On entend les aboiements du chien « Robot », puis les voix des 4 adolescents Marcel Ravidat, Jacques Marsal (ci-contre), Georges Agniel et Simon Coencas. Notre guide s’est mis volontairement devant l’enceinte qui diffuse la bande son, pour mieux ménager ses effets. Nous sommes à Montignac en Dordogne en septembre 1940. Le chien, en pourchassant un lapin, a mis à jour une cavité. Quelques jours plus tard ils reviennent sur les lieux, les lieux de la découverte de la grotte de Lascaux.
Nous connaissons tous l’histoire de l’ouverture au public en 1948, 8 ans plus tard, puis la fermeture 15 ans après en 1963. Puis le premier « fac similé » en 1983.
Le nouvel équipement appelé « Lascaux 4 » inauguré en 2016 en présence de Simon Coencas -le dernier survivant du groupe ayant pénétré dans la grotte- va plus loin : à 1,5 km du site d’origine, sur 150 m de long, 70 m de profondeur et 8 m de haut, le bâtiment -conçu par le cabinet d’architectes norvégien Snohetta- est semi enterré et littéralement ancré sous la colline de Lascaux, ce qui permet de sanctuariser le site endommagé auparavant par la circulation automobile.
Il va plus loin aussi dans la reproduction : ce sont 100 % des peintures et gravures à échelle réelle, et dans leur moindres détails qui sont reproduits, une réalisation des artistes de l’Atelier des fac-similés du Périgord. Il va plus loin également dans les moyens techniques et la scénographie avec une vraie visite immersive à grand renfort de matériels multimédias et d’animations diverses : l’Atelier de Lascaux pour comprendre les techniques de l’époque, le Théâtre pour revenir sur les recherches effectuées, le Cinéma 3D pour tisser un lien entre les grottes à l’international, un Oculus pour revivre en 3D la découverte de la grotte originale, la Galerie de l’Imaginaire pour comprendre à quel point nos artistes contemporains ont été influencés par l’art pariétal.
C’est là même que, il y a 18 000 ans nos ancêtres en ligne directe, les « Sapiens » foulaient le sol de cette même colline et dessinaient les animaux qu’ils côtoyaient. Changement climatique oblige, le climat de l’époque est rude, la végétation est une savane froide, il n’y a pas les arbres que nous connaissons de nos jours. Les animaux aussi sont différents : la faune figurée sur les parois de Lascaux est celle que l’on retrouve dans la majorité des grottes ornées de l’époque : chevaux, aurochs, bisons, cerfs et bouquetins dominent largement suivis d’animaux plus rares et souvent dangereux, comme l’ours, le rhinocéros ou les grands félins.
Curieusement les espèces représentées ne correspondent pas aux espèces chassées et consommées : un seul renne gravé a été identifié alors qu’ils représentent la grande majorité des restes osseux mis au jour (plus de 88 %).
Des dessins d’animaux très nombreux, à profusion et qui se superposent, comme si la place manquait, des animaux dessinés avec talent et virtuosité. Des signes aussi, des ponctuations, des alignements de points dont on peut penser qu’ils ont une signification ou une valeur symbolique. La question que se pose le visiteur, une fois le premier émerveillement passé, est évidemment : Pourquoi ? Pourquoi tous ces animaux et pas une seule représentation humaine ?
Autant d’éléments qui laisseraient à penser que la grotte aurait été un lieu de rassemblement, un sanctuaire destiné à célébrer un culte autour de ces beaux animaux. Une des interprétations les plus couramment admise par les experts et qui reste une hypothèse. La grotte ornée nous livre après 18 000 ans son précieux témoignage mais garde son secret.
Marie-Pierre Sensey
Centre international de l’art pariétal Montignac-Lascaux, dit Lascaux 4, 24 290 MontignacLe café du Centre est géré par l’équipe de Pascal Lombard du restaurant des Glycines des Eyzies de Tayac. Une étape gastronomique à ne pas manquer (nous sommes dans le Périgord).
L’occasion aussi de s’interroger une nouvelle fois sur l’origine, les causes, les fonctions et la gratuité de l’art, ou, du moins, de la représentation ?