Léonard de Vinci toujours sur la brèche

Lorsque le 2 mai 1519 Léonard de Vinci reçoit l’extrême onction, il ne pouvait se douter malgré ses capacités d’anticipation, que son nom figurerait cinq siècles plus tard au cœur d’un imbroglio diplomatique majeur entre la France, l’Italie et l’Arabie Saoudite. Dernier épisode en date on a appris que le 2 mai prochain le président français recevrait son homologue italien au château du Clos Lucé à Amboise, là où l’auteur de la Cène (autoportrait ci-contre) expira dans un singulier raffinement. Et comment pouvait-il alors imaginer que l’anniversaire de sa mort allait autant remplir les colonnes des journaux.

Tout d’abord parce que le 15 janvier 2017 un tableau intitulé « Salvator Mundi » a été adjugé quelque 400 millions de dollars soit 40.000 fois le précédent tarif en 2005. Mais il se trouve que dans l’intervalle des spécialistes s’étaient accordés sur le nom de l’auteur, Léonard de Vinci. Ce qui changeait tout dans la mesure où la production du maître en peintures reste à ce jour très limitée (une vingtaine). Or l’heureux acheteur officiait en l’occurrence pour le prince Mohammed ben Salmane, prince héritier du royaume saoudien. À partir de ce moment-là tout se complique. L’équation diplomatique est à multiples inconnues. D’abord parce que le Louvre Abou Dhabi voulait l’exposer sur ses cimaises au mois de septembre dernier et celui de Paris pour sa rétrospective au mois d’octobre 2019. Mais tout s’est grippé. La réputation du prince ben Salmane, que l’on soupçonne fortement d’être à l’origine du décès d’un journaliste (Jamal Khashoggi) au consulat d’Arabie Saoudite d’Istanbul l’année dernière, peut difficilement être associée au prestige et aux valeurs d’une institution française.

Ensuite, le contexte tendu des relations diplomatiques entre la France et L’Italie (avec un spectaculaire rappel d’ambassadeur en début d’année) sur fond de populisme de part et d’autre des Alpes, de crise migratoire et d’invectives prononcées à voix haute à l’encontre d’Emmanuel Macron par des membres du gouvernement italien: ces éléments sont venus envenimer à l’avance la commémoration du maître toscan né le 15 avril 1452.  Il faut enfin ajouter que les Italiens sont depuis peu bien moins enclins à prêter des œuvres pour la rétrospective à venir  du Louvre et qu’ils verraient bien en outre la Joconde retourner dans son pays d’origine. Sauf que la célèbre peinture réalisée sur bois de peuplier a été acquise par François 1er et que d’autre part son état lui interdit de voyager. Pour simplifier ou parachever l’ensemble, il est apparu au début du mois de mars que la première a une sœur jumelle dans une présentation topless. Il s’agirait d’une œuvre préparatoire à la plus célèbre, possiblement co-réalisée par Léonard.  Le musée de Condé à Chantilly où elle est abritée, a prévu d’organiser une conférence de presse afin de livrer les dernières analyses visant à clarifier son attribution demain, le 12 mars. Toujours d’actualité Léonard de Vinci? C’est une évidence.

Dans sa dernière livraison du mois de février, le magazine Courrier International a traduit un fort intéressant portrait de l’artiste italien publié dans Die Zeit, un texte expurgé de toutes les tensions qui gravitent actuellement autour de son nom. Écrivain, mathématicien, chanteur, architecte, ingénieur, anatomiste et artiste, Léonard de Vinci cumulait une quantité affolante de compétences et une caractéristique commune à toutes, celle de commencer mais de ne point finir. Il aurait notamment écrit pas moins de 120 livres mais jamais publiés. Die Zeit le décrit comme « un homme charmant et sociable », s’habillant « de capes roses » , et de « bottes rouges » préférant les hommes et le régime vegan. Un humain bien à part et qui « pensait en dehors des clous ».

Apollinaire fera de la prison presque en son nom (1) en 1911 et Les Soirées de Paris apparaîtront en conséquence l’année d’après. Marcel Duchamp osera coller une paire de moustaches à la Joconde. Tandis que Courrier International (ci-contre) choisira une paire de lunettes pour sa couverture. Léonard de Vinci n’a eu de cesse de s’inscrire dans l’actualité des siècles ayant succédé à sa disparition. Et tout démontre que ce n’est pas terminé.

PHB

(1) Quand la Joconde s’éclipse

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4 réponses à Léonard de Vinci toujours sur la brèche

  1. Pierre DERENNE dit :

    Il est vrai que concernant les amateurs d’Emmanuel, ils découvrent avec candeur que leur mentor ne fait l’unanimité nulle part en Europe et encore moins dans son propre pays. Il est usuel d’habiller se désamour de tous les vocables négatifs au possible. Que nos amis de la Gaule Cisalpine se consolent, ils ne sont pas encore traité d’antisémites. Qu’ils se méfient tout de même…

  2. Jean Rentmeester dit :

    Dans un reportage actuellement diffusé sur une chaine de télévision néerlandaise, Diederik en Da Vinci, le portret que vous montrez ne serait pas un autoportrait de Da Vinci mais fort probablement de son père, par Leonardo.
    Aussi l’oeuvre préparatoire, la Mona Vanna a été montrée par le conservateur du Musée Condé à Chantilly.

  3. philippe person dit :

    Cher Philippe et chers lecteurs des Soirées,
    en allant à la Bibliothèque Marguerite Audoux, 10 rue Portefoin (3e), j’ai trouvé un petit avis pour un spectacle Apollinaire qui aura lieu Vendredi 15 mars 2019 à la Bibliothèque Audoux à 19 heures.
    Il s’intitule « Un bel Obus », « adapté des poèmes écrits ou publiés dans les tranchées en 1914-1915 ». Il est joué par Cécile Bouillot et Sophie Bourel.
    C’est gratuit mais il est conseillé de réserver au 01 44 78 55 20
    Qu’on se le dise !

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