Rien de plus facile que d’entrer au Panthéon. Sans recommandation particulière du chef de l’État, il suffit de s’acquitter de la somme de neuf euros pour aller admirer ces gens qui ont réussi au point d’avoir une concession de première classe à l’abri du bruit et des intempéries. Qui plus est dans une crypte dotée d’une rare hygrométrie de cave champenoise. On se sent bien modeste à déambuler dans ce dédale intemporel. Mais la liberté de pouvoir y entrer et surtout d’en sortir à sa guise, console substantiellement d’appartenir à ceux qui ne sont rien.
Les deux petites filles de l’ancienne ministre Simone Veil ont diplomatiquement prévenu que la place de leur grand-mère, si estimable que fût leur aïeule, était davantage de reposer au côté de son mari au cimetière de Montparnasse, laissant entendre que les deux époux auraient souhaité cette ultime réunion après plus de soixante années de vie passées ensemble. Le président de la République a donc décidé ce mercredi de les transférer tous les deux. Au demeurant l’actualité incitait à visiter ce monument sans doute plus connu des touristes que des Parisiens.
Voulu par Louis XV, conçu par Soufflot, l’ensemble a connu des fonctions zigzagantes, jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui, un temple pondéral voué à accueillir les dépouilles des dignitaires et dévolu au culte de personnalités remarquables.
Le Panthéon dans sous-sol a de multiples possibilités d’accueil, de la pièce à deux jusqu’au dortoir. Victor Hugo partage la chambrée avec Alexandre Dumas tout comme Jean Moulin et André Malraux. D’autres sont plus nombreux à se tenir chaud ce qui n’est d’ailleurs pas qu’une expression car l’ambiance est fraîche. Au sein de ce grand frigo élitaire certains n’ont droit qu’à une inscription gravée sur les murs. C’est le cas notamment de l’ami d’Apollinaire René Dalize, écrivain mort à la guerre et enregistré à ce titre. Blessé durant le conflit de quatorze dix-huit, Guillaume Apollinaire figure également sur cet annuaire pariétal bien qu’il soit mort chez lui (et bien mieux loti au Père-Lachaise) mais deux jours avant l’armistice.
Jean-Jacques Rousseau pour sa part, a non seulement eu droit à l’installation de sa dépouille en bonne et due forme, mais le sculpteur Albert Bartholomé lui a consacré à l’étage un monument étonnant, comme l’on n’oserait plus en faire. Il est en effet garni de cinq femmes plus ou moins déshabillées, symbolisant de la sorte, la philosophie, la nature, la vérité, la musique, la gloire.
Le taux de remplissage du Panthéon n’a pas encore atteint loin s’en faut sa valeur nominale (73 pensionnaires pour 300 places). Cette surcapacité dans le stockage des défunts célèbres fait que de grandes pièces peuvent actuellement être occupées par des panneaux racontant la longue histoire du lieu. La direction d’EDF qui a actuellement maille à partir avec le couvercle (en plus de la cuve) de sa centrale nucléaire de Flamanville, pourrait trouver matière à réconfort en apprenant que le chantier (1755-1790) de Soufflot a aussi connu des déboires avec son dôme, lequel, du haut de ses quatre-vingts mètres et avec ses coupoles sous-jacentes, a finalement tenu bon sur ses piliers.
Un dépôt au Panthéon peut prendre du temps si l’on veut bien se souvenir que Jean-Jaurès n’y a été transféré que 10 ans après son assassinat au café Le Croissant, le 31 juillet 1914. Ce mardi 4 juillet on pouvait voir une rose rouge sur la tombe du journaliste, fondateur de L’Humanité et homme politique. De son sous-sol, l’unificateur des socialistes français fait bien de ne pas remettre le nez dehors pour constater l’état de dégradation avancé de ses beaux idéaux. Du reste on peut supposer que son âme vole bien plus haut et qu’il aura à cœur de faire bon accueil à celle qui avait elle aussi une notion assez élevée des valeurs humaines.
PHB
Le Panthéon, situé sur la place du même nom, au sommet de la montagne Sainte-Geneviève est ouvert tous les jours de 10 heures à 18h30
Je préférerai pour ma part Simone Weil… mais peut-être aura-t-on bientôt tous les « winners » chers à E.M… Pourquoi pas Marcel Dassault, Marcel Bleustein-Blanchet, Jean-Luc Lagardère… en attendant leurs descendants (pas sans-dents)… Pinault, Arnaut, Draï, Bolloré…
Il y a déjà plus de la moitié du Panthéon remplis de curés et de soudards des temps napoléoniens… Alors pourquoi pas des chevaliers d’industrie ?
Les artistes et les savants dénotent dans cet endroit !!!
C’est tant mieux, car ce dortoir éternel ressemble à un internat… Je préfère encore Saint-Agil… Les chiche-capons au Panthéon !
Ont-ils posé des latrines neuves ?
Je me souviens d’une visite en aout, les vespasiennes puaient horriblement et l’on sentait que l’installation de stockage des matières était d’origine.
Au grand scandale des Anglais et des Américains disant » Mème en Inde profonde j’ai vu des chiottes infâmes, mais à ce point … »
On avait un peu honte d’être français…
… et Charles Péguy, lui aussi, simple nom inscrit avec les 560 écrivains combattants de 14-18. Resté au cimetière militaire de Chauconin-Neufmontiers, avec ses camardes morts au combat, sa sépulture garde ainsi du sens.