ouvrira en 2021. Parkings souterrains et tramway vont sans aucun doute développer encore l’attrait de la ville pour des visiteurs exigeants amateurs d’expériences « nature en ville».
À une heure d’avion depuis Paris ou deux heures de train depuis Copenhague, au cœur du Danemark, un des pays les plus avancés au monde en matière de transition énergétique, d’énergies renouvelables et développement durable, parions que la destination «Odense/Andersen» va devenir un incontournable du séjour en ville, voire un exemple à suivre pour les villes soucieuses de développer leur offre touristique. C’est aussi l’occasion de redécouvrir un auteur dont l’œuvre immense continue d’inspirer tous les jours de nombreux créateurs de par le monde.
Marie-Pierre Sensey
À voir
Le château d’Odense et son parc
La maison natale et maison d’enfance d’H.C. Andersen
Le musée temporaire H.C. Andersen
Le musée Montergarden
Nombreuses animations sur Andersen : les Contes sur le fleuve (1er juillet au 9 août) spectacle « 24 contes en 24 minutes » et parade du 29 juin au 10 août. Festival Andersen du 18 au 25 août riche de plus de 270 evènements, rencontres et animations.
Pass et application H.C. Andersen Odense et Hans Christian Andersen trail
Pour les amateurs de gastronomie Festival gastronomique EAT du 9 au 15 septembre prochain.
Le First hôtel construit dans les années 1881/83 présente un mélange de charme désuet et de modernisme.
Kenzo Kuma a réalisé en France la Cité des arts et de la culture de Besançon, le Fonds régional d’art contemporain de Marseille et le Conservatoire de musique et de danse d’Aix-en-Provence. Il a été choisi pour réaliser le stade des Jeux olympiques de Tokyo en 2020 et la station de métro Saint-Denis Pleyel du grand Paris prévue pour 2023.
Un dépaysement de bon matin des plus appréciables. Et une nouvelle idée d’escapade. Merci, Marie-Pierre.
Une anecdote en passant: à Odense la vie n’est pas toujours un conte de fée. C’est la seule fois, en 50 ans de voyage, où on a volé mon portefeuille – qui était dans mon sac à mains – dans ma chambre d’hôtel, pendant que je dormais !!! je n’avais pas mis la chaine de sécurité, et ma chambre était près de l’escalier de secours …. C’est aussi un souvenir – sourions -, c’était il y a 18 ans …