Ce n’est pas sa destination initiale mais cette balance de cuisine indique que cette balle de golf pèse près de cinquante grammes. Selon la norme en vigueur, ladite balle devrait peser 45,93 grammes. La balance ci-contre n’a jamais été réglée mais elle semble assez précise. Quant à la balle, son poids est censé varier légèrement au fil des années car la matière qui la compose n’est pas inerte. La métrologie est un sujet tellement sérieux qu’il fait l’objet d’une conférence périodique de redéfinition des normes. Ce qui devrait être le cas à la mi-novembre à Versailles. Il y sera reconsidéré quatre unités de mesures: (le kilogramme, l’ampère, le kelvin et la mole).
Un film absolument délicieux est sorti en 2014 sur ce thème a priori aride. « 1001 grammes » racontait le périple d’une scientifique suédoise venue depuis son pays jusqu’à Sèvres, au Bureau international des poids et mesures (BIPM), afin d’expertiser le kilo national face à la référence française. La non moins délicieuse Ane Dahl Torp y transportait son kilo sous cloche avec autant que de précautions que s’il s’était agi d’une bombe atomique miniature. L’auteur Bent Hamer réussissait en l’occurrence l’exploit de construire une histoire convaincante autour d’un thème a priori barbant et de ces personnages qui régulièrement se réunissent au pavillon de Breteuil pour y parler mesure. La Suède fait en effet partie d’un ensemble de 60 États attentifs à leurs valeurs de métrologiques de référence. Quant à la France, via le BIPM, elle est depuis 1875 le centre de tous ces échanges mystérieux. Audiard s’en était d’ailleurs inspiré dans « Le cave se rebiffe » où il était question d’un con tellement représentatif qu’il aurait pu être conservé « à Sèvres », du moins si la « connerie se mesurait ». Le pays de Voltaire compte également un bureau national de métrologie et d’essais (LNE) sis dans un superbe bâtiment art-déco (voir plus bas) et qui depuis 1901 « déploie ses moyens humains et techniques pour développer des moyens de mesure toujours plus fiables et plus précis ». Au point qu’il se donne désormais la tâche d’expertiser l’intelligence artificielle comme quoi Audiard n’était pas loin d’avoir vu juste.
Pour en revenir (enfin) à notre kilo universel, il est donc enfermé à Sèvres dans un caveau et sous une triple cloche de verre censée le préserver des aléas susceptibles de faire varier sa masse. Car il n’est pas stable dans le temps, le LNE ayant relevé des « incohérences » en un siècle et demi. C’est pourquoi il sera tantôt redéfini à partir de la constante de Planck (h = 6.626 070 41× 10−34 Js) et à l’aide la balance de Kibble dont la complexité n’a rien à voir avec un vulgaire matériel de cuisine propre à peser la farine. Et le résultat de cette opération stupéfiante est que le kilogramme devrait être dématérialisé au profit de constantes définies par les calculs abstraits de la physique scientifique. Surnommé le « grand K », le vieux kilo sera transformé en « unité de masse ». Rien que l’annonce nous en laisse passablement bouche bée.
En écho à la conférence de Versailles devant faire date, le Musée des arts et métiers organisera à partir du 16 octobre et jusqu’au 5 mai une exposition qui assouvira ceux que cette chronique pondérale aura laissés sur leur faim. Elle s’intitulera finement «Sur mesure, les 7 unités du monde» et permettra de découvrir toutes sortes d’objets qui ne souffrent pas l’imprécision comme la machine à voter dite Pséphographe dont les compteurs pointaient les « favorables », les « indécis », les « contraires » et les « votants ». L’exposition est vouée à expliquer la prépondérance de la mesure dans le quotidien des humains. Ce qui pourrait par effet de contraste amener le visiteur à retrouver la valeur de la démesure, notion pour le moins essentielle à notre hygiène mentale.
PHB
L’exposition du Musée des arts et métiers dès le 16 octobre
Les 7 unités de base du Système international (Source Cnam)
Le mètre: la longueur
Le kilogramme: la masse
L’ampère: l’intensité du courant électrique
La seconde: le temps
Le kelvin: la température
La mole: la quantité de matière
La candela: l’intensité lumineuse
Merci d’avoir signalé le délectable (mais trop méconnu) « 1001 grammes » de Bent Hamer.
On peut poursuivre la découverte du cinéaste norvégien en savourant un autre de ses films, « Kitchen Stories ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Kitchen_Stories