La géométrie inspirée de Ania Luk

On ne peut pas encore savoir quelle sera la prochaine étape. Depuis quelque temps Ania Luk emprunte à la géométrie euclidienne pour y contextualiser ses personnages. En réalisant « Vibrant 1 » (ci-contre), l’artiste polonaise fige son personnage sur une surface qui rappelle un cadastre. À cette notable différence par rapport à une carte foncière, que la démarche de l’auteur, diplômée de la « Warsaw academy of fine arts » est diablement libérée, esthétisante. Un mélange  très étudié des couleurs, d’abstraction savamment distribuée et de réalisme accentué, confère à ses œuvres un charme qui retient le regard.

Lorsque Piet Mondrian a voulu s’échapper du cubisme il s’est lui aussi orienté vers la géométrie mais il en a fait son objectif central. Il opposait ses couleurs dans des grilles, créant de ce fait un ailleurs extrême dont il n’est plus jamais sorti. Il prétendait que sa peinture planait « dans le plan » que tout se composait « par relation et réciprocité » que la couleur n’existait « que par l’autre couleur, la dimension par l’autre dimension » et qu’il n’y avait « de position que par opposition à une autre position ». C’était un cérébral ayant achevé son voyage créatif aux confins de l’abstraction. Au point que Dali l’avait cruellement surnommé « Niet Mondrian ».

Ce n’est certes pas la même chose avec Ania Luk dont l’âge (elle est née 1979) lui donne encore de la marge pour faire évoluer son univers. La géométrie chez elle n’est pas seulement un contexte puisque les lignes et les courbes mangent littéralement ses sujets, intègrent leur anatomie. Au contraire de Mondrian ce sont ses sujets qui planent dans le plan, au sein d’un découpage qui tend à les mécaniser. Sans pour autant grever une sensualité recherchée, exhaussée le plus souvent par des couleurs chaudes que vient néanmoins climatiser la froideur de la matière acrylique.

Les femmes qu’elle représente sous un jour quelque peu robotique sont à l’extrême opposé de la peinture classique. Elles apparaissent modernes, engagées, émancipées, ancrées dans le défi de la vie contemporaine, au contraire de ses premières œuvres. Malgré l’usage de couleurs douces, ses « Supergirl » (ci-contre la numéro 6) ont aussi cette touche de froideur provocatrice, cette insolence juchée, cette posture quelque peu martiale enfin, qui caractérisent les photographies d’un Helmut Newton ou d’un Guy Bourdin. Parfois la femme est totalement évacuée (ou très bien cachée) comme l’une de ses réalisations intitulées « Summertime » avec ce commentaire qu’elle fait sien: « continuez de regarder le soleil et vous ne verrez plus jamais les ombres ». On voit bien le message mais il est permis de préférer ce que le soleil éclaire et chercher ce qu’il éclipse.

Tout l’enjeu désormais pour cette artiste attachante sera d’identifier le moment où son style devra évoluer sauf à prendre le risque de tourner en rond et de se retrouver coincée au fond d’une impasse, avec un style voué à la péremption. À elle de trouver un jour de nouvelles voies, de faire preuve de l’inventivité indispensable à la prolongation d’un trajet artistique. Sur la route, la ligne continue s’oppose à la ligne discontinue. L’une interdit le franchissement, l’autre l’autorise, le plus souvent pour dépasser celui qui précède. Dans le cas d’un cheminement créatif il y a moins de règles. Il s’agit surtout se démarquer de soi-même. C’est tout l’enjeu de la « super girl » polonaise.

PHB

Ania Luk sur son site

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4 réponses à La géométrie inspirée de Ania Luk

  1. C’est là le genre de « fabrication » qui me laisse froid, indifférent.

  2. Je suis pour ma part très sensible à l’univers d’Ania Luk. Sûr qu’avec de telles réalisations en tête au temps du lycée, j’eusse aimé la géométrie!

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