Afin de nous mettre finement sur la piste, de nous conditionner en douceur, François Ozon attaque dès le générique, au début de son dernier film. Le titre « L’amant double », profite d’une ombre portée. Ce qui fait qu’on le voit deux fois, de même que le nom du réalisateur, juste après. Il nous met ainsi une main (lourde) sur l’épaule pour bien appuyer la proposition cinématographique qui va suivre. Autant le dire tout de suite, ce n’est pas la meilleure.
Soit une belle jeune femme de vingt cinq ans qui souffre de maux à l’estomac. Elle s’en va pour ce faire consulter un psychiatre, beau lui aussi. Au fur et à mesure des séances, un flux amoureux s’installe. Au point qu’un jour, le psy lui avoue qu’il éprouve des sentiments à son égard, incompatibles avec la poursuite de la thérapie. Nous voilà d’emblée dans une séquence de la collection Harlequin où l’inusable chirurgien déclare sa flamme à l’inoxydable infirmière. Dans le film, l’un et l’autre s’éprennent, s’aiment, se désirent, s’étreignent, s’installent sous le même toit.
Dans cette histoire dont l’épaisseur cousue d’un double fil blanc peut occasionner des troubles de la vision dérangeants, on finit par découvrir avec l’héroïne, attention au coup de théâtre, que le psy a un frère jumeau, psy lui aussi mais dans la section analyse. Elle décide d’aller le consulter. Il est aussi beau que l’autre quoique un peu plus viril dans l’administration de rapports sexuels qui ne manquent pas d’advenir assez rapidement. « Mais quel est ton secret », lui demande-t-elle ingénument, puisant là encore dans le meilleur registre de la collection Harlequin.
Au fait qu’elle aime et désire l’un et l’autre s’ajoute la concurrence entre les deux hommes sans compter deux chats qui interfèrent pour allonger la mesure dans ce jeu avoué de mâles dominants. François Ozon est coutumier de la transgression mais dans le cas de son dernier opus il divague dans une passable ambiguïté. Sa dualité d’amants jumeaux fait peine.
Et il surdose. À travers une séquence fantasmée, les trois personnages mélangent leurs corps. Débordée, la jeune femme voit sa tête se dédoubler pour aller plus facilement d’une bouche à l’autre. Quand enfin, la protagoniste fait part aux deux hommes de son souhait de les pénétrer avec un sex-toy ce qu’elle fait à l’un en s’attirant des réflexions du genre « aïe tu me fais mal », on sent bien que dans la salle, les spectateurs sont divisés entre ceux qui rigolent sous cape et ceux qui mesurent nerveusement les limites de leur patience.
François Ozon a quand même réalisé des films plus aboutis, plus subtils, comme « Sous le sable », « Huit femmes », « Jeune et jolie », « Frantz ». Avec « L’amant double », sa longue expérience de la caméra n’épargne pas au film de toucher progressivement au ridicule. La qualité des images ne masque pas des lieux commun de bluettes à deux sous et ce, malgré le maquillage supplémentaire des séquences « osées ». Au rayon « audaces » justement, il faut également mentionner deux séquences endoscopiques qui font entrer le spectateur de plain pied entre les parois humides -sauf erreur pour la deuxième- d’un vagin. Avec une bonne voix off on se serait cru à Padirac.
Au moins deux spectateurs du MK2 Nation ont craqué avant la fin. Dehors, à la sortie, il tombait une grosse pluie comme on n’en voit qu’au cinéma.
PHB
Quel talent ! Non pas Ozon, Philippe !
Merci, Philippe, pour cette belle séance de rigolade !
Je confirme: mieux vaut lire la critique de Philippe, délibérément drôle, que voir le film d’Ozon, involontairement ridicule!
Je me demande souvent pourquoi tant de cinéastes français croient faire « œuvre d’auteur » quand ils se contentent de projeter leurs fantasmes…