Avec ses jardinets pimpants, ses grandes maisons de briques rouges et ses rues pavées, le quartier de Hampstead a toujours l’allure du village qu’il était au XIXe siècle avant d’être annexé à Londres. Là, au numéro 20 de la rue Maresfield, on pousse la porte d’une belle maison bourgeoise que rien ne distingue des autres pour pénétrer dans l’univers du père de la psychanalyse.
Tapi contre le mur dans une pièce sombre du rez-de-chaussée, c’est incontestablement lui qui est sous les feux de la rampe. Les visiteurs le photographient sous tous les angles avec leur portable et, ne serait-ce le cordon discret qui fait office de jubé, la plupart d’entre eux s’y allongeraient pour se prendre en selfie. Qui ne rêverait de s’allonger sur le mythique divan de Freud ! Recouvert de tapis persans et coussins orientaux, il recèle les secrets les plus intimes livrés par les patients du psychanalyste.
Le bureau-cabinet de consultation, dans lequel se trouve le divan, ainsi que la bibliothèque attenante ont été conservés après la mort de Sigmund par sa fille Anna. Le cabinet ressemble davantage à un cabinet de curiosités qu’à celui d’un médecin ! Sigmund Freud avait une passion pour les objets antiques qu’il collectionnait. Cette passion était presque aussi intense que celle qu’il cultivait pour les cigares, avouait-il. C’était un collectionneur éclectique qui vivait entouré de près de 300 statuettes, masques et objets antiques égyptiens, grecs, romains, sud-américains, indiens… Ils sont toujours en place. Sur les murs figurent des photos de sa femme Martha, de Lou Andreas-Salomé, Marie Bonaparte ou Yvette Guilbert, devenues des amies ainsi qu’une illustration représentant « La leçon du Docteur Charcot ». Arrivé à Paris en 1885, Freud avait passé plusieurs mois dans le service du professeur Charcot. Charcot était lui aussi un collectionneur éclectique et peut-être la passion de Freud était-elle née en découvrant les antiquités du cabinet de Charcot.
La bibliothèque de Freud contient tous les livres qu’il avait fait venir de sa maison de Vienne soit 1600 ouvrages. Grand lecteur, il dévorait les livres de psychologie, biologie, médecine mais aussi archéologie et littérature. Sur les rayons, Goethe, Shakespeare, Flaubert, Heine, Anatole France tiennent une place d’importance. C’est dans cette pièce que Freud est mort le 23 septembre 1939, âgé de 83 ans.
Alors que Freud a vécu 47 ans dans sa maison de Bergstrasse à Vienne, d’où proviennent le mobilier et les objets de la maison de Londres (ci-contre), il n’a passé qu’une année dans cette dernière. Freud est arrivé à Londres en tant que réfugié fuyant le nazisme. Bien que ses ouvrages sur la psychanalyse aient été brulés par les nazis en 1933 et les membres juifs de la société psychanalytique viennoise aient tous émigré, Freud refusait de partir minimisant le danger. L’annexion de l’Autriche en 1938 et le harcèlement subi par sa famille de la part des nazis ont finalement poussé Freud à s’exiler. Grâce à l’aide apportée par son amie Marie Bonaparte, Freud a pu trouver refuge à Londres et y faire venir ses affaires. Marie Bonaparte, qui souhaitait être analysée par Freud, a 45 ans quand elle le rencontre en 1925. Son analyse qui durera sept ans sera le début d’une grande amitié.
Freud est arrivé à Londres le 6 juin 1938 accompagné de sa femme, sa belle-sœur, sa fille Anna et leur gouvernante. Il avait 82 ans et était très amoindri par son cancer du palais déclaré 16 ans plus tôt. La famille a intégré la maison de Hampstead en septembre 1938. À la mort de Freud, sa fille Anna, la plus jeune de ses six enfants, a continué à occuper la maison. Analysée par son père, elle est la seule de la famille à avoir repris le flambeau familial en devenant psychanalyste et s’est spécialisée en thérapies de l’enfant. Une pièce lui est consacrée au premier étage de la maison d’Hampstead. On y apprend qu’elle aimait beaucoup le tissage et le tricot et qu’elle tricotait pendant les séances d’analyse de ses patients ! Anna, qui a vécu dans cette maison jusqu’à sa mort en 1982, a souhaité qu’elle devienne un musée. C’est ainsi que le musée Freud a ouvert ses portes au 20 Maresfield Gardens à Hampstead en 1986.
Lottie Brickert
Musée Freud, 20 Maresfield Garden, Hampstead, London Ouvert du mercredi au dimanche de 12:00 à 17:00 Entrée 9 livres (7 livres tarif réduit).
Le tricot développe-t-il les facultés de psychanalyse… ou les personnes dotées de facultés de psy tricotent-elles ? La question se pose après cette visite ; Lottie, peut-être y as-tu trouvé un début de réponse?
Merci pour cet intéressant compte-rendu.
J’aimerais beaucoup pouvoir apporter une réponse à cette question essentielle mais jusqu’à présent, je me suis contentée de tricoter en lisant ce qui effectivement favorise ma concentration sur les mots. De là à dire qu’il en est de même pour l’analyse…