Increvables macchabées

Eh oui, c’est bien la petite Eva. Soit l’actrice Eszter Balint qui jouait une jeune immigrée hongroise dans « Stranger than paradise » en 1984. La voilà qui réapparaît dans le dernier opus de Jim Jarmusch, « The dead don’t die ». Ça fait du bien de retrouver la famille, de même qu’un Tom Waits presque méconnaissable en clochard des bois. En lice à Cannes, le film était déjà en salles mardi. Et à une séquence de soixante secondes près, c’est une réussite, mêlant le tragique au burlesque, l’humour et l’improbable. Une histoire de zombies, de morts-vivants, dont l’enterrement n’était finalement pas définitif. À 66 ans, l’homme aux cheveux blancs et lunettes noires, a osé écrire une histoire, une histoire folle, en toute liberté. L’affiche nous prévient que la dérision est au menu. C’était prévisible.

On résume au mieux. Soit un petit bled des États-Unis dont le commandant en chef de la police (Bill Murray), est le prototype du flic patelin. Cependant que l’axe de la Terre bouge d’un cran et que ça réveille d’un coup les morts. Ils ont des envies de viande fraîche, de café fort, de bonbons et de chardonnay. La première à se faire dévorer est justement Eszter Balint, la pauvre, alors qu’elle s’apprêtait à fermer son restaurant. Sa copine ne se laisse pas faire tout de suite et se défend avec son balai en conseillant au zombie qui l’attaque de se coincer le manche qu’elle agrippe quelque part. Mais il a le dessus. Et quand la police débarque, l’histoire a pris sa vitesse de croisière dans un flot d’hémoglobine. En fait le film divague, mais la mayonnaise (bon marché) prend.

Il y en a une que les morts réveillés par un astre détraqué n’impressionne pas, c’est la patronne de la morgue locale. Elle est interprétée par Tilda Swinton, cette convaincante comédienne déjà vue dans « Only lovers left alive », autre film de Jim Jarmusch sorti en 2013. Elle y campait une vampire. Quand elle vaque cette fois parmi les zombies, elle est à son affaire. Ceux qui ont l’imprudence de l’approcher se voit décapités céans par son sabre japonais. Sa bonne santé au milieu du cauchemar nous soulage de quelques inquiétudes diffuses. Mais alors qu’elle en raccourcit à la chaîne, le commandant de police et son adjoint sont en mauvaise position. Ils sont coincés dans leur véhicule de service entourés de vilains déterrés, affamés de sang frais. Leur tête patibulaire penche sur le côté. Leurs intentions ne disent rien de bon. Les macchabées sont increvables.

Intervient alors la seule bourde du film mais elle est de taille. Il y a eu des auteurs dans l’histoire du cinéma comme Godard, qui ont cru faire les malins avec un gros clin d’œil aux spectateurs tel Jean-Paul Belmondo dans « Pierrot le fou ». Jarmusch est tombé dans le même chausse-trappe, le même panneau, lorsque l’un des flics nous informe qu’il n’est pas étonné par la tournure des événements parce qu’il a lu le script de Jim (Jarmusch). C’est vraiment-là une séquence guano, comme un pet strident ruinant la perfection d’une nuit d’amour. C’est la gaffe, le coup de tête de Zidane en pleine coupe du monde, l’œil crevé au milieu du potage au cresson. Heureusement, pourrait-on dire, une soucoupe volante -mais si- débarque en pleine fête des morts afin d’enlever Tilda Swinton par aspiration. Ce coup de théâtre efface l’impair. Nous sommes bouche bée tandis que Bill Murray joue sa dernière bataille, car il est finalement submergé par des zombies malveillants qui à l’évidence, le confondent avec une barre chocolatée.

« The dead don’t die » est une fable hilarante emmenée par une pléiade d’acteurs tous aussi cocasses les uns que les autres: tel un Iggy Pop en revenant malcommode car ressuscité du pied gauche. On pourra regretter la gravité poétique qui sous-tend habituellement la plupart des films de Jarmusch. Mais cette dernière livraison (pas la dernière espérons-le) de l’auteur de « Ghost dog » ou encore « Dead man » (décidément), constitue une pause divertissante au tournant de sa longue filmographie. Oubliés les longs travellings de « Down by law » qu’accompagnait une bande-son des plus soignées. Avec « The dead don’t die », c’est plutôt à une balade en train-fantôme à laquelle nous sommes conviés.  L’air en est presque sucré d’effluves de barbe à papa. Le seul élément esthétique du film en revanche, n’est pas humain. Il s’agit d’une superbe Pontiac LeMans millésimée 1968 et conduite par de jeunes hipsters de Cleveland. Lesquels seront tous dévorés comme de vulgaires fish and chips qu’ils sont. Sauf erreur, personne ne survit dans ce film, à la terrible vengeance des zombies. Mais on a bien ri.

PHB

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2 réponses à Increvables macchabées

  1. anne chantal dit :

    humour décalé au 3ème degré, mais oui, on rit ! les clins d’oeil nous font avaler les images un peu « gore » de ces « faux » vampires morts vivants. C’est trop cauchemardesque pour y croire vraiment; rassurez-vous, le monde fonctionne encore à peu près…
    Je ne vois jamais de film dit fantastique; sont-ils réellement nécessaires ? laissons notre imagination à nous dessiner son propre chemin.

  2. Ping : Poésie omnibus | Les Soirées de Paris

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