L’autre Bilbao: Gexto et Portugalete

Depuis 1997, date de son ouverture, le nom du musée Guggenheim colle à Bilbao comme une seconde peau. Si on ne peut nier le rôle important joué par ce temple de l’art contemporain pour sortir la ville de sa dépression post-industrielle et l’entraîner vers un XXIe siècle plus lumineux, le Guggenheim a parfois tendance à focaliser l’attention sur lui. Il serait pourtant dommage de négliger les autres trésors de Bilbao et de sa banlieue.

Sans s’en éloigner beaucoup, à 500 mètres du Guggenheim, le musée des Beaux-Arts est un vrai joyau. Si son architecture, moins contemporaine, ne peut rivaliser avec la réalisation audacieuse de Frank Gehry, la qualité et l’importance de ses collections (7000 pièces s’échelonnant du XIIème siècle à aujourd’hui) en feraient le second musée des Beaux-Arts du pays après le Prado. L’accrochage actuel est innovant. Les œuvres ne sont pas présentées chronologiquement ou par école de peinture comme habituellement mais par ordre alphabétique suivant des mots clés (J pour Japon, M pour Maman, N pour Noir …). Le grand écrivain espagnol de langue basque Kirmen Uribe, né en 1970, a imaginé et donné forme à cet abécédaire après déambulation dans le musée qu’il visite depuis son enfance. Il a rédigé l’intéressant catalogue dont un extrait sous forme de petit livret est remis aux visiteurs. Cet accrochage intelligent stimule l’imagination et permet de déchiffrer les œuvres sous un autre angle.

Pour une exploration plus lointaine, Getxo et Portugalete, banlieues nord à 12 kilomètres de Bilbao, sont des destinations de choix. En moins de 30 minutes de métro, on s’évade de Bilbao pour marcher plusieurs heures le long de plages dorées et faire des découvertes enchanteresses. Les deux villes sont situées de chaque côté de l’embouchure du Rio Nervion, le fleuve qui traverse Bilbao, Gexto, rive droite et Portugalete, rive gauche. Elles ont une histoire commune, celle de la pêche et du commerce maritime, puis, à partir du XIXe siècle, de l’industrialisation massive grâce aux mines et chantiers navals. Ces anciens villages de pêcheurs, que l’industrialisation a enrichis, sont devenus des endroits prisés. Grâce à ses cinq plages, Gexto a attiré une clientèle plus huppée et, aujourd’hui encore, est une banlieue résidentielle chic. Portugalete est plus historique ou plus populaire, suivant les quartiers, mais non moins charmante.

Comme dans un conte, les deux cousines qui se faisaient face sur les rives du fleuve ont enfin pu être réunies grâce à l’inauguration en 1883 du premier pont transbordeur du monde, le pont Colgante (ou Biscaye). La problématique n’était pas simple. Il fallait trouver un système qui permette une traversée continue et rapide pour véhicules et piétons sans pour autant bloquer le Rio et empêcher les grands navires de passer. Alberto Palacio, un disciple de Eiffel, est l’auteur de cette invention de génie. Un pont métallique, haut de 50 mètres pour permettre le passage de hauts mats, a été édifié. Un charriot roulant a été fixé à son tablier et une nacelle (qui se trouve à hauteur de quai) y a été suspendue par des câbles. La nacelle « roule » ainsi en continu d’une rive à l’autre sans gêner le trafic maritime. Elle peut contenir 6 voitures et 200 personnes.

La promenade de Getxo à Portugalete est bien balisée. Il est plus logique de commencer par le côté Getxo, rive droite, en prenant le métro de Bilbao jusqu’à la station Algorta. De là, un chemin mène vers le vieux port pittoresque d’Algorta dont les maisons basques crépies s’échelonnent sur la colline. Avant d’emprunter ses ruelles qui descendent vers la mer, une pause-café ou vin blanc local s’impose sur la ravissante petite place devant le bar Arrantzal. Requinqué, on dégringole les ruelles d’Algorta jusqu’à la plage d’Ereaga. On y marche jusqu’à la magnifique station de sauvetage en mer construite en 1920 (ci-dessus). Puis, on débouche sur le Paseo de Las Grandes Villas, une promenade bordée d’extravagantes villas cossues qui longe la grande plage de Las Arenas. Reste à obliquer et marcher encore un peu pour rejoindre le Rio et tomber sur le pont Colgante, classé au patrimoine de l’Unesco en 2006. On monte dans sa nacelle qui en une minute trente nous transporte à Portugalete. Presque en face du pont, la place pavée Solar dresse ses élégantes façades du XIXe siècle avec arcades autour d’un kiosque à fanfare. De là, en gravissant des ruelles pentues on rejoint le quartier médiéval. Il n’en reste que l’imposante basilique gothique Santa Maria et la tour Salazar qui date du XVe siècle. Devant la tour, un promontoire offre une vue imprenable sur le pont, le port et Getxo. Les courageux à qui il reste de l’énergie pourront finir la journée en visitant le musée de l’industrie en contrebas du fleuve Nervion. A l’aide de tableaux et de machines, il met en avant l’industrialisation de la région et les transformations sociales qui en ont découlé. Les mollets fatigués et les yeux éblouis, reste à prendre le métro à la station Portugalete pour rejoindre Bilbao.

Getxo et Portugalete, banlieues nord à 12 kms de Bilbao (région de Biscaye), joignables en métro.

Lottie Brickert

Le pont Colgante à Bilbao. Photo: Lottie Brickert

 

N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans récit. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à L’autre Bilbao: Gexto et Portugalete

  1. Raymond dit :

    Mieux qu’une proposition issue d’un guide touristique, voici une belle invitation pour occuper une journée lors d’un séjour à Bilbao. Tout y est,… même le soleil !

  2. Deregnieaux dit :

    Merci de nous faire vivre et revivre ces émerveillement !!!

Les commentaires sont fermés.