La «comédie British de la rentrée», comme le vante l’affiche, n’est pas celle que l’on croit. Rien à voir en effet avec les comédies romantiques auxquelles les réalisateurs outre-manche nous ont habitués. Rien à voir non plus avec le célèbre film de Blake Edwards avec un Peter Sellers qui sème le trouble dans une soirée hollywoodienne.
Ici, la soirée en question se déroule dans une charmante maison londonienne, qui sent bon l’élite intellectuelle avec ses briques apparentes, ses livres et ses vinyles de jazz.
Janet, jouée magistralement par Kristin Scott Thomas, réunit ses proches amis pour leur annoncer sa nomination comme secrétaire à la Santé dans le Shadow Government, la culmination d’une brillante carrière politique mais aussi d’un engagement qui a pesé sur son couple comme on le comprend assez rapidement. Elle est mariée à un professeur de littérature classique, joué par Timothy Ball, apathique dans son fauteuil lorsque le film démarre tandis que sa superwoman de femme jongle entre les coups de fils de félicitations et les préparatifs culinaires -on peut être ministre, future Margaret Thatcher et faire des vols au vents- .
Viennent bientôt les rejoindre la meilleure amie de Janet, une américaine à la langue bien acérée, la toujours impeccable Patricia Clarkson, et son compagnon, un allemand «life-coach» et guérisseur new-age joué avec délectation par Bruno Ganz. Sont aussi présents un couple de lesbiennes dont la plus jeune a elle aussi une annonce à faire, et un banquier très agité , Cillian Murphy très loin des Peaky Blinders, mari de la collaboratrice de Janet qui est en retard. Une Marianne dont il va être beaucoup question ce soir-là, mais qu’on ne verra jamais, un peu comme dans le film de Mankiewicz « Chaînes conjugales ».
Pas de voix off pourtant, mais des dialogues qui pétillent comme le champagne qui est servi. L’humour est typiquement british, les personnages des archétypes assumés, et c’est réjouissant. Pas de temps mort non plus dans ce film de 71 minutes qui pourrait être aussi joué sur une scène de théâtre. On pourrait être dans du Harold pinter ou Yasmina Reza. Unité de lieu, le rez-de-chaussée de la maison ; unité de temps, mais certainement pas unité d’action : ici, les intrigues secondaires sont multiples, les annonces se succèdent, les gifles claquent et les secrets se dévoilent en plus de temps qu’il n’en faut pour acheter la place de cinéma. Jusqu’au twist final, annoncé dès la première image.
Est-ce une satire du monde politique, des intellectuels anglais bien-pensants de l’époque pre-Brexit, de la finance (le banquier est bien entendu sous cocaïne)? C’est un peu tout cela, car tout y passe : politique, religion, féminisme, médecine classique/new age, PMA, etc. C’est léger et un peu attendu. Certains reprocheront à Sally Potter un certain manque d’ambition et d’épaisseur de ses personnages. Mais cela fait aussi tout le charme du film.
Le casting est de premier ordre, la mise en scène dynamique. Et les plans serrés, filmés au plus près des visages, des rides et de la sueur, par le directeur de la photo russe Alexei Rodionov nous rappellent toute la puissance du noir et blanc pour exprimer les émotions. Quant à la musique, cela fait longtemps qu’elle n’avait pas joué un tel rôle pour supporter l’intrigue. Son utilisation dans la scène du malaise d’un des personnages est particulièrement réussie.
Court et précis, le film de Sally Potter est un ovni délicieux.
Marion Leblanc-Wohrer
C’est « the party » forcément avec une nouvelle signature dans les Soirées de Paris 🙂
Excellent movie S.