Il aimait tellement les rousses que c’était devenu sa signature, un signe de reconnaissance. La première rousse de Jean-Jacques Henner apparaît en 1872 à travers une toile intitulée « Idylle ». Pour cette inclination il changeait au besoin la couleur des cheveux de ses modèles. Et il avait même décidé que le Christ avait une chevelure rousse profitant à ce propos d’une absence d’indication historique. Le musée national Jean-Jacques Henner (1829-1905) fait de cette couleur particulière le thème de sa nouvelle exposition qui vient de débuter et qui s’achèvera le 20 mai. La scénographie mélange des œuvres de la collection permanente de cet établissement situé avenue de Villiers avec des réalisations d’autres auteurs.
Soyons clair. Hormis la représentation du Christ, nous n’avons ici affaire qu’à des rousses. Le titre masculin de l’exposition « Roux! » pourrait donc en faire accroire. Ce n’est presque pas une exposition d’ailleurs mais davantage un festival de représentations féminines où le roux chatoie comme autant de fanaux dans une baie brumeuse. Un festival qui réchauffe, ouvre l’appétit et crée la diversion.
Dans ce musée tout en hauteur où l’on grimpe les étages comme dans une maison familiale, la scénographie a été répartie en cinq étapes. Le ton est est donné d’emblée avec cette liseuse nue (1883, détail ci-dessus) qui personnalise bien la douce dimension érotique qui fait l’autre marque de Jean-Jacques Henner. On y voit aussi la comtesse Kessler qui posa pour lui avec un regard dont la gravité laisse pourtant percer le secret d’un charme infernal. On nous explique aussi comment cette couleur a pu inspirer poètes et littérateurs ainsi ces quelques vers de Baudelaire dans « Les fleurs du mal » qui disaient « Blanche fille aux cheveux roux/Dont la robe par ses trous/Laisse voir la pauvreté/Et la beauté/Pour moi, poète chétif/Ton jeune corps maladif/Plein de taches de rousseurs/ A sa douceur/ ».
Quant au vingtième siècle il y a eu Sonia Rykiel ici mise en avant et qui affichait la fierté de sa singulière crinière. Elle affirmait que son rouge à elle était « flamboyant, un rouge rubis, un rouge hurlant ». Elle admettait en avoir fait une différence à son avantage et plus encore qu’elle s’en était servie comme d’un « pouvoir ». L’exposition nous montre à ce propos un bel hommage qui lui a été rendu un jour par le créateur Jean-Paul Gaultier avec sa liberté si réjouissante.
On ne connaît pas les raisons de la dilection du peintre Henner pour les rousses car celui-ci n’avait pas coutume de verser dans le commentaire bavard de ses réalisations. Grâce lui soit rendue de nous transmettre cette part de mystère que nous faisons immédiatement nôtre. Plus loin dans le parcours une petite pièce est dévolue à la publicité autour de la matière rousse. Mais sauf erreur elle fait l’impasse sur cette réclame de 1986 où une femme -rousse- semait dans un bar la panique entre les blondes et les brunes avant d’asséner: « Je suis rousse et alors…. », faisant ainsi l’éloge de la bière rousse Killian (1). Les publicitaires ont bien compris que cette couleur -vue aussi dans une réclame pour Perrier- apportait une dimension quelque peu volcanique et esthétique au propos commercial.
Belle exposition à dire le vrai qui nous balance entre le 19e siècle et l’approche plus contemporaine des femmes rousses. Même Apollinaire y est mentionné, lui qui avait épousé 6 mois avant de mourir, la « jolie rousse » Jacqueline Kolb. « Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps/ô Soleil c’est le temps de la raison ardente/Et j’attends/Pour la suivre toujours la forme noble et douce/Qu’elle prend afin que je l’aime seulement/Elle vient et m’attire ainsi qu’un fer l’aimant/Elle a l’aspect charmant/D’une adorable rousse/Ses cheveux sont d’or on dirait/Un bel éclair qui durerait/Ou ces flammes qui se pavanent/Dans les roses-thé qui se fanent ». Poème qu’il avait publié dans « l’Éventail » le 15 mars 1918. Il l’avait rencontrée en 1914 avant de la retrouver en 1916 et de convoler avec cette Amélia dite Jacqueline en mai 1918.
PHB
« Roux! » De Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel. Du 30 janvier au 20 mai 2019. Musée national Jean-Jacques Henner 43 avenue de Villiers 75017 Paris. Tous les jours sauf le mardi de 11h à 18h.
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