L’action se situe dans le château Biron en Dordogne, posé sur un « pech », une position stratégique aux confins des trois départements de la Dordogne, du Lot et du Lot-et-Garonne. C’est un ensemble architectural imposant, propriété de la famille Gontaut-Biron (le musée Rodin à Paris) du XIIe siècle à 1938, soit le temps de vingt-quatre générations sur une période de huit cents ans. Une histoire exceptionnelle qui pourrait expliquer cet enchevêtrement inouï d’architecture de tous styles qui cohabitent avec un certain bonheur.
Propriété du département du Périgord depuis 1978, le château, vidé de tous ses meubles et décors, est maintenant ouvert à l’art contemporain depuis deux ans. Cette année c’est au tour de Lydie Arickx.
Avant d’entrer dans le château Biron vous êtes priés de relire vos contes de Perrault. D’abord celui du Chat Botté dont le lien avec le château a interpellé l’artiste. En effet au début du XVIe Pons de Gontaut-Biron, Baron de Biron, avait fait fortune en Italie et s’était attiré les bonnes grâces de son roi. Pour cela il est supposé être l’inspirateur du conte de Charles Perrault. Mais c’est aussi et surtout l’histoire du Petit Poucet qui intéresse Lydie et lui donne l’occasion d’affronter ses peurs d’enfants : la peur du noir, de la forêt. Souvenez vous, les 7 enfants que leur propres parents perdent dans la forêt (pas de contraception et famine oblige) et l’ogre mangeur d’ enfants.
« Faire de ce château, de ses murailles, de sa puissance, de son mystère, la demeure de l’ogre s’imposa comme une évidence. C’est un peu comme si l’histoire était déjà écrite », explique Lydie Arickx.
Dans la cour basse du château nous avançons sur des plaques de métal découpées et posées au sol. Nous sommes dans les pas de l’ogre…sur les traces de l’ogresse. En levant la tête on aperçoit une énorme araignée accrochée près du mur du donjon. « Il n’y a pas que Louise Bourgeois qui aime les araignées », remarque l’artiste.
Plus loin près de la tour Saint Pierre, on retrouve le petit chaperon rouge et le loup et le Petit Poucet juché sur un pouce géant au milieu de la cour haute (image d’ouverture). Au premier étage du logis de Pons, Lydie règle ses comptes aux ogres de la peinture : Acimboldo, Rembrandt, Van Eyck, Le Greco… En guise de galerie des portraits de famille, la dynastie des ogres et ogresses étalent leur monstruosité sur les boiseries du petit salon. Puissance des monstres, force de la dévoration face à la fragilité des émotions.
Dans le pavillon Henri IV, autoportrait de l’artiste dans sa bulle, enfermée dans l’énormité de la création, dans un huis clos intérieur. Dans la salle des maréchaux a pris place « le ventre de la forêt » tout en enracinements sombres et lumière noire. Le clou de l’installation est dans la cuisine, « la cuisine de l’ogre » avec les dents de l’ogre -géantes bien sûr réalisées en céramique-, le couteau de l’ogre, le portrait géant de l’ogre, bouche grande ouverte. La monstruosité de l’ogre tient à sa taille et à sa cruauté sans limite mais tient aussi à la profusion, au débordement, au trop plein, au « beaucoup trop ». Plus de 600 œuvres sur 1500 m2 d’exposition, toiles immenses et sculptures monumentales dont la présentation est commentée par l’artiste de sa douce voix ponctuée de rires sonores.
« Dévorée par le thème, par l’envie, par le temps qui manque », Lydie Arickx, l’ogresse, a dévoré le château !
Marie-Pierre Sensey
« Tant qu’il y aura des ogres »
Jusqu’au 26 mai prochain
Château Biron
Le Bourg
24540 BIRON
L’attrape-rêves est splendide ! Les ogres rêvent donc ?
Soirées de Paris?
Chère Madame, si je ne me trompe pas sur le sens de votre question, déjà entre 1912 et 1914 Les Soirées de Paris évoquaient l’actualité bien au-delà de la Seine comme un vernissage à New York. Nous allons en en province comme c’est le cas ici ou en Ukraine ou encore en Asie: nous élargissons à l’occasion et sans permission la zone Shengen à la totalité du globe et jusqu’aux astres les plus lointains:) . Bien sûr Paris reste le centre éditorial mais c’est toujours agréable d’aller voir ailleurs. Si vous prenez un journal comme feu Le Matin de Paris, vous y trouviez de l’actualité internationale. C’est le cas aussi du Parisien. Le mot « Paris » n’oblige en rien. Merci de votre fidélité. PHB
Merci Philippe de cette mise au point documentée et argumentée.
J’en profite pour préciser que Lydie travaille en famille avec son mari Alex Bianchi et son fils César. « L’attrape rêves » (photo) est de César. Rendons à César …