Le panier de truffes tant attendu

De l’extérieur on dirait un caillou avec des reflets bleutés. Une fois la chose épluchée, l’aspect est celui d’une pomme. Mais c’est un champignon parasite que l’on ne trouve que dans les sables du désert, en Irak, en Syrie ou plus globalement sur le pourtour méditerranéen. C’est la truffe des sables, autrement appelée truffe du désert, presque introuvable en Europe.
Il a fallu être patient, très patient. Au bout de trois ans elle est arrivée en France après un long cheminement. De coups de fil en messages télégraphiques modernes, via une filière syrienne, une adresse a été donnée quelque part à Beyrouth. Les 6 truffes ont finalement pris l’avion, avant d’atterrir sur la piste d’une cuisine parisienne.

Kama, fagaa, kemeh, kimaya, terfez, terfess, elles n’ont pas toujours le même nom. À Beyrouth on dit plutôt kama ou kamaa. Contrairement à la truffe du Périgord ou la truffe blanche d’Alba (Italie), elle n’est pas chère mais tout aussi réputée. Le plus compliqué c’est de la trouver (en Europe). De surcroît, comme ses consœurs du nord, sa pousse est hasardeuse et dépend de plusieurs paramètres comme, paraît-il, la survenance  d’éclairs dans le ciel. Elles sont récoltées en février-mars et il faut qu’il ait plu à l’automne. C’est le ciel qui décide de la croissance différée des spores. Selon les régions les prix s’étagent entre moins de dix dollars jusqu’à cinquante.

Et elles sont bonnes. Forcément, lorsque l’on a attendu aussi longtemps pour en goûter, il y a une part de subjectivité qui entre dans le jugement. Leur goût n’est pas aussi prononcé que les truffes européennes, mais il est peut-être plus subtil. Voici un moyen d’en aborder la préparation dont la base a été trouvée sur internet. D’abord saisir un oignon en rondelles dans un peu d’huile. Puis fariner très légèrement l’ensemble d’une cuillère à café bombée. Disposer les rondelles de kama sur le tapis d’oignons roussis. Laisser mijoter dix-quinze minutes à feu doux. Puis rajouter du sel, du poivre et un peu de crème liquide. C’est prêt. Et c’est un petit régal.

Si elles se trouvent si difficilement depuis Paris, c’est que peu de monde y pense, faute le plus souvent, d’en connaître l’existence. Il faut donc profiter d’un voyage au Moyen-Orient ou dans les pays d’Afrique du Nord pour tenter de s’en procurer. Ou bien passer commande auprès d’une relation qui s’y déplacera. Mais le jeu en vaut la chandelle. Notez qu’il en existe plusieurs espèces selon le pays d’origine et que les recettes d’accommodation sont multiples. Elle s’utilise davantage comme un légume. Une kama peut se manger entière et on peut certainement pousser jusqu’à en avaler deux voire trois, tellement elle est savoureuse (et digeste), suave sans être doucereuse. Il y a même un ouvrage qui a été rédigé en 2016 sur le sujet par Lahsen Khabar (1)  et que l’on trouve facilement sur internet. Il n’est consacré qu’aux dizaines d’espèces de terfess répertoriées au Maroc et autres champignons parasites du désert.

L’humain aime les truffes. Il est probable que l’on en découvrira d’autres sous des sables différents. Ce serait même drôle que les petits robots que nous envoyons à intervalles réguliers sur Mars ou sur la Lune finissent par en dénicher. Car les truffes ou éléments apparentés n’émergent pas dans le banal. Et si cela se trouve, en poussant les choses très loin, l’univers est constellé de truffes à rallumer d’urgence, comme le disait un célèbre poète en invoquant les étoiles.

 

PHB

(1) « Les Terfess Et Les Truffes Du Maroc » (2016) Lahsen Khabar

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3 réponses à Le panier de truffes tant attendu

  1. Marie J dit :

    Mais pourquoi n’en avoir commandé que six ???? Au prix de la patience, il eut mieux valu en commander un baril !!!!

  2. Question cruciale: le goût est-il comparable à celui de nos truffes à nous bien hexagonales?

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