Sur un buste féminin de céramique blanche, Jeanne Rimbert a déposé une coiffe évoquant fortement de la viande sortie du hachoir. Son projet « Hurted » (blessée) est une interrogation violente sur la femme d’aujourd’hui laquelle serait encore prisonnière d’un patriarcat plurimillénaire. Sa déclinaison sanguinolente, bras tranchés, aux antipodes d’une couverture de Vogue, se donne à voir dans le cadre d’une exposition organisée par « Mémoire de l’avenir » du côté de Belleville.
Le sujet est trop vaste pour ce petit local situé rue Ramponeau dans le 20e arrondissement, mais la dizaine d’auteurs ayant contribué au concept ont le mérite de l’avoir abordé. Aussi brûlante que soit cette thématique. Comme tente de l’expliquer Margalit Berrier, la présidente tout à la fois de l’association et de la galerie, le monde a évolué de façon simpliste sur une séparation des genres alors que nous porterions chacun dans nos intérieurs biologiques, une dualité des moins claires. D’où un imbroglio majeur sur lequel, de toute éternité, les deux sexes s’affrontent.
L’artiste Zohar Ballas a ainsi tenté d’inverser les rôles à travers une proposition vidéographique lente qui montre un couple à l’instant du petit-déjeuner. Elle se prépare à partir tandis que l’homme reste à la maison se prenant la tête dans les mains en signe de désespoir. Le film montre une femme au seuil de sa journée de travail achevant une cigarette avant de quitter l’appartement. L’atmosphère de cette pièce muette tend à la démonstration d’une rupture de genre. Scission sociétale un peu anachronique d’ailleurs dans la mesure où a priori, le problème ne se pose plus beaucoup dans les couples modernes où travaille qui peut. Mais voilà l’homme remis à une place qui était habituellement le sort de la femme au foyer. Cette exposition ne voit pas d’un bon œil, loin s’en faut, les rodomontades viriles. Au risque de troquer une caricature pour une autre.
Farah Terkmani a de son côté choisi de jouer avec les Barbie et les Ken censés symboliser cette dualité déséquilibrée. Pour ce faire elle a (ci-contre) posé son visage sur la plaque de verre d’un scanner afin de mieux jouer (c’est le cas de le dire) avec la culture féminine de la poupée. Cependant qu’une de ses images finales laisse entendre que là aussi le vent a tourné. Ce qu’il est tout à fait possible de vérifier, du moins en France, en écoutant par exemple, dans un autobus, les conversations que tiennent entre elles les adolescentes. L’objet sexuel change de mains pourrait-on dire. C’est ce qu’elle nous fait bien comprendre.
Il n’y a pas que des femmes qui exposent ici, dans ce cadre scénographique où l’homme pourrait voir un jour sa destinée réduite à une bille de flipper. Le plasticien Marcel Rodriguez a également misé sur le retournement d’un dogme en contrant Le Corbusier avec son célèbre « Modulor ». Maquette qu’il avait conçue en 1945 comme étant l’homme idéal, taillé pour l’avenir, sans se soucier de l’existence de la femme et de son rôle. Marcel Rodriguez a donc répliqué avec une « Moduleuse et son petit ». L’homme est ainsi évacué de la partie de même que le couple qu’il pourrait encore former. Entre deux mondes à l’envers, patriarcat et matriarcat, on peut se demander s’il existe un endroit (dans les deux sens du terme) où il serait possible de vivre paisiblement les différences physiques.
Tout cela paraît donc assez symptomatique d’une époque rebelle, encore que la mémoire de l’action féministe ne date pas d’hier. Globalement la transition s’annonce longue et douloureuse dans les deux camps, s’il s’agit bien de camps. Chez les contemporains civilisés, le débat est quand même forclos. C’est à dire pas en direction du bannissement de l’un ou de l’autre. Mais davantage vers l’entente cordiale qui n’aurait jamais dû dévier de sa course depuis les origines.
PHB
« Madame, je peux vous appeler monsieur? – Je vous en prie monsieur, je vous appellerais (sic) donc Madame ». Jusqu’au 24 mars au 45/47 rue Ramponeau 75020 Paris métro Belleville
On sent vraiment la fibre artistique !
André Lombard 84750 viens.
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