Au détour d’une tribune publiée dans les pages Débats par Christiane Taubira dans « Le Monde » daté du 8 février, je suis tombée sur une curieuse phrase.
J’avais eu l’œil attiré par le titre du texte proposé par l’ancienne ministre de la Justice et députée de la Guyane : « Au Venezuela, respecter le droit », d’autant plus que je n’ai toujours pas compris pour quelle raison exactement mister Trump s’est immiscé aussi vigoureusement dans la crise vénézuélienne. Dès que Trump se manifeste, j’ai tendance à me dire « Attention danger ! », cela dit il est vrai que dans le passé, la CIA s’était fait une spécialité de renverser les régimes en douce dans ces contrées. Au moins, là, tout se trame au grand jour, et chacun sait que le président US soutient depuis le premier jour l’autoproclamé président du Venezuela Juan Guaido contre le tenant en titre Nicolas Maduro.
Je savais également, comme tout le monde, que depuis, d’autres chefs d’état ont suivi l’exemple trumpien, dont le président Macron, et que les foules soutenant l’autoproclamé ne cessent d’envahir les rues de Caracas, mais que Maduro s’accroche, malgré son lamentable bilan ayant mis le pays à genoux, parce qu’il est soutenu notamment par l’armée.
Dans sa tribune, Christiane Taubira commence par évoquer « Les Amériques plurielles » dans toute leur étendue, « de la Tierra de Los Mapuches à l’Alaska », et rappelle la colonisation de tant de ces territoires ainsi que « la doctrine de Monroe » qui dit-elle, « fait unilatéralement de toutes les Amériques l’arrière-cour des États-Unis ». Elle ajoute : « Ces derniers, fédération d’anciennes colonies anglaises épaulées par la France dans leur lutte pour l’indépendance, ont su, avec un génie lyrique tout particulier, faire de la conquête de l’Ouest une épopée clinquante et musicale incarnée par John Wayne, Gary Cooper et subsidiairement Jennifer Jones ». Ciel ! Jennifer Jones ! Que venait-elle faire ici ?
Si on peut tout à fait considérer que le cinéma hollywoodien a su mythifier la conquête de l’Ouest pendant des décennies, et que John Wayne et Gary Cooper se sont particulièrement illustrés à l’appui de ce fantasme, même s’ils ne sont pas les seuls, pourquoi s’en prendre à Jennifer Jones ?
Je dois dire qu’elle est pour moi l’une des plus exquises actrices américaines, et si son nom n’est pas aussi connu que ses fameuses consœurs, elle figure dans mon panthéon hollywoodien en toute première position pour avoir tourné ces deux films que sont « La folle ingénue » de Ernst Lubitsch et « Duel au soleil » de King Vidor. On ne peut pas imaginer deux films plus différents, ce qui illustre l’étonnante versatilité de cette actrice aux rôles incroyablement divers, qui a pu affecter sa notoriété en désarçonnant le public. Cela dit, au début de sa carrière, dans les années 40 et 50, elle avait l’obtenu l’oscar de la meilleure actrice pour « Le Chant de Bernadette », tourné par Henry King en 1943 comme une version romancée de la vie de Bernadette Soubirous. Puis entre 1944 et 1956, elle fut quatre fois nominée comme meilleure actrice.
En particulier pour « La folle ingénue » (« Cluny Brown »), dans lequel le seul et unique Ernst Lubitsch (l’inventeur de la « Lubitsch touch » ou subtile ellipse ou répétition), lui a donné un des rôles les plus insolites qu’on puisse imaginer: celui d’une jeune fille d’une exquise beauté passionnée de plomberie (sic). Le seul et unique Lubitsch étant mort prématurément pendant son tournage suivant, on n’est pas prêt de revoir au cinéma une aussi exquise plombière, une jeune fille qui ne rêve que de se retrousser les manches et de réparer tuyaux et robinets bouchés ! Passion qui n’est pas toujours comprise par les bourgeois ou les nobles anglais qui l’emploient, mais qui lui vaudra de rencontrer le grand amour incarné par Charles Boyer, conquis par la plus délicieusement sexy des soubrettes anglaises.
Christiane Taubira ne pouvait pas songer à « La folle ingénue », pas plus qu’à cet autre chef d’œuvre diffusé la même année, « Duel au soleil », tourné par King Vidor, un des grands pionniers du cinéma américain. La folle ingénue se transforme en incandescente métisse convoitée par deux frères rangers, le bon Joseph Cotten et le méchant Gregory Peck. Le film se termine par une scène d’anthologie, un duel au soleil où les deux amants meurent dans les bras l’un de l’autre. Un sommet du western américain, grâce à la sensualité dévastatrice de Jennifer Jones.
Toujours conseillée par son mari, le plus célèbre producteur hollywoodien David O. Selznick, Jennifer Jones (1919-2009) interprétera ensuite, sous la direction de William Dieterle, autre grand pionnier, un film délicatement fantastique « Portrait de Jennie », puis se transformera en « Madame Bovary » d’une troublante beauté sous la direction de Vincente Minnelli, retrouvant en 1953 un rôle de folle ingénue dans « Plus fort que le diable », où John Huston s’essaie de façon (très) inattendue à la comédie.
Vient ensuite « La colline de l’adieu » (1955), adaptation grandiloquente du roman grandiloquent de Han Suyin situé en pleine guerre civile chinoise en 1949, dans lequel Jennifer se retrouve en doctoresse eurasienne tombant amoureuse d’un correspondant de guerre américain. Le sarong moule superbement son impeccablement fine silhouette, et William Holden est plus séduisant que jamais.
Deux ans plus tard, la voilà en infirmière anglaise s’éprenant d’un lieutenant US sur le front de guerre italien lors de la première guerre mondiale, dans l’adaptation du roman d’Hemingway « L’adieu aux armes ».
Tels sont les principaux films de cette infiniment délicieuse actrice, et je continue à me demander pourquoi Christiane Taubira la voit en incarnation de la glorieuse Conquête de l’Ouest mensongèrement propagée par la propagande hollywoodienne. Même subsidiairement.
Lise Bloch-Morhange
Il faudra que vous réfléchissiez encore un peu plus pour trouver la solution, chère Lise…
Je mettrai bien un billet qu’il y a là encore quelque chose qui nous ramène aux sales temps de l’anticommunisme…
Madame Taubira est américaine, elle, d’un pays voisin du Vénézuéla. Elle sait ce que tout ce beau continent subit de son grand voisin capitaliste du Nord.
Mais c’est compliqué à expliquer à des esprits qui en une phrase savent faire la différence entre le bon « président » pro-occidental et le méchant qui préfère les indiens.
Parlez musique, Lise… ça vaut mieux !
Que de fiel, cher monsieur Person dans votre message elliptique. Au moins Lise Bloch-Morhange a le courage de développer son argument, de le rendre compréhensible.
Etes vous un porte parole de monsieur Trump ou de monsieur Macron pour parler comme un énarque?
Si c’est le cas, respect! Mission accomplie.