Il était de Parme, Italien jusqu’à son dernier souffle, mais il habitait Saint-Cloud. Voilà près de trente ans que ce monolithe du cinéma français a disparu et cela valait bien une petite exposition à son endroit, au musée de la ville, non loin de son ancienne maison. Comme tout a été dit et redit autour de cette légende granitique, il y avait de quoi hésiter, mais surprise, le charme fonctionne toujours.
Deux salles lui ont été réservées dans l’ancienne Villa Brunet qui abrite le musée des Avelines. Pour qui connaît sa filmographie, nulle surprise n’est à attendre. Ce pourquoi ça fonctionne malgré tout, c’est d’une part parce que l’on s’aperçoit vite qu’il nous manque et d’autre part, en raison de la haute concentration d’affiches de films qui nous réveillent la mémoire.
D’autant que dans une des deux pièces il y a la musique entêtante des « Aventuriers » qui tourne en boucle. Ce film de Robert Enrico sorti en 1967 distille encore 50 ans plus tard une bienfaisance appréciable. Il racontait l’histoire de deux amis, tous deux amateurs de mécaniques. Alain Delon et Lino Ventura y interprétaient deux personnages pas franchement adaptés à la vie de bureau, prêts à toutes les aventures et indépendamment des échecs à répétition car c’est rarement le résultat qui compte mais l’itinéraire. C’est la première phase de ce film qui en compte plusieurs. En second lieu les voilà qui rencontrent une artiste moderne, Lætitia, une jeune femme blonde incarnée par la belle Joanna Shimkus. Elle donne dans la sculpture métallique moderne et pour elle, ils arrachent à mains nues des portières dans une casse automobile. Ils étaient deux, les voilà trois. À partir d’un tuyau glané auprès d’un assureur, ils partent ensemble à la recherche d’un trésor, au large de l’Afrique, dans un avion qui s’est abîmé en mer.
Les aventures c’est comme des grandes parenthèses sauf que l’on ne sait jamais vraiment que l’on vient d’y entrer et que l’on ne devine pas davantage que l’on va en sortir. Une fois le trésor trouvé ils sont désormais quatre avec un pilote rencontré sur un quai, joué par Serge Reggiani. C’est lui qui provoque à son corps défendant la fin d’une belle histoire d’amour et d’amitié. Pour un temps, plantés devant l’affiche, nous voilà derechef les passagers clandestins du voilier sur lequel ils voguent au soleil jusqu’au drame qui va tous les séparer.
A vrai dire dans cette exposition à haute teneur cinématographique chacun peut faire ses courses en fonction de ses propres souvenirs. Et attraper le cafard devant l’affiche de « L’armée des ombres », le fou-rire convenu en face de celle des « Tontons flingueurs », une envie de camping à risques à Tobrouk ou encore se remémorer le sensible, bizarre et onirique film de Jacques Deray, « Un papillon sur l’épaule ».
Certes Lino Ventura nous manque dans ce nouveau siècle dévoyé par les nouvelles technologies et la nourriture sans gluten. Toutes les biographies qui ont été faites de lui y compris par sa fille, nous décrivent un homme de valeur, avec de de la classe, fidèle en amitié, gros mangeur, drôle et incidemment excellent acteur. Tous les témoignages concordent, Lino c’était la droiture même, un Martien parmi parmi les faibles que nous sommes tous. Et nous l’aimions ainsi, intimidés par un tel modèle.
Sauf qu’en août 2013, Gala sort un scoop, présenté comme tel par le magazine: Lino Ventura avait une maîtresse. Elle s’appelait Yanou et évoque longuement leur liaison (1). Mais de cette révélation finalement il n’en est sorti que meilleur. Lino Ventura était donc un homme normal, sensible, à même de commettre un écart mais discret. L’info n’aurait jamais dû sortir, c’est le propre logique de toute relation clandestine. Évidemment cette affaire de l’ombre, privée, ne figure pas dans l’exposition. Dont nous sortons quand même satisfaits avec en tête la musique des « Aventuriers » et une envie pressante parce que constamment refoulée, d’aller chercher l’aventure ou les souvenirs de l’aventure, au Parc de Saint-Cloud tout proche.
PHB
« Lino Ventura, une gueule de cinéma ». Au musée des Avelines jusqu’au 21 janvier. 60 rue Gounod à Saint-Cloud, du mercredi au dimanche.
Ah ! Les Aventuriers ! Un film qui ne cesse de gagner des galons posthumes… Bien mieux que « La Sirène du Mississippi »… Bien mieux que bien des Chabrol surévalués de l’époque…
Ne pas oublier de citer François de Roubaix… Pour cette musique qui entête !
Et se rappeler que « Les aventuriers » est l’adaptation d’un demi-bouquin de José Giovanni… Si on veut avoir la totalité du livre en images, il faut regarder « La Loi du survivant », film rare et premier film de José Giovanni… Encore un type bien qui avait fourni à Enrico matière à un autre très beau film…. « les Grandes gueules » avec toujours Lino… Bourvil… et le très sous-estimé Michel Constantin…
Et (encore un « et » !) une autre sublime musique de François de Roubaix…
Coppola qui appréciait beaucoup Lino avait pensé à lui en un pour Le Parrain !
Mais Ventura se foutait pas mal d’Hollywood… Il préférait manger des pâtes dans le 14e chez l’ami Georges… Alors il a refusé Don Corleone…
C’est ça un acteur de légende : il est aussi grand dans les films qu’il a tournés que dans les films qu’il a refusés…
Lino Ventura le plus français des acteurs qui resta italien jusqu’au bout de sa vie, , , il conservera la nationalité italienne. Il est vrai que l’on retrouvait dans le cinéma italien des années de l’après guerre jusqu’aux années 70, à la fois un cinéma encré dans l’Italie moderne, et aussi avec Cinecita un cinéma qui a su rivaliser avec Hollywood, pas étonnant d’y croiser Ingrid Bergman, Delon , Girardot…
Je profite de ces mots pour rappeler que Bertrand Tavernier toutes les semaines, sur Ciné Classic nous invite à le suivre dans son histoire du cinéma français, jusqu’au 13 février . Passionnant !
http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/bertrand-tavernier-raconte-son-cinema-francais-dans-une-serie_1fbb11ee-1860-11e7-9703-8fce47182fb9/