Fascinante photographie dont la banalité apparente succombe en lisant la légende. Elle a été prise en début de semaine par la sonde Insight depuis le sol martien, au terme d’un périple de plusieurs mois. Elle ne contient que trois plans: une partie de la sonde elle-même, une étendue de paysage désolé et un bon tiers de ciel orangé. Ce n’est pas la première photo de Mars, mais l’exploit subjugue toujours autant dans la mesure où moins de la moitié des missions ont été couronnées de succès. Compte tenu des variations astrales, l’engin se situe actuellement à quelque 130 millions de kilomètres. Comme la sonde est parvenue en tirant des bords sous le vent solaire tel un voilier en baie de Perros Guirec, elle a dû effectuer pour ce faire environ quatre fois la distance théorique.
L’événement a fait à juste titre la couverture de plusieurs journaux, nous délivrant au passage de l’atmosphère terrestre si pesante par les temps qui courent. Il est à noter que les médias ont bien précisé que la sonde s’était posée sur Mars. Cela peut paraître évident mais lorsqu’il s’agit de la Terre, par un étrange effet de nombrilisme cosmique, chacun ne la désigne plus que sous l’intitulé « la planète » ou encore « notre planète » comme si son nom de baptême était passé sous la ligne de la dernière tendance à suivre. Un peu comme si Tintin disait « le chien » au lieu de Milou. « La planète » est un égarement linguistique du genre invasif. Le jour où elle redeviendra la Terre gageons que les choses iront mieux pour elle.
Quoiqu’il en soit, à raison de huit minutes de délai pour chaque transmission, l’hyper-drone Mars Insight nous enverra donc des nouvelles de l’environnement martien pour le plus grand délice des scientifiques qui vont accompagner la mission à distance.
L’événement a été un peu perdu de vue (et pour cause) mais il est encore possible de suivre en direct (1) sur Internet, l’épopée des sondes Voyager 1 et Voyager 2, lancées l’une et l’autre en 1977. Les compteurs tournent toujours de visu, témoignant d’une progression inouïe. Elle sont maintenant à des milliards de kilomètres du boulevard Sébastopol, aux confins du système solaire et même davantage. Elles ont consommé près des deux tiers de leur énergie embarquée ce qui fait que par économie certains instruments ont dû être débranchés ainsi que l’atteste l’actuelle feuille de route. La première s’apprête à entrer dans une période de totale solitude puisqu’à partir de 2025 elle ne sera plus capable de collecter et de transmettre des données. Mais après quarante ans de service c’est déjà remarquable. Elle peut bien prendre un congé sans solde. La seconde transporte on le sait un disque (Voyager golden record) gravé d’informations essentielles sur l’humanité ainsi qu’un message du président Jimmy Carter tout teinté d’urbanité. Au passage, si des extra-terrestres à la lecture du disque se décidaient à venir nous voir, parions qu’ils jureront sûrement à la tromperie en découvrant Donald Trump. Mais Jimmy Carter, toujours vivant à l’heure où ces lignes sont écrites, pourra s’évertuer, en faisant de grands gestes, à dissiper la méprise.
En 1990, à la demande paraît-il insistante du scientifique Carl Sagan qui en fera un livre, les ingénieurs avaient fait pivoter la première sonde afin qu’elle fasse une photo des planètes qui se trouvaient dans son dos. Et sur un cliché pour le moins rendu extraordinaire grâce -là encore- à la légende qui l’explicitait, il avait été possible d’apercevoir un point bleu pâle (a pale blue dot) qui n’était rien d’autre que cette « bonne vieille Terre » déjà décrite par un des plus grands auteurs d’anticipation, Georges Rémi, dit Hergé.
Cet été Mars était proche de nous. Il était facile de la distinguer à l’œil nu, depuis la surface du globe. Son scintillement nous interpellait. Tout comme la grosse centaine de météorites qu’elle nous a expédiées sur terre en conséquence de collisions sur son sol, ainsi que ce ce projectile tombé en Egypte en 1911 à Al Buhayrah (2) qui provenait bien de là-bas. C’est ainsi que d’une certaine façon, la sonde Insight est bien partie sur Mars pour identifier le tireur et établir un constat à l’amiable, des plus vertigineux.
PHB
(1) Suivre en direct le trajet des sondes Voyager
(2) Les météorites du Muséum d’histoire naturelle sur les Soirées de Paris
Sans oublier Tchouri et Philae, tous les travaux en cours pour concevoir « les camions poubelles » de l’espace apparemment jonché de détritus, les sondes qui mettent dix ans à parvenir à destination, … une source d’émerveillement infinie ! Et le live du Monde sur InSight était mieux que palpitant.
Cher Philippe
Je ne te connaissais pas cet intérêt pour notre cosmos. Quoi de mieux pour nous extraire de notre quotidien de terriens et de notre planète qui s’epuise.